Animation : Miguel Couralet, Compte rendu : Miguel Couralet, Michèle Robinet.

Ce sont quinze personnes qui après avoir affronté le mistral glacial de ce 19 janvier ont partagé leur lecture du livre de Claudie Gallay « L’amour et une île » publié en 2010.

Beaucoup ont dit avoir été surpris au début par le style de Claudie Gallay : phrases courtes, chapitres très brefs, beaucoup de scènes et de personnages. Mais à part une lectrice qui a arrêté à la soixante-dixième page, les autres se sont passionnés pour ce texte qui mêle une intrigue surprenante qui se déroule pendant le festival d’Avignon de 2003 avec une plongée dans les rues et lieu d’Avignon et dans le milieu des gens de théâtre.

C’est joyeusement que le groupe de lecture a revisité les moments du livre, ses rebondissements, les passions amoureuses et théâtrales vécues par des personnages. Ceci dans un festival perturbé par le conflit des intermittents, chacun se souvenant avoir vécu à sa manière cette période.

Comme toujours depuis que nous organisons ces soirées de lectures partagées, les visions croisées enrichissent la perception de l’œuvre, ouvrent de nouvelles portes, font émerger des nouvelles approches, donnent envie de relire le livre.

D’abord le titre : « L’amour est une Ile ». Chacun y est allé de son interprétation. C’est aussi dans le livre peut-être que nous trouvons des débuts d’explications :

 La liaison entre Odon (le propriétaire du théâtre) et Mathilde (la comédienne devenue la Jogar) s’est concrétisée sur la péniche d’Odon, amarrée sur les rives de l’Île de la Barthelasse. L’histoire se déroule dans Avignon : « Les intermittents ont fermé les quatorze portes des remparts. Pendant quelques minutes, Avignon devient une île ».Avignon cernée d’un côté par le Rhône peut prendre alors des allures d’île « Le fleuve dessine une courbe. Avignon ressemble à une île qui s’éloigne ». « L’amour est une île, quand on part on ne revient pas », cette dernière réplique du livre fait penser à Isabelle qui quitte Avignon pour se rendre à Ramatuelle sur la tombe de Gérard Philipe, âgée, fatiguée, usée, un dernier voyage sans retour ? « Elle s’en va pour trois jours. Il semble que c’est pour une éternité ».

Le décor : Nous sommes à Avignon durant le 57ème Festival en 2003 qui démarre en plein conflit entre les intermittents du spectacle et le gouvernement de l’époque. Le festival IN se maintient jusqu’au 10 juillet, date à laquelle Bernard Faivre d’Arcier annonce l’annulation. Malgré cette décision, une grande partie du festival OFF continue de jouer. Claudie Gallay a résidé à Avignon, elle connaît bien la ville. L’histoire nous entraîne dans une longue déambulation au cœur de la cité papale écrasée par la canicule, de nombreuses rues et lieux sont cités.

Les personnages : Nous suivons des personnages pris dans leurs passions et leur tourmente.

Odon le directeur du théâtre le chien fou qui pour l’amour de Mathilde a bouleversé sa vie et celle de sa famille.

Mathilde devenue la grande comédienne adulée de tous avec son surnom, la JOGAR fascine le public. Elle a sacrifié sa vie personnelle, pour se consacrer à la passion de sa vie, le théâtre. Elle a quitté Odon « parce que devenir la Jogar et continuer à l’aimer étaient deux chemins impossibles ».

Paul, l’auteur décédé des textes qui sont l’objet de l’intrigue. Marie, la jeune sœur de Paul qui cherche a comprendre comment son frère a été dépossédé de son œuvre et du succès. Marie qui nous bouleverse et qui hante Avignon de sa détermination et de sa présence jusqu’à en mourir.

Isabelle personnage émouvant, qui aime le théâtre, plus encore les acteurs, accueille avec générosités les troupes de théâtre qui n’ont pas les moyens. C’est la référence historique du Festival, elle a fréquenté Jean Vilar, Gérard Philippe, Léo Ferré, Alexander Calder…

Et tous ces autres personnages attachants qui circulent dans l’histoire : Julie, la fille d’Odon, jeune comédienne ; Odile, la sœur d’Odon ; Nathalie l’ex-femme d’Odon, rédactrice en chef au journal local ; Le curé de l’église Saint Pierre ; Jeff, l’homme à tout faire d’Odon, qui fut le compagnon d’Odile. Et d’autres encore appartenant au monde du théâtre jusqu’au crapaud Big Mac, vieux compagnon d’Odon

Le monde du théâtre :

 Le roman fait de nombreuses références au monde du théâtre où les superstitions sont nombreuses : On y apprend la signification des onze coups d’introduction puis des 3 coups avec le bâton appelé « brigadier », un pour chaque apôtre. On y découvre que La couleur verte est interdite dans un théâtre, que « La corde » est un mot proscrit « un théâtre d’autrefois, avec des seaux suspendus. En cas d’incendie, il fallait crier Corde ! Et tous les seaux se renversaient ». On y apprend encore que les œillets queMarie dépose sur scène à l’attention de la Jogar sont des fleurs à proscrire.

Il y a de nombreuses scènes émouvantes dans le livre dont celle-ci :

Un soir la Jogar doit jouer mais les intermittents grévistes empêchent la représentation. La Jogar s’approche du public qui s’impatiente et déclame cette poésie de Joxean ARTZE

« Si je lui avais coupé les ailes
Il aurait été à moi
Il ne serait pas parti
Oui mais voilà,
Il n’aurait plus été un oiseau
Et moi,
C’était l’oiseau que j’aimais »

L’intrigue du livre développe plusieurs thèmes dont celui de la propriété intellectuelle , ( Y a-t-il eu vol, appropriation, plagiat ?)  Que serait devenue l’œuvre en gestation de Paul sans l’intervention de la Jogar qui s’est emparée de l’œuvre et l’a transformée à sa manière ? Est- ce une appropriation délictueuse ? Que serait devenu Paul si Odon avait pu le contacter avant qu’il ne meure ?

Un livre, un auteur : Claudie GALLAY, L’amour est une île
Tagged on:                             

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *