À travers le Journal de Paul Signac

Ce vendredi 1er décembre, chez notre partenaire La Librairie Prado-Paradis (Marseille 8e), Christophe Longbois-Canil a inauguré le cycle de conférences sur la Méditerranée prévu jusqu’au printemps prochain.

L’auditoire a pu voyager à travers le journal de Paul Signac, pour découvrir l’histoire de cet artiste jusqu’à son arrivée sur les bords de notre belle Méditerranée.
Peintre français, pas assez connu, proche du mouvement libertaire, (on comprend mieux pourquoi Christophe l’affectionne tant), il a été confronté aux difficultés des peintres de l’époque des salons impressionnistes. Tout comme son ami, Jean Seurat, leur rejet de ce monde opulent donnera naissance aux mouvements néo-impressionnisme et pointillisme dont ils seront tous les deux les représentants.
À travers ces pages, nous avons flirté avec l’histoire, surtout l’histoire politique, la vie intellectuelle et culturelle de cette époque. Paul Signac livre dans ce journal le récit d’une vie, d’une pensée qui se frotte aux événements de son temps, d’un quotidien au bord de la mer Méditerranée. Christophe Longbois-Canil nous a éclairé sur cet artiste, sur son parcours, avec des anecdotes et le regard d’un homme engagé. Merci !

Florian Bouscarle, Article extrait de “Le Partage #2”, décembre 2023.

Mars

Francis Ponge (27 mars 1899- 6 août 1988)
Francis Ponge, qui fut l’ami d’Albert Camus, naissait il y a 125 ans. Le Parti pris des choses a paru quelques mois plus tôt, en même temps que L’Étranger.

Lorsque le sucre élaboré dans les tiges surgit au fond des fleurs, comme des tasses mal lavées, – un grand effort se produit par terre d’où les papillons tout à coup prennent leur vol.
Mais comme chaque chenille eut la tête aveuglée et laissée noire, et le torse amaigri par la véritable explosion d’où les ailes symétriques flambèrent.
Dès lors le papillon erratique ne se pose plus qu’au hasard de sa course, ou tout comme.
Allumette volante, sa flamme n’est pas contagieuse. Et d’ailleurs, il arrive trop tard et ne peut que constater les fleurs écloses. N’importe : se conduisant en lampiste, il vérifie la provision d’huile de chacune. Il pose au sommet des fleurs la guenille atrophiée qu’il emporte et venge ainsi sa longue humiliation amorphe de chenille au pied des tiges.
Minuscule voilier des airs maltraité par le vent en pétale superfétatoire, il vagabonde au jardin. (Le Parti pris des choses)

Francis Ponge, Le Parti pris des choses, 1942.

France – Butterfly in Paris (04/10/2014) – Olivier GAZZANO – PhotosGz.fr

Un livre, un auteur : Claudie GALLAY, L’amour est une île

Animation : Miguel Couralet, Compte rendu : Miguel Couralet, Michèle Robinet.

Ce sont quinze personnes qui après avoir affronté le mistral glacial de ce 19 janvier ont partagé leur lecture du livre de Claudie Gallay « L’amour et une île » publié en 2010.

Beaucoup ont dit avoir été surpris au début par le style de Claudie Gallay : phrases courtes, chapitres très brefs, beaucoup de scènes et de personnages. Mais à part une lectrice qui a arrêté à la soixante-dixième page, les autres se sont passionnés pour ce texte qui mêle une intrigue surprenante qui se déroule pendant le festival d’Avignon de 2003 avec une plongée dans les rues et lieu d’Avignon et dans le milieu des gens de théâtre.

C’est joyeusement que le groupe de lecture a revisité les moments du livre, ses rebondissements, les passions amoureuses et théâtrales vécues par des personnages. Ceci dans un festival perturbé par le conflit des intermittents, chacun se souvenant avoir vécu à sa manière cette période.

Comme toujours depuis que nous organisons ces soirées de lectures partagées, les visions croisées enrichissent la perception de l’œuvre, ouvrent de nouvelles portes, font émerger des nouvelles approches, donnent envie de relire le livre.

D’abord le titre : « L’amour est une Ile ». Chacun y est allé de son interprétation. C’est aussi dans le livre peut-être que nous trouvons des débuts d’explications :

 La liaison entre Odon (le propriétaire du théâtre) et Mathilde (la comédienne devenue la Jogar) s’est concrétisée sur la péniche d’Odon, amarrée sur les rives de l’Île de la Barthelasse. L’histoire se déroule dans Avignon : « Les intermittents ont fermé les quatorze portes des remparts. Pendant quelques minutes, Avignon devient une île ».Avignon cernée d’un côté par le Rhône peut prendre alors des allures d’île « Le fleuve dessine une courbe. Avignon ressemble à une île qui s’éloigne ». « L’amour est une île, quand on part on ne revient pas », cette dernière réplique du livre fait penser à Isabelle qui quitte Avignon pour se rendre à Ramatuelle sur la tombe de Gérard Philipe, âgée, fatiguée, usée, un dernier voyage sans retour ? « Elle s’en va pour trois jours. Il semble que c’est pour une éternité ».

Le décor : Nous sommes à Avignon durant le 57ème Festival en 2003 qui démarre en plein conflit entre les intermittents du spectacle et le gouvernement de l’époque. Le festival IN se maintient jusqu’au 10 juillet, date à laquelle Bernard Faivre d’Arcier annonce l’annulation. Malgré cette décision, une grande partie du festival OFF continue de jouer. Claudie Gallay a résidé à Avignon, elle connaît bien la ville. L’histoire nous entraîne dans une longue déambulation au cœur de la cité papale écrasée par la canicule, de nombreuses rues et lieux sont cités.

Les personnages : Nous suivons des personnages pris dans leurs passions et leur tourmente.

Odon le directeur du théâtre le chien fou qui pour l’amour de Mathilde a bouleversé sa vie et celle de sa famille.

Mathilde devenue la grande comédienne adulée de tous avec son surnom, la JOGAR fascine le public. Elle a sacrifié sa vie personnelle, pour se consacrer à la passion de sa vie, le théâtre. Elle a quitté Odon « parce que devenir la Jogar et continuer à l’aimer étaient deux chemins impossibles ».

Paul, l’auteur décédé des textes qui sont l’objet de l’intrigue. Marie, la jeune sœur de Paul qui cherche a comprendre comment son frère a été dépossédé de son œuvre et du succès. Marie qui nous bouleverse et qui hante Avignon de sa détermination et de sa présence jusqu’à en mourir.

Isabelle personnage émouvant, qui aime le théâtre, plus encore les acteurs, accueille avec générosités les troupes de théâtre qui n’ont pas les moyens. C’est la référence historique du Festival, elle a fréquenté Jean Vilar, Gérard Philippe, Léo Ferré, Alexander Calder…

Et tous ces autres personnages attachants qui circulent dans l’histoire : Julie, la fille d’Odon, jeune comédienne ; Odile, la sœur d’Odon ; Nathalie l’ex-femme d’Odon, rédactrice en chef au journal local ; Le curé de l’église Saint Pierre ; Jeff, l’homme à tout faire d’Odon, qui fut le compagnon d’Odile. Et d’autres encore appartenant au monde du théâtre jusqu’au crapaud Big Mac, vieux compagnon d’Odon

Le monde du théâtre :

 Le roman fait de nombreuses références au monde du théâtre où les superstitions sont nombreuses : On y apprend la signification des onze coups d’introduction puis des 3 coups avec le bâton appelé « brigadier », un pour chaque apôtre. On y découvre que La couleur verte est interdite dans un théâtre, que « La corde » est un mot proscrit « un théâtre d’autrefois, avec des seaux suspendus. En cas d’incendie, il fallait crier Corde ! Et tous les seaux se renversaient ». On y apprend encore que les œillets queMarie dépose sur scène à l’attention de la Jogar sont des fleurs à proscrire.

Il y a de nombreuses scènes émouvantes dans le livre dont celle-ci :

Un soir la Jogar doit jouer mais les intermittents grévistes empêchent la représentation. La Jogar s’approche du public qui s’impatiente et déclame cette poésie de Joxean ARTZE

« Si je lui avais coupé les ailes
Il aurait été à moi
Il ne serait pas parti
Oui mais voilà,
Il n’aurait plus été un oiseau
Et moi,
C’était l’oiseau que j’aimais »

L’intrigue du livre développe plusieurs thèmes dont celui de la propriété intellectuelle , ( Y a-t-il eu vol, appropriation, plagiat ?)  Que serait devenue l’œuvre en gestation de Paul sans l’intervention de la Jogar qui s’est emparée de l’œuvre et l’a transformée à sa manière ? Est- ce une appropriation délictueuse ? Que serait devenu Paul si Odon avait pu le contacter avant qu’il ne meure ?

Lectures Partagées – Décembre 2023

En ce premier jour de décembre, à l’extérieur, un froid hivernal, dans la librairie, une amicale et chaleureuse ambiance avec onze fidèles participants : Béatrice, Christian, Claude, Isabelle, José, Jules, Laurence, Marlies, Michèle, Miguel et Olivier, dix livres ont été présentés.

