
Animation et compte rendu : Miguel Couralet et Michèle Robinet.
Nous étions nombreux pour cette reprise, avec de nouvelles venues intéressées de voir comment se déroule le club littéraire. Elles ont dit qu’elles reviendraient…
Ceci permet de rappeler que l’accès est libre, gratuit, on vient quand on veut !
1/ CLAUDE : Celui qui revient , Kang Han, Poche .
Claude a voulu découvrir Kang Han , prix Nobel qu’il ne connaissait pas. Il a aimé les descriptions dans le livre tour à tour crues et très poétiques. Il a découvert des faits historiques. Une belle découverte pour lui.
Han Kang, autrice coréenne déjà reconnue pour sa puissance narrative, signe avec « Celui qui revient » un roman profondément ancré dans l’histoire de son pays. Le récit s’inspire d’un massacre survenu en Corée du Sud pendant la guerre de Corée, lorsque des populations civiles furent massacrées sous prétexte de collaboration avec l’ennemi. Le narrateur, des années plus tard, revient dans la région de son enfance et se confronte à la mémoire collective et au silence pesant des survivants. Ce retour sur les lieux de la tragédie devient un chemin de douleur et de lucidité.
À travers une écriture à la fois poétique et implacable, Han Kang met en lumière les traumatismes d’un peuple encore hanté par ses blessures. Le roman explore le poids de la mémoire enfouie, la culpabilité des témoins et la difficulté de transmettre l’indicible aux générations suivantes. Le lecteur est immergé dans une atmosphère de deuil et de quête de vérité, mais aussi d’espérance fragile, comme si, au-delà de l’horreur, une réconciliation demeurait possible.
2/ DELPHINE : Mai 67, Thomas Cantaloube, Série noire Gallimard.
C’est le 3eme livre que lit Delphine de la trilogie historique/policière après Requiem pour une république et Frakas
Avec « Mai 67 », Thomas Cantaloube ressuscite une page sombre et trop méconnue de l’histoire française : les émeutes de Guadeloupe réprimées dans le sang. À travers une fiction solidement documentée, il retrace l’atmosphère de Pointe-à-Pitre au moment où la colère populaire explose face aux injustices coloniales et sociales. Ses personnages évoluent dans un climat de peur et de tension extrême, confrontés à la brutalité policière et au silence imposé par les autorités.
L’auteur transforme ce drame historique en polar politique haletant. Il offre une fresque où s’entremêlent lutte pour la dignité, mémoire refoulée et enquête romanesque. Le lecteur découvre, à travers ces pages, une histoire volontairement mise de côté et se laisse emporter par une narration tendue, qui éclaire le présent à la lumière du passé.
Delphine a aimé le livre, bien construit, bien rythmé où les éléments historiques s’intègrent bien au roman.
3/ EVELYNE : Chagrin d’un chant inachevé, François -Henri Désérable. Gallimard
Evelyne a beaucoup aimé ce livre au récit bien tourné, vivant, plein d’humour et d’anecdotes.
Au départ du récit, il y a le deuil : la disparition d’un ami proche, qui laisse derrière lui un silence douloureux et une absence impossible à combler. Pour tenter de donner un sens à cette perte, le narrateur entreprend un voyage en Amérique latine, guidé par le souvenir d’une passion commune : l’histoire et la légende du Che Guevara. De Mexico à La Havane, des forêts boliviennes aux routes poussiéreuses du continent, chaque étape devient une manière d’interroger à la fois l’amitié perdue et le destin brisé d’un révolutionnaire.
Ce roman se lit comme un double chant : celui de l’intime, où la mémoire d’un ami défunt appelle des mots de fidélité et de consolation, et celui de l’Histoire, où la figure du Che, héros inachevé, résonne comme un miroir des révoltes et des désillusions d’hier et d’aujourd’hui. Désérable, avec son style élégant et vibrant, transforme la douleur en une quête littéraire et existentielle. Le lecteur est entraîné dans un récit qui mêle confidences, errances et méditation politique, faisant de ce voyage un chant universel, à la fois brisé et porteur d’espérance.
