Il arrive que les grandes décisions ne se prennent pas, mais se forment
d’elles-mêmes.
Henri Bosco, Malicroix, Gallimard, 1948
Photo : Olivier Gazzano – PhotosGz.fr
Il arrive que les grandes décisions ne se prennent pas, mais se forment
d’elles-mêmes.
Henri Bosco, Malicroix, Gallimard, 1948
Photo : Olivier Gazzano – PhotosGz.fr
Malgré la violence du mistral, nous étions 13 vaillants à participer. Étaient présents à cette soirée : Didier, Claude, Christian, Daniel, Frédérique, Jacky, Josée, Ludovic, Marlies, Micaela, Michèle, Miguel et Nathalie. 10 livres nous ont été présentés.
Livres présentés (Animation : Miguel / Compte rendu : Miguel/Michèle)
Didier : Le chemin des Estives de Charles Wright – Flammarion
L’auteur est à l’époque novice Jésuite. Pendant ce temps d’apprentissage et de discernement de la vocation religieuse qui dure 2 ans, il a été invité à vivre avec un de ses compagnon, lui aussi novice l’expérience de devoir pendant 4 semaines entreprendre une longue pérégrination de quelques 700 km dans le centre de la France sans le moindre argent en poche.
Les 2 apprentis jésuites n’ont pu miser, pour vivre, que sur les rencontres généreuses qu’ils ont faites tout au long de leur périple (sans portable, sans carte de crédit, sans bagage…)
C’est une ode à la liberté, à la désertion, au dépouillement et à l’aventure spirituelle.
Didier a été conquis par ce livre qu’il a eu du mal a quitter tellement il a été pris par la richesse du récit de cette aventure riche en rencontres et surprises.
Claude : Le royaume désuni de Jonathan Coe – Gallimard
Nous suivons de 1945 à 2021, sur 3 générations, la famille Lamb originaire de Bournville, une petite localité proche de Birmingham, célèbre pour sa chocolaterie. Nous suivons l’évolution de cette famille, du bonheur d’être ensemble, aux ruptures successives, avec en filigrane l’évolution d’une société qui adopte presque sans s’en rendre compte de nouveaux modes de pensées, d’autres regards sur le couple, ou des habitudes différentes au quotidien.
Tout cela est raconté en traversant 7 événements marquants qui font communion et donnent le sentiment d’appartenir à une nation commune : La Seconde guerre mondiale et les discours de Churchill ; le 27 juin 53 le couronnement d’Élisabeth II ; l’investiture du Prince de Galles ; le mariage de Charles et Diana en 1981 ; la mort de Diana en 1997 ; le sacre de l’équipe anglaise à la coupe du monde le 30 juin 1966…
Jonathan Coe décrit avec finesse la société anglaise, les dialogues sont justes, l’humour britannique si caractéristique illumine le roman.
Nathalie : Un an dans la forêt de François Sureau – Gallimard
En 1938, Blaise Cendrars qui a Cinquante et un an est en mal d’inspiration et n’arrive plus à écrire. Il rejoint Elisabeth Prévost, rencontrée quelque temps avant dans la forêt des Ardennes où elle élève des chevaux. Auprès d’elle, il puise l’enthousiasme et se remet à l’œuvre. Ils forment le projet d’un tour du monde à la voile, s’organisent. Mais c’est la guerre : Cendrars la quitte presque sans un mot, pour s’engager à nouveau. Ils ne se reverront pas. Nul ne sait ce qu’il y a eu entre eux pendant cette année hors du temps, mais cette rencontre fugace, magique, fut importante pour tous deux. Dans des notes trouvées après sa disparition, Élisabeth Prévost écrit : « Blaise Cendrars est l’homme qui a le plus marqué mon cœur et mon esprit. »
Nathalie nous confie avoir été quelque peu déçue par cette lecture, car elle trouve que François Sureau mêle trop des considérations sur sa propre vie au détriment de Cendrars. Mais l’écriture simple reste belle.
