Lectures Partagées – mai 2023

Livres présentés (Animation : José / Compte rendu : Michèle)

Daniel :« BOTAFOGO » de Aluizio de AzevedoH O 

João Romão est un émigré portugais prêt à tout pour faire fortune dans l’Eldorado brésilien du XIXe siècle. Il règne sans partage sur la petite cité ouvrière de Botafogo, dans la banlieue sud de Rio de Janeiro, bidonville fait de bric et de broc qu’il a lui-même contribué à édifier grâce à de nombreux larcins et à l’exploitation la plus cynique de ses contemporains. C’est lui qui décide qui vit là et qui part. Travailleur infatigable, boutiquier sans scrupule, il s’acharne jour après jour à amasser une fortune dont il ne tire aucun plaisir. Sa vie est rythmée par les petits drames et scandales qui secouent régulièrement la favela : querelles de voisinage, jalousies de couple, sanglants règlements de compte ou descentes de police. Il doit surtout veiller, dans ce petit monde de passion et de jeunesse, à ce que les intrigues amoureuses et sexuelles qui éclatent régulièrement comme pluies d’orage ne nuisent pas à sa réussite. Avec un humour tout à la fois féroce et bienveillant, Aluizio Azevedo porte un regard sans concession sur les grands et les petits travers de ses compatriotes et, plus généralement, de l’humanité tout entière.

Ce livre est considéré au Brésil comme un classique de la littérature, il est sans aucun doute, aujourd’hui encore, l’un des témoignages les plus marquants et les plus vivants de l’identité de ce pays hors-norme.

Robert : « Les médias contre la gauche » de Pauline Perrenot– Ed AGONE 

Voici un livre militant présenté avec enthousiasme par Robert !

Cet essai est le procès d’une absence, celle de la gauche, reléguée au second plan dans la presse depuis 2017. L’autrice analyse la façon dont le débat public a été verrouillé par les médias dominants, qui ont redoublé d’efforts pour bipolariser les champs politique et journalistique. Basé sur une documentation précise, ce livre retrace l’effondrement intellectuel du « journalisme politique », qui a perdu tant en substance qu’en consistance, laissant le storytelling remplacer l’information. Pauline Perrenot s’appuie sur le traitement des thèmes qui ont « fait » l’actualité : maintien de l’ordre, sondages, loi sécurité globale, gilets jaunes, violences policières, émergence de Zemmour. Elle a écrit ce livre pour que la disparition de la gauche ne passe plus inaperçue.

Manifestement Robert a été convaincu par la démonstration !

Pierre : « Le léopard des neiges » de Peter Matthiessen GALLIMARD 

En septembre 1973, Peter Matthiessen part pour le Dolpo, une région du Népal située à la frontière du Tibet, avec le zoologiste George Schaller. Il veut faire un comparatif entre les chèvres bleues et les chèvres américaine. Schaller lui veut observer des léopards des neiges qui est un prédateur des chèvres. Jamais ils ne verront de léopard des neiges, seulement des traces.

Dans ce journal de route, il apparaît très vite que Matthiessen vit cette expédition comme une aventure plus spirituelle que véritablement scientifique. Pour lui, adepte du bouddhisme zen, ce sera surtout un pèlerinage à l’ancien monastère de Shey Gompa et, enfin, un voyage hors de la  » civilisation  » du XXe siècle.

Pierre a présenté un parallèle avec le livre de Sylvain Tesson « La panthère des neiges » montrant comment Tesson, d’une certaine manière, s’est inspiré de Matthiessen.

Claude « Un Anthropologue en déroute » Nigel Barley– Ed PAYOT ET RIVAGES 

Le titre  » un anthropologue en déroute » est a priori incongru !

Pour sa thèse, il avait choisi les Anglo-Saxons, mais tout plan de carrière impliquant une mission d’étude, c’est finalement dans une modeste tribu montagnarde du Nord-Cameroun, les Dowayos qu’il va atterrir.

Son récit est un voyage initiatique dans lequel il enchaîne les galères, les maladies, il se fait promener, rouler dans la farine.

Non que les Dowayos se montrent hostiles, mais insaisissables plutôt, et imprévisibles. Tarley se voit transformé tour à tour en infirmier, banquier, chauffeur de taxi, vidé, exploité jusqu’à l’os par une tribu hilare !

Il finira par comprendre que l’objet d’observation, en fait, c’est lui. Il voulait une étude sur le terrain ? Eh bien en voici une, mais sur l’anthropologue lui-même, en campagne – disons plutôt en déroute …

Grâce à son style, Nigel Barley a su créer de l’empathie du lecteur.

Sous la drôlerie du propos, Nigel Barley conduit une réflexion singulièrement aiguë sur la compréhension entre les cultures.