4/ NATALIA : Devenir écrivain, Alexandre Lacroix, Editions Allary
Selon Natalia un livre simple et plein de grâces du directeur de la rédaction de l’excellente revue « Philosophie magazine ».
Lacroix fait de cet essai un compagnon de route, qui oscille entre encouragement et réflexion philosophique. Il rappelle que l’écriture est avant tout un acte de persévérance, de patience et de sincérité. On y trouve des clés pour avancer, mais surtout un souffle qui incite le lecteur à se lancer, avec la promesse que chaque voix mérite d’être entendue.
Il raconte comment on peut longtemps chercher son inspiration en piochant ici là, en s’inspirant des autres. Puis un jour il a compris qu’il fallait qu’il parle de ce qu’il avait au plus profond de lui et qui avait rapport à son père.
Natalia nous signale un interview-débat organisé par son association avec l’auteur le mardi 23 septembre à la Casa Bronzini .
5/ GENEVIEVE : Une longue route pour m’unir au chant français , François Cheng, Albin Michel .
Dans une prose lumineuse, Cheng dit sa gratitude envers la culture française, tout en témoignant de la richesse de l’échange entre Orient et Occident. Son itinéraire personnel devient un message universel sur la beauté du métissage culturel et la force poétique de la langue. Ce récit émouvant touche par sa sincérité et par la profondeur de son regard sur la transmission et l’espérance.
6/ BARBARA : Sucre noir, Miguel Bonnefoy, Rivages Poche
« Sucre noir » de Miguel Bonnefoy s’ouvre sur une légende de trésor englouti au large des Caraïbes. Le roman suit, sur plusieurs générations, la quête obsessionnelle de ce butin par des personnages aux destins intriqués : pirates, chercheurs d’or, héritiers de familles marquées par la légende. Chaque époque ravive la passion et les illusions liées à cette chasse éternelle.
Avec une langue baroque et foisonnante, Bonnefoy déploie une fresque où l’imaginaire caribéen, les croyances populaires et l’Histoire se mêlent. Derrière le mythe du trésor se dessine une méditation sur la vanité humaine et la mémoire des peuples. Le roman enchante autant qu’il questionne, dans une atmosphère proche du réalisme magique latino-américain.
Un roman flamboyant nous dit Barbara. Elle a d’ailleurs entrepris de lire tous les livres de Miguel Bonnefoy !
7/ CATHERINE : L’heure des prédateurs , Giulliano Da Empoli, Gallimard
Catherine a présenté le livre qui avait été exposé lors du précédent club littéraire. C’est intéressant d’avoir un autre point et un autre ressenti.
Elle n’a pas ménagé ses critiques à propos de ce livre qu’elle a trouvé écrit avec une relative paresse , sans réelle profondeur et sans présenter de véritables analyses. Cela a entraîné un échange vif mais toujours bienveillant avec les participants qui avaient lu et aimé ce livre ( qui vient après le Mage du Kremlin)
Dans « L’heure des prédateurs », Giuliano Da Empoli dépeint le monde impitoyable des élites économiques et politiques contemporaines. Le récit, construit comme un thriller, dévoile les coulisses d’un univers où la séduction, la manipulation et le calcul remplacent toute forme d’idéal.
Les personnages, à la fois fascinants et inquiétants, incarnent les nouveaux maîtres du jeu globalisé.
Da Empoli, observateur avisé du pouvoir, propose un miroir glaçant de notre époque. À travers cette fiction, il interroge les ravages du cynisme, l’effacement des valeurs et la montée de figures capables de tout pour régner.
Le livre captive par son rythme et sa lucidité, tout en laissant le lecteur face à un constat inquiétant sauf Catherine qui était plutôt en colère contre l’auteur…..
8/ JACKY : La Bonne Mère, Mathilda Di Matteo, L’iconoclaste Roman
Jacky a fait un tabac en présentant le livre. Tellement que plusieurs exemplaires ont été vendus à la fin. A parier, tous les participants du club de lecture s’arrangeront pour lire ce livre et ont dit qu’ils l’offriront à Noël !!