Livres présentés

Animation : Miguel Couralet / Compte rendu : Miguel Couralet / Michèle Stubbe-Robinet

1/ Christian : « La dernière partie de cartes », Mario Rigoni Stern.

L’ultime livre de l’auteur décédé en 2008, une des meilleures ventes en Italie lors de sa parution en 2002.

Mario Rignoni Stern s’enrôle en 1938 à 17 ans, par amour de la montagne, dans les chasseurs alpins et durant la Seconde Guerre mondiale participe aux côtés des Allemands aux campagnes meurtrières en Grèce, Albanie et en Russie face à l’Armée rouge. Il se remémore sa vie de soldat, décrit le vécu d’un quotidien difficile, prend peu à peu conscience des atrocités de la guerre, de son engagement et de sa responsabilité de soldat dans une armée fasciste. Il se dessille, ses illusions s’envolent peu à peu. Il n’était rien qu’un homme qui, parmi des millions d’autres hommes, combattait très loin de chez lui dans la guerre la plus horrible que les étoiles aient vue depuis qu’elles existent. Il raconte, se raconte, avec des mots justes et sobres. Petit recueil de souvenirs poignants et sans complaisance, d’une forte portée, qui fait écho à notre sombre actualité.

2/ Olivier : « Traité d’athéologie », Michel Onfray.

Olivier qui avait annoncé lors de la dernière séance qu’il était en train de lire le livre de Michel

Onfray « Traité d’athéologie » a souhaité nous le présenter rapidement. Cet essai philosophique de 315 pages, publié en 2005 est constitué de quatre parties : (1) Athéologie (2) Monothéismes (3) Christianisme (4) Théocratie. Le très médiatique Michel Onfray, avec sa verve particulière, féroce et provocante dresse, en les déconstruisant, le portrait des religions depuis leur genèse jusqu’à nos jours. Elles sont, selon lui, génératrices d’illusions.

Olivier nous a expliqué que comme tous les livres d’Onfray l’ouvrage est bien documenté, accessible, les exemples sont nombreux. Pour Olivier c’est une « bonne » analyse qui invite et stimule chacun à la réflexion, quelques soient ses convictions.

3/ Béatrice : « L’ami arménien », Andreï Makine.

C’est l’histoire nostalgique, puissante et tragique d’une amitié adolescente entre un jeune russe orphelin (Makine, de toute évidence) et Vardan si fragile et si mature porteur de la maladie arménienne. Le narrateur est accueilli chaleureusement au sein de cette petite communauté arménienne du « bout du diable » aux confins de la Sibérie, venue du Caucase pour être plus proche et soutenir les membres de leurs familles arrêtés et incarcérés pour subversion séparatiste et antisoviétique. Il y rencontrera de merveilleuses personnes. Un livre qui ne peut laisser indifférent.

Au départ Béatrice a rencontré quelques difficultés pour s’adapter au style académique de Makine. Mais cette autofiction publiée en 2021 reste pour elle un coup de cœur par ses passages poétiques, l’émotion qui s’en dégage et cette leçon de vie magique. D’autres participants de la soirée littéraire qui avaient lu le livre ont dit leur admiration pour l’œuvre.

4/ Jules :« La Comédie d’automne », Jean Rouaud. Rentrée littéraire 2023.

Dans ce livre, une chronique douce- amer, Rouaud revient en détail avec un humour atypique et une ironie piquante sur la publication de son premier roman qui contre toute attente de son éditeur rafle en 1990 le Prix Goncourt Les Champs d’honneur. Ceci alors qu’il n’était qu’un modeste kiosquier, issu d’un milieu populaire, n’ayant rien de l’aura d’une plume germano-pratine. Pour Jean Roubaud c’est un prix prestigieux qui ne récompense pas toujours les talents scripturaux de l’auteur, mais qui est surtout une bataille économique, une compétition de pouvoir, de rivalité entre éditeurs les plus puissants. La Comédie d’automne est untémoignage intéressant, émouvant, drôle, qui relate le parcours de Rouaud qui en dit plus sur les coulisses du monde de l’Édition, qui dénonce notre société de consommation. Une belle référence pour ceux qui aiment la « vraie » littérature.