Son récit montre comment ses idées (ses découvertes) se sont peu à peu mises en place.
Ce n’est pas une thèse, c’est un journal revisité, c’est une initiation à d’autres cultures et à la mission d’anthropologue.

Dans la discussion Claude fera le lien avec le livre présenté plus loin « L’établi ».

Jacky : « Le héros de Berlin » – Maxim Leo ACTES SUD 

Michael Hartung, qui tient un des derniers vidéo-clubs de Berlin, reçoit la visite d’un journaliste. Des dossiers exhumés de la Stasi montreraient qu’un jour de juillet 1983 Hartung, à l’époque aiguilleur, aurait organisé l’évasion de 127 personnes vers l’Ouest dans un train de banlieue. L’intéressé nie d’abord catégoriquement mais la tentation d’être un héros est trop belle… Et puis il est payé pour raconter son histoire dont il cache la part de secret. Les médias s’emparent de l’histoire, un livre et un film sont en préparation, Hartung est célèbre ! Mais lorsqu’il rencontre Paula, une jeune femme qui était à bord du train détourné, et tombe amoureux d’elle, il comprend qu’il va devoir trouver un moyen de s’extirper du mensonge dans lequel il s’est enferré.

On ne peut qu’inviter à lire le livre car l’enquête est passionnante et va révéler une vérité incroyable. 

Josée : « La frontière des oubliés » – Aliyeh Ataei GALLIMARD 

Neuf récits composent « La frontière des oubliés » et retracent le parcours de l’écrivaine, depuis sa fuite, enfant, de la frontière afghane pour se bâtir une vie à Téhéran.

Dans chacune de ces parts de vie qui se font écho, elle brosse le portrait de ses compatriotes exilés, des « frontaliers », souvent des femmes, qui portent tous des traces de la guerre, des plaies profondes marquées par des balles invisibles. À chaque rencontre, elle s’interroge sur la violence, l’exil et l’identité. Et en s’imprégnant de son propre vécu, Aliyeh Ataei embrasse ici plus largement le sort de tous ceux qui ont hérité des « chromosomes-douleurs », se faisant l’écho de leurs voix si peu audibles.
« La frontière des oubliés » révèle une nouvelle plume puissante venue d’Iran. C’est un livre qui secoue.

Miguel : « L’établi » de Robert Linhart EDITIONS DE MINUIT 

L’Établi est un livre qui raconte l’expérience de l’auteur qui, professeur de philosophie à l’université, a quitté fin 1968 son travail et son statut pour aller travailler comme OS2 dans une usine Citroën de la porte de Choisy.

Il voulait vivre, comme des centaines d’autres intellectuels, avec la classe ouvrière afin de préparer la véritable révolution a peine commencée par les événements de 68.

Il raconte la chaîne, les méthodes de surveillance et de répression, il raconte aussi la résistance et la grève dont il est l’instigateur. Il raconte ce que c’est, pour un Français ou un immigré, d’être ouvrier dans une grande entreprise parisienne organisée de façon tayloriste.

L’expérience est douloureuse physiquement et moralement. S’il arrive à nouer de véritables amitiés avec ses compagnons de l’usine, il se heurte aussi à la violence des rapports sociaux et fait l’épreuve que l’on ne peut impunément traverser les classes sociales. Il sera écarté par la hiérarchie de l’usine puis licencié.

Après une année de dépression il retrouvera son poste de professeur d’Université.

Le livre a donné lieu a un film récent qui retrace bien la condition ouvrière de l’époque sans pouvoir reprendre tous les détails du récit écrit.

L’Étranger en trois questions restées obscures

Nous avons le plaisir de vous annoncer la publication aux Éditions Domens d’un essai de Christian Phéline consacré à L’Étranger d’Albert Camus : L’Étranger en trois questions restées obscures.

En 2022, notre association avait organisé un cycle de conférences autour de Camus à Vitry-le-François et Christian Phéline avait donné un premier aperçu de ces quelques approches inédites de cette œuvre. 

Une rencontre est prévue le 24 mai 2023 à la librairie Michèle Ignazi à Paris avec l’auteur.

La symbolique du roman dans L’enfant et la rivière d’Henri Bosco

Avec punch, maestria et un humour vivifiant, Jean-Louis Meunier nous a présenté « La symbolique du roman dans L’Enfant et la Rivière (1945) », conférence qui termine le cycle Henri Bosco.

C’est un roman initiatique qui s’articule autour du stable et du mouvant, ayant comme thème la découverte de la nature (roman écologique avant l’heure), l’amitié, la fraternité, l’altruisme.


La lecture du livre est présentée, généralement, comme adaptée à un jeune public sous prétexte qu’il raconte les aventures du jeune Pascalet, d’une dizaine d’années. Cette vision peut être équivoque. En effet cette lecture peut s’avérer difficile car il convient de décrypter de fortes allusions et symboles. Il faudrait dès lors pouvoir accompagner les plus jeunes afin que ce roman tienne son rôle de livre formateur. Une lecture riche aidera à la construction de soi, à s’affirmer et à découvrir le sens de l’existence.

La rivière (le mouvant) et l’île (le stable) sont personnifiées. Pascalet, la tante Martine, Gatzo, le braconnier Barbagot sont les autres personnages clés du roman.

La conférence de Jean Louis Meunier a ravivé les souvenirs de lecture et ouverts d’autres pistes de compréhension. Ici encore comme pour les livres de Camus, de Giono et de Bosco ce genre de soirée se termine par l’expression des participants de vouloir se replonger dans le texte pour noter toutes les subtilités découvertes et exprimées par le conférencier et les autres participants au cours de l’échange.

On retiendra de cette soirée la nécessité de s’attacher, dans le cas de textes forts, à tous les mots, à leur place et à leur entourage C’est ainsi que nous avons longuement échangé autour de la place des mots du titre du livre et du « et » qui fait le pont entre l’enfant et la rivière.

La discussion animée s’est poursuivie autour du verre de l’amitié.

Souffrant et fumeur… Albert Camus, derrière le pseudonyme JOB ?

Belle soirée culturelle ce mardi 4 avril 2023 à la Mémoire du Monde où nous étions conviés à écouter Alessandro Bresolin nous exposer ses multiples recherches sur plusieurs articles signés JOB dans les années 1934-1935 dans la revue Alger Étudiant, journal mensuel de l’association des étudiants algérois.

Sous cette signature biblique polysémique, se cacherait le jeune Albert Camus.

Alessandro a mené son travail d’investigation comme un enquêteur, un travail à « la Colombo » dit-il. Il a étudié avec attention les différentes recensions de Camus, examinant les indices, comparant, mettant en exergue les mêmes tournures de phrases, le style, le vocabulaire, les multiples composantes des textes. Il s’est attaché plus particulièrement à la critique faite par Camus sur le roman d’Ignazio Silone (qui deviendra son ami) Fontamara.

Alessandro a poursuivi son enquête qui lui a permis de pointer d’autres textes de Camus dans lesquels figurait la référence à JOB. (Mémoire de maîtrise, La Peste, notamment). Par ailleurs, Job est la marque de papier à rouler les cigarettes, celle achetée par les prolétaires et les étudiants pauvres. L’usine était implantée à Bab-el-Oued, près du domicile de la famille de Camus. Enfin, si on remplace le J par la dernière lettre de l’alphabet on trouve une interjection algéroise en usage dans la jeunesse algéroise ! Ses premières recherches ont fait l’objet de la publication présentée durant la soirée Souffrant et fumeur. Albert Camus derrière le pseudonyme Job, (Presse fédéraliste).

Un deuxième ouvrage est en cours d’élaboration qui présentera encore plus d’exemples qui pourront confirmer plus avant que derrière ce pseudonyme se cache effectivement le jeune et moins jeune Albert Camus. Un exposé de plus d’une heure et demie mené avec grand enthousiasme par l’auteur qui nous a donné peut-être des clefs de compréhension nouvelles de l’œuvre d’Albert Camus avec une approche de ce que seront ses grands thèmes de réflexion. A chacun de se faire une opinion sur cette découverte et pourquoi pas, de se lancer, à notre tour, dans cette recherche pour en tirer tous les fils.

Vous pouvez commander son ouvrage ici : https://www.pressefederaliste.eu/Souffrant-et-fumeur-Albert-Camus-derriere-le-pseudonyme-JOB-845

Soirée « Lectures Partagées » – 7 avril 2023

5 livres ont été présentés au cours de cette soirée.

Livres présentés (Animation : José / Compte rendu : Michèle)

Claude : La petite fille de Bernhard Schlink, Gallimard.

Ce livre se divise en trois parties.

À la mort par overdose de son épouse Birgit, qui vivait dans un profond mal-être, Kaspar, libraire, découvre un pan de la vie de celle qu’il a tant aimé et qu’il avait toujours ignoré : Avant qu’il ne fasse passer sa future épouse à l’Ouest, Birgit, en RDA, a connu un autre homme avec qui elle a conçu un enfant, abandonné à sa naissance. C’est son amie Paula qui a pris en charge cette démarche. Il décide d’aller à la rencontre de cette belle-fille inconnue.

 Kaspar retrouve Svenja, qui a connu une vie très mouvementée avec de mauvaises fréquentations. Elle a épousé un néo-nazi et élève sa fille Sigrun dans cette mouvance « Völkisch ». 

 Faisant miroiter l’héritage de Birgit, il demande à ce que sa belle-petite fille passe des moments avec lui. Mais Sigrun, adolescente, endoctrinée n’adhère pas aux idéologies de cette Allemagne où le racisme fait souvent loi.

La petite- fille repart chez les siens.

Le grand-père retrouvera sa petite -fille plus tard pour partager dans l’affection de beaux moments culturels.

A travers ce roman émouvant, intéressant et bien mené, Bernhard Schlink nous immerge dans l’histoire de l’Allemagne de 1960 à nos jours, un pays scindé en deux pendant plus de trente ans, un pays où l’extrême droite refait surface.

Michèle : Les partisans Kessel et Druon, une histoire de famille Dominique Bona, Gallimard.

Une triple biologie consacrée à Joseph Kessel, Maurice Druon et Germaine Sablon à travers le prisme de la création du chant des Partisans, l’hymne de la Résistance, écrit à Londres en 1943 par l’oncle et le neveu et enregistré par Germaine Sablon, chanteuse de music-hall, maîtresse de Kessel.

La paix revenue Kessel, le baroudeur, voyagera beaucoup, signant de nombreux reportages qui font exploser les ventes de France soir, il publiera de grands livres l’armée des ombres, le Lion, les Cavaliers…, Druon, passionné de mythologie et d’histoire, se consacrera aussi à la littérature : les Grandes familles, les Rois maudits…et deviendra ministre de la culture. Tous deux seront élus, à quatre ans d’intervalle, à l’Académie française (Druon en sera le secrétaire perpétuel)

Germaine Sablon terminera la guerre, engagée dans le corps des infirmières de l’armée, ne reverra plus Kessel, et quittera la scène pour laisser place à son frère Jean, chanteur de charme aux grands succès.

Une biographie vibrante, bien documentée, agréable à lire.

José : Sur le méridien de Greenwich de Shady Lewis -Sindbad, Actes Sud.

Le narrateur, un Égyptien de la communauté copte installé à Londres, est sollicité par un cousin pour gérer les obsèques d’un jeune réfugié syrien musulman Ghiyath totalement inconnu, dont la famille est restée au Caire avec toujours l’espoir d’en partir. Dans les trois jours qui séparent le moment où il accepte cette grande responsabilité de la date de l’enterrement, il sera amené à faire face aux contradictions religieuses, administratives, philosophiques et aux absurdités  des autorités égyptiennes et de l’administration anglaise, à confronter les deux mondes, à revisiter le passé et à se remémorer d’autres êtres et d’autres pans de vie à jamais disparus.

L’échange téléphonique du narrateur avec son cousin est un vrai grand moment réjouissant de loufoquerie et d’humour.

Le méridien de Greenwich est la métaphore de deux mondes différents, roman rafraîchissant sur le thème de l’exil.

Jacky : Le testament caché de Sébastien Barry, Folio.

L’histoire qui couvre la période allant de 1925 aux années 2000 est racontée par une centenaire,

Roseanne Mc Nulty, de confession protestante, enfermée dans un hôpital psychiatrique depuis de très longues années.

L’institution doit fermer et un psychiatre doit évaluer si la vieille femme est en capacité de réintégrer la société. Pour cela il lui faudra découvrir les raisons de cet internement si long.

 A travers l’histoire tourmentée de Roseanne et de son père c’est le pouvoir plénipotent de la religion catholique qui est mis en exergue, une société corsetée, la condition douloureuse et tragique des femmes à cette époque, l’histoire politique de l’Irlande. Les deux protagonistes du roman sont attachants, un roman émouvant, vrai.

Marlies : Suzuran (le muguet) de Aki Shimazaki, Ed. Léméac

Roman – 1er tome d’un nouveau cycle – écrit en français au Canada et racontant dans un style ciselé l’histoire d’une famille japonaise.

Ce premier tome est consacré à Anzu, la cadette, femme célibataire, potière, effacée qui vit seule avec son fils. Sa vie consacrée à son art, va être chamboulée par l’arrivée de sa sœur aînée, une femme moderne, séduisante, ambitieuse, son époux l’accompagne et la cadette va tomber sous le charme de son beau-frère.

C’est une histoire pleine de sensibilité, toute en douceur et en émotions.
Le roman est émaillé de mots japonais, plongeant plus avant le lecteur dans cette ambiance japonaise si particulière (un lexique figure en fin de livre).

Lourmarin…

En partenariat avec nos amis de Bien vivre à Saint Ruf d’Avignon, nous avons cheminé longuement dans les rues et ruelles de Lourmarin ce mercredi  29 mars 2023.