Mathilda Di Matteo nous entraîne à Marseille avec « La Bonne Mère ». Le roman s’ouvre sur une ville bigarrée, marquée par la violence sociale et les fractures générationnelles. Sous le regard de la basilique Notre-Dame de la Garde, plusieurs destins se croisent : des jeunes en quête d’avenir, des familles fragilisées, des personnages tiraillés entre espoir et fatalité.
Dans une langue nerveuse et empathique, l’auteure dresse un portrait sensible de Marseille. Elle évoque autant la dureté de la vie dans les cités que la solidarité qui peut s’y inventer. Un roman d’une grande humanité, où se mêlent rage, tendresse et quête de rédemption.
9/ MICHELE : Le crépuscule des hommes, Alfred de Montesquiou ; Robert Laffont.
Une lecture de l’histoire comme Michèle les aime, avec une pincée romancée pour mieux favoriser l’ingestion et la digestion de la lecture.
Le récit de ce procès (20 novembre 1945 -1er octobre 1946, exécution des pendaisons le 16 du même mois ) est raconté par le photographe Ray d’Addario, enrôlé par l’armée américaine qui a couvert tout le procès. Nous assistons avec lui aux préparatifs, aux différentes auditions, aux comportements des accusés, des juges, placés sous la juridiction du Tribunal militaire international.
Le choix de Nuremberg n’est pas anodin puisqu’elle a été la capitale symbolique du nazisme,
une ville détruite à 90% où des survivantes faméliques font bouillir des pommes de terre sur un fourneau en tôles, où subsistent des poches de résistances, où des jeunes hitlériens tendent des câbles pour décapiter les passagers des jeeps américaines, où des tags apparaissent avec le chiffre “88”, répétition de la huitième lettre de l‘alphabet, le “H” pour “Heil Hitler”.
Le procès de Nuremberg est intenté par les puissances alliées contre 24 des principaux responsables du Troisème Reich .Quatre chefs d’accusation sont invoqués : complot, crimes contre la paix, crimes de guerre, et crimes contre l’humanité, ce dernier point étant une notion partiellement nouvelle. Il vise aussi à offrir une justice aux dizaines de millions de victimes , de tenter de dénazifier l’Allemagne « une thérapie collective ou l’histoire tente de reprendre son souffle après des années d’horreur. ».
Ce procès met aussi en évidences les futures « tensions » (euphémismes!!!) entre les parties prenantes : « Les Américains sont ici parce qu’ils sont soucieux de justice, les Soviétiques parce qu’ils sont avides de vengeance. » Un livre qui met en évidence les polysémiques sur le mot Justice.
Un très bon livre instructif et bien documenté qui résume ce que disait Albert Camus de la Justice dans Combat en 1944 » Une chaleur de l’âme » mais aussi » une terrible passion abstraite qui a mutilé tant d’hommes ».
Delphine a expliqué ensuite brièvement comment peut se justifier la notion « crimes contre l’humanité ».
10/ MIGUEL : Douce France, Karine Tuil, Le Livre de poche
Le livre magnifique de Karine TUIL « La décision » avait été présenté déjà par 2 fois dans le club littéraire.
Le livre commenté ici est antérieur et signe la volonté de l’autrice de coller aux faits de société.
Karine Tuil frappe fort avec « Douce France », qui plonge au cœur d’un centre de rétention pour étrangers. Le roman raconte le quotidien de ceux qui y sont enfermés, confrontés à l’attente, à l’incertitude et à la brutalité administrative. À travers des personnages multiples, l’auteure met en scène l’exil, le déracinement et la question brûlante de l’accueil des migrants.
Dans le roman il y a une imposture puisque celle qui en est l’héroïne , par un concours de circonstances, s’est faite passer pour une étrangère sans papier pour connaître la réalité vécue par les migrants.
Avec une écriture vive et tendue, Tuil ne se contente pas de décrire : elle immerge le lecteur dans cette réalité oppressante. Son récit, miroir de nos débats contemporains, interpelle chacun sur la notion d’humanité et de solidarité. Un livre qui dérange autant qu’il éclaire, donnant voix à ceux que l’on préfère souvent oublier.
