Animation – Compte rendu : Miguel Couralet et Michèle Robinet.

(A travers ce roman qui a obtenu de nombreux prix, nous avons souhaité dédier cette soirée à Boualem Sansal, emprisonné à Alger depuis 11 mois, pour ses prises de position contre le pouvoir algérien et témoigner ainsi de notre solidarité pour cet auteur de renom).

Quelle formidable réunion autour de ce livre ! Les participants avaient tous lu préalablement le roman et ont pu échanger librement, vivement et de bon cœur sur tous les aspects de l’œuvre.

Une œuvre forte, émouvante, parfois inquiétante, avec des moments d’humour mais aussi qui génère beaucoup d’inquiétude sur l’évolution des situations. Une œuvre majeure pour comprendre notre temps.

Avant de commencer, la lecture a été faite de passages d’une lettre de Boualem Sansal écrite en août 2025 où il expose son état d’esprit alors qu’il est toujours emprisonné dans les geôles algéroises.

Dans ce roman polyphonique qui date de 2008, l’écrivain nous plonge dans l’histoire de deux frères, Rachel et Malrich, fils d’un ancien officier allemand, Hans Schiller, ingénieur en génie chimiste de formation, qui avait œuvré dans les principaux camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale.

Après la défaite, il a fui l’Allemagne et après un long périple s’est installé en Algérie. Il est devenu un temps instructeur militaire du FLN, puis s’est réfugié dans un petit village où il a mené une vie discrète cachant son passé de nazi, fondant une famille, se convertissant à l’Islam jusqu’au jour où, avec son épouse, il est massacré par le GIA, comme la majorité des habitants (Le massacre du village est un fait historique).

Ses deux enfants avaient été envoyés très jeunes en France pour être élevés par un couple d’amis immigrés.

Rachel, l’aîné des deux enfants, voulant honorer la mémoire de ses parents revient le premier au village et découvre l’identité cachée de leur père. Cette révélation le plonge dans une quête sans issue : il investigue sur les crimes nazis, voyage jusqu’aux camps où son père a sévi et dans les pays où il a transité pour fuir la sanction des alliés. Rachel consigne les 18 mois de son enquête méticuleuse dans un journal destiné à son frère. On visite avec lui les camps de concentration, rencontre les anciens compagnons de son père, on prend la mesure de ce que furent ces années d’abomination. Rachel accablé par l’horreur et incapable de porter le fardeau de savoir que son père avait été un tortionnaire et un criminel finit par se suicider.

 Le récit se poursuit avec la voix de Malrich. Adolescent de cité, moins instruit que son frère, il hérite donc du journal et découvre toute la vérité. Contrairement à Rachel, il s’efforce de donner sens à ce terrible héritage. À travers son regard se dessine une foule de personnages : ses copains de la cité, ballottés entre débrouille, violence et islamisme, les imams, figures d’autorité inquiétantes, le commissaire de police présent dans la cité interlocuteur sévère mais lucide, mais aussi les habitants du village algérien Aïn Deb.

Malrich cherche, à sa manière, une issue qui ne soit pas la haine ni le fanatisme.

En alternant des chapitres rédigés par Rachel avec ceux rédigés par Malrich, Sansal confronte la barbarie nazie, la tragédie de la guerre civile algérienne et la montée de l’islamisme en France.

 Le roman, d’une puissance exceptionnelle, avec son style incisif questionne la mémoire, la culpabilité et la responsabilité. Il évoque la question de la transmission entre les générations. Il offre une réflexion sur la possibilité de résister aux idéologies meurtrières. La référence a été faite à Albert Camus à propos de la posture des humains devant l’absurde.

Dans cette soirée de partage, sur ces thèmes si lourds et si graves, chacun a contribué à faire des distinctions, à poser les alternatives, à comprendre les enjeux, à repérer les impasses et à tracer quelques pistes d’espoir.

On retiendra aussi que la partie du récit de Malrich qui évoque la bande de copains de la cité est d’un humour et d’une justesse formidables.

Vraiment nous vous conseillons de lire cette œuvre !

Venez nous rejoindre dans ces soirées. C’est ouvert à tous et totalement gratuit !

Visitez les sites internet de la librairie et de l’association Partages Culturels en Provence.

Un livre, un auteur : Le village de l’allemand ou le journal des frères Schiller – Boualem Sansal
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