Josée : Oiseaux de passage de Fernando Aramburu – Actes Sud
Ce sont les chroniques sur 365 jours d’un suicide annoncé consigné dans un journal, du 1er août au 31 juillet de l’année suivante, par un professeur de philosophie sous le coup des vicissitudes quotidiennes. Ce diaire est le miroir de nos propres tourments et turpitudes. C’est aussi un prétexte pour nous livrer une fresque de l’Espagne contemporaine.
On a droit aux les yeux pétillants de sa chienne Pépa, aux bons mots cinglants de son ami Pattarsouille, au retour des martinets dans le ciel madrilène, à d’innombrables raisons de réenchanter sa vie.
C’est à la fois nostalgique, plein d’humour décalé. Au final, envers et contre tout reste l’amour envers et contre tout, l’amitié, la liberté.
Un très grand roman.
Daniel : Le quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrel – Buchet Chastel
Roman choral qui prend la forme de quatre tomes qui ont été publiés entre 1957 et 1960. Les quatre tomes constituent un seul et même roman qu’il est indispensable de lire intégralement pour apprécier toute la subtilité et l’ambition du projet littéraire. Ils relatent la même histoire racontée par des personnages différents (Justine, Balthazar, Mountolive et Cléa) et avec des perspectives différentes qui s’enrichissent mutuellement.
L’action se situe à Alexandrie, avant et pendant la Seconde guerre mondiale.
C’est une épopée majestueuse, opulente et sensorielle, captivante. Daniel nous a fait part de son enthousiasme pour ce livre qu’il a adoré.
Et malgré ces quatre versions qui se complètent, le fin mot de l’histoire que nous délivre Daniel est que malgré ces 4 regards « on ne connaît pas tout de la vérité ».
Marlies : Mes désirs futiles de Bernardo Zannoni – Edition de la Table ronde
Ce roman a été honoré par deux prix italiens.
Marlies a été attirée par le graphisme de la couverture (profil d’une fouine). C’est une fable philosophique, un brin mystique, pour adultes, conte initiatique ayant pour personnage principal, Archy, une fouine.
Des animaux qui vivent comme des animaux dans la forêt mais qui sont mis en scène, qui se comportent comme des humains, surtout quand il s’agit de mettre en exergue leurs défauts (cruauté, vénalité, égoïsme…). À mi-chemin entre fable et roman d’initiation, « Mes désirs futiles » mêle aventure et philosophie pour mieux interroger la nature humaine et la force de nos désirs.
C’est violent, curieux, surprenant, déconcertant parfois.
Christian : Montevideo de Erri De Luca – Gallimard
Un adolescent de treize ans qui habite et travaille dans un quartier populaire de Naples au début des années soixante raconte la misère, les épreuves de la vie. Mais l’amour, sous toutes ses formes, impulse, malgré tout l’envie et la joie de vivre.
Le jeune garçon deviendra jeune homme par l’entremise d’un boomerang que son père lui a offert qui sera un peu comme un objet lui permettant de franchir cette étape qu’est l’adolescence. Ce boomerang qu’il ne quitte pas est le symbole de ce passage de l’enfance à l’adolescence.
L’histoire est un mélange de tranches de vie, de fable, de moments oniriques mais aussi parfois sordides. Des chapitres courts qui rendent aisé cette lecture et impulsent le mouvement de la vie. Erri De Luca nous livre ici encore une fois un grand roman.
Ludovic : Inversion de Ludovic Deblois – Édition des Offray (éditeur partenaire)
Ludovic Deblois est l’auteur de ce thriller d’anticipation.
Début de la décennie 2040 : dans les rues de Shenzhen, deux chercheurs chinois s’enfuient d’un laboratoire sécurisé. À Bruxelles, un fonctionnaire européen investigue sur les algorithmes du réseau social Thot, soupçonné de manipuler les citoyens à leur insu. En Sicile, une journaliste française enquête sur le devenir de migrants disparus. À Amsterdam, un entrepreneur néerlandais déploie une intelligence artificielle pour libérer les Européens du joug de leur administration. Leur combat commun : défendre leur vision de la liberté. Face à eux, l’Agence européenne de sécurité et du renseignement intérieur mobilise ses forces pour les contrer.