La fin est surprenante.
Les premiers coups de cœur de nos libraires à l’occasion de la Rentrée Littéraire, parmi une multitude d’éditions
JOSE a choisi :
11/ La récréation est finie, Dario Ferrari, Éditions du Sous-sol
« La récréation est finie » de Dario Ferrari raconte le passage brutal de l’utopie de jeunesse à la confrontation avec la réalité adulte. Des personnages attachants, nourris d’idéaux et de rêves, se heurtent au monde du travail et aux désillusions du quotidien.
À la fois drôle et amer, le roman dépeint une génération en perte de repères, oscillant entre nostalgie et résignation. Ferrari manie une ironie tendre, qui rend ses personnages profondément humains. Un récit qui parlera à quiconque a connu la fin d’un âge insouciant
12/ Le monde est fatigué , Joseph Incardona, Éditions Finitude
Joseph Incardona, dans « Le monde est fatigué », peint une société saturée de crises, où les individus cherchent tant bien que mal un sens. Ses personnages évoluent dans une atmosphère de lassitude, oscillant entre humour noir et désespoir lucide.
Avec un style incisif, l’auteur croque des figures fragiles mais tenaces. Il offre une fresque grinçante, qui rappelle que même dans l’épuisement, subsistent la tendresse et le rire. Un roman désabusé mais vital, où la fatigue devient paradoxalement une forme de résistance.
13/ Kolkhoze, Emmanuel Carrère, P.O.L.
Dans « Kolkhoze », Emmanuel Carrère revient sur l’histoire soviétique en mêlant récit romanesque et enquête personnelle. À travers le symbole du kolkhoze, il interroge l’idéologie collective et ses conséquences sur les vies individuelles. Ses personnages, pris dans la toile de l’Histoire, oscillent entre rêves brisés et survie.
Fidèle à son art de brouiller les frontières entre fiction et réalité, Carrère offre un texte dense et dérangeant. Le roman devient une réflexion sur le pouvoir, la mémoire et les héritages encore vivants d’un siècle idéologique. Une fresque intime et politique qui ne laisse pas indemne.
Certains membres du club de lecture ont parié que ce serait le prochain prix Goncourt
MARLIES a proposé :
14/ Ajisaï, Aki Shimazaki, Actes Sud,
Avec « Ajisaï », Aki Shimazaki poursuit sa fresque japonaise en s’attardant sur une famille marquée par les secrets. Les générations s’entrecroisent, les non-dits s’accumulent, et des révélations viennent fissurer l’équilibre fragile. L’« ajisaï », l’hortensia, devient une métaphore des émotions multiples qui colorent la vie.
Par une écriture limpide et délicate, l’auteure capte les nuances des relations humaines. Tout en sobriété, son roman fait ressentir une intensité rare, où chaque mot pèse. Un petit bijou de retenue et de profondeur.
15/ Nous sommes faits d’orage, Marie Charrel, Les Léonides.
Marie Charrel livre avec « Nous sommes faits d’orage » un roman vibrant sur les passions humaines. Ses personnages, confrontés à la douleur et aux élans du cœur, évoluent dans une atmosphère de tempête intérieure. L’orage, récurrent, incarne les forces qui bouleversent et transforment.
Dans une langue lyrique et incarnée, l’auteure fait de chaque destin une épopée intime. Les émotions s’expriment avec intensité, donnant au récit une résonance universelle. Un roman à la fois bouleversant et lumineux.
16/ Les bons voisins, Nina Allan, Tristam
Nina Allan, avec « Les bons voisins », joue sur la frontière entre quotidien et étrangeté. L’histoire, centrée sur des relations de voisinage, explore les solidarités précaires et les inquiétudes sourdes qui traversent une communauté.
Entre chronique sociale et récit aux accents fantastiques, Allan tisse une intrigue troublante. Elle dévoile les fissures sous la banalité apparente et transforme le quotidien en énigme. Un roman qui séduit par son atmosphère singulière et son art de brouiller les certitudes.
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