Nous avons  accueilli nos hôtes en citant Albert Camus quand il se promenait à Tipasa :

« Pour moi, je ne cherche pas à y être seul. J’y suis souvent allé avec ceux que j’aimais[…] Ici je laisse à d’autres l’ordre et la mesure. »

C’est ainsi que nous souhaitions partager pleinement cette journée sous un soleil printanier, cordial et stimulant.
Nous avons côtoyé tout au long de notre parcours Albert Camus, Henri Bosco, Anne-Marie Chapouton, Raoul Dautry et bien d’autres, découvrant ou redécouvrant ( car  en ces lieux il y a toujours quelque chose de beau et de nouveau à observer) le riche patrimoine lourmarinois.
La pause méridienne prise dans la pinède du château, resplendissante de joie de vivre, s’acheva par un petit jeu : retrouver les dix mots préférés de Camus. (*)
Toutes les réponses,  pertinentes à souhait,  ont démontré que chacun connaissait bien notre Prix Nobel – sa vie, son œuvre-.
La balade s’acheva vers 15h30,  heureux mais quelque peu rompus.
Nous nous sommes toutes et tous donné rendez-vous pour d’autres alléchantes promenades culturelles.

*le monde, la douleur, la terre, la mère,les hommes, le désert, l’honneur, la misère, l’été, la mer.

Florian & Michèle

Soirée Lectures Partagées – 3 mars 2023

 Étaient présents à cette soirée : Christian, Claude, Daniel, Évelyne, Frédérique, Jacky, José, Laurence, Michèle, Miguel, Robert. Groupe un peu plus restreint mais de riches échanges !

Livres présentés (Animation : Miguel / Compte rendu : Miguel/Michèle)

Miguel: « Le silence et la colère » Pierre Lemaitre-  Editeur  Calman Levy.

Après une première trilogie « Les enfants du désastre » (Au revoir là-haut , Miroir de nos peines, Couleurs de l’incendie, tous en poche) Lemaître a entrepris l’ écriture d’une nouvelles trilogie : Les années glorieuses. Le premier tome est déjà sorti en livre de poche et le Silence et la colère nous fait retrouver la famille Pelletier et ses trois enfants, Jean, François, Hélène ( L’ainé Etienne est décédé dans le premier tome). Le roman bien documenté  est  cadencé, les intrigues s’entremêlent.    Les événements narrés  sont  foisonnants et abordent des thèmes divers : le progrès, la création de grandes surfaces commerciales,  les avortements clandestins, le travail des femmes en usine,  la création d’un barrage qui fait disparaitre un village le tout accompagné d’une intrigue policière glaçante. Bref un grand roman populaire.

Le style est un peu lourd, il faut dire que cette lecture vient après celles des livres de Giono où les phrases sont ciselées, pleines de poésie et d’humanité. On ne joue pas dans la même cour…

Michèle : « Camus, La Peste, et le coronavirus »  de Jean-Yves Guérin. Editeur : Honoré Champion.

Jean-Yves Guérin, émérite camusien, s’attache à mettre  en exergue, à décortiquer  les analogies et les différences entre le coronavirus et les autres fléaux,  dont  La Peste d’Albert Camus :  solidarité, solitude, trafics en tous genres, prophylaxie, statistiques, décompte des décès, stratégies des autorités, urgences et priorités (confinement, séparation, exil…), controverse du corps médical., prise en charge en fonction du niveau social ..

Cet ouvrage complet, excellemment  documenté et annoté permet de comprendre encore mieux toutes les subtilités de La Peste  (roman métaphorique et métonymique) et  à qui le veut,  d’engager  une réflexion personnelle parce que chacun la porte en soi (la peste) , parce que personne au monde, non personne n’en est indemne.

Laurence : « Les enfants endormis » de  Anthony Passeron. Editeur :   Globe

C’est un premier roman à succès couronné par le  Prix Wepler, Fondation de la poste. Anthony Passeron , pendant le confinement lié au covid, décide d’interroger le passé familial. Il évoque l’ascension sociale de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé grandissant apparu entre eux et la génération de leurs enfants qui découvrent l’urbanité.  Il croise deux histoires  qui se font écho : celle de l’apparition du sida dans cette famille de l’arrière-pays niçois – la sienne  (l’oncle Désiré toxicomane  décédera du sida, on en parlera qu’à demi-mots, c’est le secret  honteux de la famille ) – et celle de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.

C’est une lecture forte,  passionnante,  la partie sociale est émouvante, celle  dédiée à la recherche médicale est particulièrement bien documentée, on y apprend plein de choses.