L’intrigue, s’articule autour de personnages, confrontés à la gestion très cadrée des individus.
Ce roman cherche à montrer les limites et les dérives d’une société excessivement contrôlée par le numérique omniprésent En dessinant un futur possible et réaliste, Ludovic nous interroge sur la portée de nos choix présents.
Jacky : Les Sources de Marie-Hélène Lafon – Buchet-Chastel
Livre publié à la mort du père de l’autrice. Un récit en trois parties, bref mais intense, tout en nuances :
Nous entrons, tour à tour, dans la tête de la mère, du père et de la fille. Une famille de paysans dans le Cantal, département qui n’est toujours pas à la pointe de la modernité, à la fin des années 60. Une ferme isolée.
Neurasthénie de la mère qui vit dans un climat d’humiliation de peur, vie à jamais saccagée, violence du père pas toujours larvée, traumatisme des enfants, souvenirs vivaces où tout est dit, avec une écriture acérée.
Cette autobiographie romancée met en exergue la condition féminine, les violences conjugales et familiales, les aléas et déclin du monde rural. « Sources » bien mieux que « Racines » pour Marie-Hélène Lafon, car l’espoir demeure et fait vivre. La racine reste en terre, la source s’écoule et ondule…
Micaela : Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre de Ruta Sepetys Scripto – Gallimard
Lituanie – juin 1941 – juste avant que les Allemands n’envahissent les pays baltes. Les soviétique se livrent à une épuration planifiée par Staline : on arrête les écrivains, les artistes, les enseignants, les intellectuels, enfin, toute personne qui serait susceptible d’œuvrer contre le pouvoir central. C’est dans ce contexte que Lina, jeune lituanienne de 16 ans est condamnée à être déportée avec sa famille, eux aussi dans des wagons à bestiaux, 6 semaines de voyage infernal.
C’est un très beau roman qui rend compte des conditions effroyables de vie de tous ces déportés dont Héléna, la mère de Lina grâce à son talent de dessinatrice et à ses crayons va témoigner. C’est un beau roman bouleversant, tout en émotion qui dénonce la tragédie de cette histoire qui reste insuffisamment connue.
Notre association Partages Culturels en Provence, en partenariat avec l’association Bien Vivre à Saint-Ruf à Avignon, a proposé une soirée animée par Michèle Stubbe-Robinet autour de Maria Casarès, de sa vie, de sa rencontre avec Albert Camus, de leur correspondance….
« Un livre, un auteur : Le Grand Troupeau de Jean Giono »
Soirée du 20 janvier 2023
proposée par l’association Partages Culturels en Provence, en partenariat avec la librairie La Mémoire du Monde
Vendredi dernier, nous étions vingt à la soirée “Un livre, un auteur” autour du Grand Troupeau de Jean Giono. Partages qui nous a permis d’évoquer les lieux et les personnages mais aussi les différents thèmes abordés par Giono dans ce roman, récurrents dans l’ensemble de son œuvre. Les échanges ont été abondants et enrichissants, et de nombreux liens avec d’autres œuvres, d’autres auteurs et des moments de notre histoire ont été évoqués. Apres cette belle soirée sur Giono, nous vous invitons à regarder le magnifique documentaire sur France 4 ce mardi 24 janvier à 21h10 : “Giono une âme forte “. Nous organiserons courant avril une sortie culturelle Dans les Pas de Giono à Manosque. A l’unanimité, il a été convenu de changer d’écrivain, et nous avons choisi Henri Bosco. Le cycle consacré à cet auteur débutera par Malicroix. La première soirée aura lieu le vendredi 31 mars 2023 à 18h30 à La Librairie La Mémoire du Monde à Avignon AGENDA : vendredi 31 mars – 18h30 // Librairie La Mémoire du Monde à Avignon : Malicroix d’Henri Bosco |
« Un livre, un auteur : Colline de Jean Giono »
Soirée du 21 octobre 2022
proposée par l’association Partages Culturels en Provence, en partenariat avec la librairie La Mémoire du Monde