Claude : « L’autre nom du bonheur était français » De Shumona Sinha. Editeur : Gallimard

Shumona, fille d’une famille d’intellectuels,  originaire de l’Inde (Calcutta) , verra son enfance et son adolescence bercées par la littérature..  Elle dévore la littérature bengali, indienne, mais aussi, à travers  les traductions,  la littérature américaine, l’espagnole, l’anglaise et la française. A vingt-deux ans, elle découvre le français, en fera l’apprentissage et tombera amoureuse de cette langue « vitale et libératrice » . Elle en aime sa polysémie,  et pour mieux s’approprier l’idiome , elle s’expatriera  en France à l’âge de 28 ans.   C’est son parcours , ses tribulations   tantôt savoureuses, tantôt douloureuses qu’elle raconte dans cette autobiographie , puissante , vibrante , sincère. Elle décrit   des expériences  et un vécu souvent  difficiles pour une femme qui restera malgré tout une  française « étrangère ». Claude nous a lu de magnifiques extraits du livre dont un paragraphe sur « langagement » ( le langage qui se met en route dés le matin…) illustrant ainsi la façon de l’autrice de jouer avec les mots.

Évelyne : « Sans jamais atteindre le sommet,  (Voyage dans l’Himalaya) » de Paolo Cognetti. Editeur :  Stock

Deuxième livre de Paolo Cognetti présenté par Evelyne, c’est le carnet de bord tenu par l’auteur lors de son expédition dans le Dolpo, région reculée au nord-ouest du Népal, entre hauts plateaux et vallées. 

Outre les 22 membres de la caravane, le livre culte  « Le Léopard des neiges » de Peter Matthiessen lui tiendra compagnie. C’est d’ailleurs cet ouvrage qui l’a incité à entreprendre ce trek  – 300 kilomètres, huit cols- et à le préparer en suivant les conseils de l’écrivain.

Ici Paolo ne cherche pas à se dépasser, mais fait l’apprentissage du temps qui passe. De très belles méditations et observations.

Robert : « Le Fétiche et la plume » de Hélène Ling et  Ines Sol Salas. Editeur :  Rivages

Robert nous a présenté avec un grand enthousiasme un « gros pavé »  qui vise à analyser la  place occupée aujourd’hui par  la littérature à l’ère du capitalisme.

Il y est dit que la profusion de publications se fait au détriment de la qualité littéraire. Le livre  très bien documenté permet de comprendre les ressorts des auteurs et comment ils écrivent ainsi que les impératifs auxquels il sont soumis.  La présentation de Robert a donné lieu a un riche échange tendant à montrer qu’il y aurait un appauvrissement et un nivellement tant des styles que des productions.

José : « La vierge Néerlandaise » de  Marente Moor. Editeur : Les Argonautes.

Ces éditions s’attachent à publier des auteurs européens.

Dans ce roman, on suit une jeune femme de 18 ans qui quitte sa famille pour suivre des cours d’escrime.
José  emploiera plusieurs fois le mot « étrange » pour dépeindre l’atmosphère, la fascination de  Janna pour son maître d’arme,  la maison d’Egon von Bötticher  qui organise de vrais duels . Ce livre  évoque aussi  « Hélène Mayer »  d’Hélène Mayer  fleurettiste qui participa à plusieurs jeux olympiques. Sa photographie figure sur la couverture du livre.

Daniel : «  Voyage au Congo, retour du Tchad » de André  Gide. Editeur : Gallimard La pléiade.

André Gide fait un voyage en Afrique de juillet 1926 à mai 1927 accompagné de  Marc Allegret . Il est aussi  mandaté par le Ministère des colonies pour faire un rapport sur ce qui se passe dans les colonies. Ceci a donné lieu à la tenue d’un carnet de voyage.

Lors de ce voyage Gide découvre les  méfaits de l’administration coloniale et s’en indigne. Il dénonce les conditions de vie des populations visitées. Son rapport aura de profondes répercussions dans la classe politique française. Son carnet de voyage décrit aussi les paysages et les atmosphères des régions visitées.

Daniel a su nous transmettre le plaisir qu’il a eu lors de  cette lecture captivante et  dépaysante.

Jacky :  « On ne se baigne pas dans la Loire » de Guillaume Nail. Editeur : Denoël

Jacky a vivement apprécié ce livre qui fait écho à sa propre expérience comme directeur de colonie itinérante.

Pour écrire ce roman, Guillaume Nail,  s’est inspiré  d’un fait divers dramatique survenu en juillet 1969 à Juigné sur Loire  où 19 adolescents périrent noyés lors d’une colonie de vacances.

Le récit décrit tous les types de personnages que Jacky a lui aussi rencontré dans ces séjours qui font se côtoyer des adolescent des fois fantasques et des moniteurs parfois  trop jeunes  et peu expérimentés.

C’est un  roman  très prenant.

Soirée Lectures Partagées – 3 février 2023

Malgré la violence du mistral, nous étions 13 vaillants à participer.  Étaient présents à cette soirée :  Didier, Claude, Christian, Daniel, Frédérique, Jacky, Josée, Ludovic, Marlies, Micaela, Michèle, Miguel et Nathalie. 10 livres nous ont été présentés.