La soirée pour partager notre lecture du livre de Jean GIONO « COLLINE » qui fut son premier vrai roman à être publié en 1929 chez Grasset avec, dès sa parution, a connu un succès immédiat. Tous l’avaient lu, voire relu attentivement et toute la soirée les échanges ont fusé autour des thèmes du roman, de ses 13 personnages et des situations étranges qui s’y déroulent. Tour à tour nous avons évoqué le titre en référence aux Collines de Manosque. La topographie des lieux nous a intrigués : Giono a composé un lieu imaginaire, mais rendu bien réel « à mi-chemin entre la plaine où ronfle la vie tumultueuse des batteuses à vapeur et le grand désert lavandier, le pays du vent, à l’ombre froide des monts de Lure », dans le voisinage de Lure « bouchant l’ouest de son grand corps de montagne » mais aussi près de Manosque « au fond vers Manosque l’incendie brûle encore un peu ». Un paysage minutieusement observé, romanesque et composite. Ce sont chaque personnage que nous avons fait revivre avec leur caractère et leur rôle déterminant dans les différentes phases du récit où l’on passe de la vie simple vécue en campagne à la peur panique qui s’empare de chacun lorsque toute la vie paisible s’effondre pour laisser la place au doute, à la peur et à l’inquiétude (la source qui s’arrête, la maladie qui vient, la folie qui prend l’âme humaine, la mort qui fauche, le feu qui dévore tout). Et puis l’on y a vu aussi la beauté des personnes, leur solidarité de chaque instant, leur évolution, leur subtilité. Nous avons lu et commenté à haute voix des passages du livre qui disent avec la force des mots et des phrases tellement poétiques la présence de la nature, sa beauté et sa prégnance sur les êtres. Nous avons discuté de l’époque approximative durant laquelle se déroule l’action : plusieurs détails ont été évoqués sans que nous puissions donner avec précision l’année exacte. Avant la guerre de 14/18 ? après ? Des indices de part et d’autre et en même temps le sentiment que le livre nous parle d’aujourd’hui à propos de notre façon de nous comporter avec la nature. La contribution de chacun a permis de mieux décrypter ce roman et de nous enrichir collectivement en découvrant de nouveaux détails qui ont pu nous échapper. Nous avons pu nous nourrir du ressenti de chacun. Nous invitons ceux qui liront ce commentaire de lire et relire « COLLINE » ils y trouveront une joie profonde. C’est un petit livre qui peut se lire vite mais qui peut aussi se laisser déguster tant il apparait être un poème pour une vraie humanité, un poème puissant par sa richesse d’évocation du monde rural, de ses mœurs. Il célèbre la nature, la terre, l’attention et le respect qu’on lui doit. Un livre d’une belle actualité. AGENDA : Prochaine soirée « Un livre, un auteur » autour du livre « Le Grand Troupeau » de Jean Giono VENDREDI 20 JANVIER à 18H30 – LIBRAIRIE LA MEMOIRE DU MONDE |
Encore une soirée fort sympathique à la Librairie La Mémoire du Monde que nous remercions vivement. Réunis, nombreux, Jean-Louis Meunier, nous a invité à lire, relire Albert Camus, un auteur plus que jamais actuel , pour y trouver supports à réflexions pour que chacun d’entre nous trouve, ainsi, s a propre réponse à ses préoccupations, à ses désirs , ses besoins de justice, de liberté. La générosité d’Albert Camus nous aide à nous questionner sur comment se comporter face aux violences qui nous agressent quotidiennement (“Un homme ça s’empêche”), comment aimer la vie pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle nous apporte. Il a émaillé sa conférence en s’appuyant notamment sur des passages extraits du Discours de Suède, du premier homme, et des Lettres à un ami allemand …
« Je sais que le ciel qui fut indifférent à vos atroces victoires le sera encore à votre juste défaite. Aujourd’hui encore, je n’attends rien de lui. Mais nous aurons du moins contribué à sauver la créature de la solitude où vous vouliez la mettre. Pour avoir dédaigné cette fidélité à l’homme, c’est vous qui, par milliers, allez mourir solitaires. Maintenant, je puis vous dire adieu ». – Quatrième lettre Lettres à un ami allemand