Livres présentés (Animation : Miguel / Compte rendu : Miguel/Michèle)

Didier : Le chemin des Estives de Charles Wright – Flammarion

L’auteur est à l’époque novice Jésuite. Pendant ce temps d’apprentissage et de discernement de la vocation religieuse qui dure 2 ans, il a été invité à vivre avec un de ses compagnon, lui aussi novice l’expérience de devoir pendant 4 semaines entreprendre une longue pérégrination de quelques 700 km dans le centre de la France sans le moindre argent en poche.

Les 2 apprentis jésuites n’ont pu miser, pour vivre, que sur les rencontres généreuses qu’ils ont faites tout au long de leur périple (sans portable, sans carte de crédit, sans bagage…)

C’est une ode à la liberté, à la désertion, au dépouillement et à l’aventure spirituelle.

Didier a été conquis par ce livre qu’il a eu du mal a quitter tellement il a été pris par la richesse du récit de cette aventure riche en rencontres et surprises.

Claude : Le royaume désuni de Jonathan Coe – Gallimard

Nous suivons de 1945 à 2021, sur 3 générations, la famille Lamb originaire de Bournville, une petite localité proche de Birmingham, célèbre pour sa chocolaterie. Nous suivons l’évolution de cette famille, du bonheur d’être ensemble, aux ruptures successives, avec en filigrane l’évolution d’une société qui adopte presque sans s’en rendre compte de nouveaux modes de pensées, d’autres regards sur le couple, ou des habitudes différentes au quotidien.

Tout cela est raconté en traversant 7 événements marquants qui font communion et donnent le sentiment d’appartenir à une nation commune : La Seconde guerre mondiale et les discours de Churchill ; le 27 juin 53 le couronnement d’Élisabeth II ; l’investiture du Prince de Galles ; le mariage de Charles et Diana en 1981 ; la mort de Diana en 1997 ; le sacre de l’équipe anglaise à la coupe du monde le 30 juin 1966…

Jonathan Coe décrit avec finesse la société anglaise, les dialogues sont justes, l’humour britannique si caractéristique illumine le roman.

Nathalie : Un an dans la forêt de François Sureau – Gallimard

En 1938, Blaise Cendrars qui a Cinquante et un an est en mal d’inspiration et n’arrive plus à écrire. Il rejoint Elisabeth Prévost, rencontrée quelque temps avant dans la forêt des Ardennes où elle élève des chevaux. Auprès d’elle, il puise l’enthousiasme et se remet à l’œuvre. Ils forment le projet d’un tour du monde à la voile, s’organisent. Mais c’est la guerre : Cendrars la quitte presque sans un mot, pour s’engager à nouveau. Ils ne se reverront pas. Nul ne sait ce qu’il y a eu entre eux pendant cette année hors du temps, mais cette rencontre fugace, magique, fut importante pour tous deux. Dans des notes trouvées après sa disparition, Élisabeth Prévost écrit : « Blaise Cendrars est l’homme qui a le plus marqué mon cœur et mon esprit. »

Nathalie nous confie avoir été quelque peu déçue par cette lecture, car elle trouve que François Sureau mêle trop des considérations sur sa propre vie au détriment de Cendrars. Mais l’écriture simple reste belle.

Josée : Oiseaux de passage de Fernando Aramburu – Actes Sud

Ce sont les chroniques sur 365 jours d’un suicide annoncé consigné dans un journal, du 1er  août au 31 juillet de l’année suivante, par un professeur de philosophie sous le coup des vicissitudes quotidiennes. Ce diaire est le miroir de nos propres tourments et turpitudes. C’est aussi un prétexte pour nous livrer une fresque de l’Espagne contemporaine.

On a droit aux les yeux pétillants de sa chienne Pépa, aux bons mots cinglants de son ami Pattarsouille, au retour des martinets dans le ciel madrilène, à d’innombrables raisons de réenchanter sa vie.
C’est à la fois nostalgique, plein d’humour décalé. Au final, envers et contre tout reste l’amour envers et contre tout, l’amitié, la liberté.

Un très grand roman.

Daniel : Le quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrel – Buchet Chastel

Roman choral qui prend la forme de quatre tomes qui ont été publiés entre 1957 et 1960. Les quatre tomes constituent un seul et même roman qu’il est indispensable de lire intégralement pour apprécier toute la subtilité et l’ambition du projet littéraire. Ils relatent la même histoire racontée par des personnages différents (Justine, Balthazar, Mountolive et Cléa) et avec des perspectives différentes qui s’enrichissent mutuellement.

L’action se situe à Alexandrie, avant et pendant la Seconde guerre mondiale.

C’est une épopée majestueuse, opulente et sensorielle, captivante. Daniel nous a fait part de son enthousiasme pour ce livre qu’il a adoré.

Et malgré ces quatre versions qui se complètent, le fin mot de l’histoire que nous délivre Daniel est que malgré ces 4 regards « on ne connaît pas tout de la vérité ».

Marlies : Mes désirs futiles de Bernardo Zannoni – Edition de la Table ronde

Ce roman a été honoré par deux prix italiens.

Marlies a été attirée par le graphisme de la couverture (profil d’une fouine). C’est une fable philosophique, un brin mystique, pour adultes, conte initiatique ayant pour personnage principal, Archy, une fouine.

Des animaux qui vivent comme des animaux dans la forêt mais qui sont mis en scène, qui se comportent comme des humains, surtout quand il s’agit de mettre en exergue leurs défauts (cruauté, vénalité, égoïsme…). À mi-chemin entre fable et roman d’initiation, « Mes désirs futiles » mêle aventure et philosophie pour mieux interroger la nature humaine et la force de nos désirs.

C’est violent, curieux, surprenant, déconcertant parfois.

Christian : Montevideo de Erri De Luca – Gallimard

Un adolescent de treize ans qui habite et travaille dans un quartier populaire de Naples au début des années soixante raconte la misère, les épreuves de la vie. Mais l’amour, sous toutes ses formes, impulse, malgré tout l’envie et la joie de vivre.

Le jeune garçon deviendra jeune homme par l’entremise d’un boomerang que son père lui a offert qui sera un peu comme un objet lui permettant de franchir cette étape qu’est l’adolescence. Ce boomerang qu’il ne quitte pas est le symbole de ce passage de l’enfance à l’adolescence.

L’histoire est un mélange de tranches de vie, de fable, de moments oniriques mais aussi parfois sordides. Des chapitres courts qui rendent aisé cette lecture et impulsent le mouvement de la vie. Erri De Luca nous livre ici encore une fois un grand roman.

Ludovic :  Inversion de Ludovic Deblois – Édition des Offray (éditeur partenaire)

Ludovic Deblois est l’auteur de ce thriller d’anticipation.

Début de la décennie 2040 :  dans les rues de Shenzhen, deux chercheurs chinois s’enfuient d’un laboratoire sécurisé. À Bruxelles, un fonctionnaire européen investigue sur les algorithmes du réseau social Thot, soupçonné de manipuler les citoyens à leur insu. En Sicile, une journaliste française enquête sur le devenir de migrants disparus. À Amsterdam, un entrepreneur néerlandais déploie une intelligence artificielle pour libérer les Européens du joug de leur administration. Leur combat commun : défendre leur vision de la liberté. Face à eux, l’Agence européenne de sécurité et du renseignement intérieur mobilise ses forces pour les contrer.

L’intrigue, s’articule autour de personnages, confrontés à la gestion très cadrée des individus.

Ce roman   cherche à   montrer les limites et les dérives d’une société excessivement contrôlée par le numérique omniprésent En dessinant un futur possible et réaliste, Ludovic nous interroge sur la portée de nos choix présents.

Jacky : Les Sources de Marie-Hélène Lafon – Buchet-Chastel

Livre publié à la mort du père de l’autrice. Un récit en trois parties, bref mais intense, tout en nuances :

Nous entrons, tour à tour, dans la tête de la mère, du père et de la fille. Une famille de paysans dans le Cantal, département qui n’est toujours pas à la pointe de la modernité, à la fin des années 60. Une ferme isolée.

Neurasthénie de la mère qui vit dans un climat d’humiliation de peur, vie à jamais saccagée, violence du père pas toujours larvée, traumatisme des enfants, souvenirs vivaces où tout est dit, avec une écriture acérée.

Cette autobiographie romancée met en exergue la condition féminine, les violences conjugales et familiales, les aléas et déclin du monde rural. « Sources » bien mieux que « Racines » pour Marie-Hélène Lafon, car l’espoir demeure et fait vivre. La racine reste en terre, la source s’écoule et ondule…

Micaela : Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre de Ruta Sepetys Scripto – Gallimard

Lituanie – juin 1941 – juste avant que les Allemands n’envahissent les pays baltes. Les soviétique se livrent à une épuration planifiée par Staline : on arrête les écrivains, les artistes, les enseignants, les intellectuels, enfin, toute personne qui serait susceptible d’œuvrer contre le pouvoir central. C’est dans ce contexte que Lina, jeune lituanienne de 16 ans est condamnée à être déportée avec sa famille, eux aussi dans des wagons à bestiaux, 6 semaines de voyage infernal.

C’est un très beau roman qui rend compte des conditions effroyables de vie de tous ces déportés dont Héléna, la mère de Lina grâce à son talent de dessinatrice et à ses crayons va témoigner. C’est un beau roman bouleversant, tout en émotion qui dénonce la tragédie de cette histoire qui reste insuffisamment connue.