5/ Isabelle : « Le 4ème mur », Sorj Chalandon

Ce roman auto fictionnel retrace des évènements que S.Chalandon n’a pas pu écrire en tant que reporter quand il couvrait la guerre du Liban et qu’il traduit longtemps après sous forme de roman. C’est une histoire qui raconte l’amitié entre Georges, (Sorj)metteur en scène et Samuel, un grec pacifiste, atteint d’un cancer. Ce qui va les lie c’est l’amour du théâtre. Ils doivent adapter pour une seule représentation Antigone de Jean Anouilh. Une trêve fragile, chimérique lors d’une journée à Beyrouth meurtrie en pleine guerre du Liban, en 1982, avec des comédiens issus de chaque camp belligérant impliqué dans le conflit.

C’est un livre qui révèle un peu plus la complexité du conflit israélo-palestinien, de toutes les guerres d’ailleurs. C’est une ode à la fraternité, à l’espoir, au désespoir aussi et à l’amour.

Le titre ? Le « quatrième mur » est un terme qui désigne, au théâtre, le « mur » invisible que construit inconsciemment l’acteur qui joue entre la scène et le public, et qui le protège. L’’acteur brise ainsi le quatrième mur et l’illusion théâtrale lorsqu’il s’adresse au public.

6/ Claude : « Ouragans tropicaux », Leonardo Padura.

 L.Padura est un journaliste, scénariste et écrivain devenu citoyen espagnol, vivant à Cuba, lieu de vie qui lui est indispensable pour pouvoir écrire.

L’histoire se passe en 2016. La Havane reçoit le président Barack Obama, les Rolling Stones et accessoirement… un défilé Chanel. C’est beaucoup d’un coup pourla capitale surexcitée qui va être prise d’assaut par les touristes.Mario Conde, personnage récurrent d’autres romans de Padura (dix enquêtes !) est un flic à la retraite, sceptique et ironique. Il pense que, comme tous les ouragans tropicaux qui traversent périodiquement l’île, ce déferlement va s’en aller sans que rien n’ait changé, juste quelques « poussières dans le vent ». Pourtant, la police débordée par ces évènements va faire appel à ses compétences pour qu’il participe à la résolution d’un meurtre, celui d’un haut fonctionnaire œuvrant dans le monde de la culture, un des « salopards » des plus corrompus du pays. Parallèlement Condé a entrepris d’écrire sur les évènements survenus en l’an 1910, année de la comète Halley et sur Alberto Yarini, un fils de bonne famille tenancier de bordel prêt à devenir président de la toute nouvelle République de Cuba. Les liens, les similitudes entre passé et présent se croisent, s’entrecroisent, et comme sur un miroir se réfléchissent. Tout renvoie à l’histoire complexe de Cuba. C’est un vrai roman policier, complexe, plein d’humour et de mélancolie.

7/ Marlies : « Ce que je sais de toi », Eric Chacour.

 Le Caire, années 1980. Tarek, jeune médecin, vient de reprendre le cabinet médical de son père, médecin. Il a un destin tout tracé.

 Il partage son existence entre un métier prenant et passionnant et le quotidien familial où se côtoient une discrète femme aimante, une matriarche autoritaire follement éprise de la France, une sœur confidente et la domestique, gardienne des secrets familiaux. L’ouverture par Tarek d’un dispensaire dans le quartier défavorisé du Moqattam lui offre une bouffée d’oxygène et une reconnexion nécessaire au sens de son travail. Jusqu’au jour où une surprenante amitié naît entre lui et un habitant du lieu, Ali, qu’il va prendre sous son aile. Un vent de liberté ne tarde pas à ébranler les certitudes de Tarek et bouleverse sa vie.

La critique littéraire est dithyrambique, : écriture subtile, sensible, pudique, éblouissante…, les ventes confirment et confirmeront largement ces appréciations. Le bandeau du livre indique que c’est « Un premier roman impressionnant de maîtrise et d’émotion ». Pour Augustin Trapenard (La Grande Librairie) c’est une révélation. Ce que confirme Marlies.

8/ Michèle : « Cyrano de Bergerac », Edmond Rostand

Michèle très en forme nous exprime un billet d’humeur très drôle et très animé autour de sa relecture de Cyrano de Bergerac. Nous citons intégralement :

« On peut avoir des pulsions alimentaires irréfragables, liées souvent à une carence spécifique, qu’elles soient déficiences en vitamines, en nutriment minéral, ou autres. Il m’est arrivé récemment après être restée plusieurs jours sans rien pouvoir avaler, d’avoir eu la même sensation avec le besoin de lire plus substantiellement. Une grande envie de me nourrir de belle littérature classique, de vocabulaire riche, de figures de style élégantes et fleuries, de tournures appétissantes… (Candide, Noces ou Cyrano?)

Ce fut Cyrano aux auxèses abondantes, aux métaphores subtiles, aux néologismes joyeux. Je me suis une fois de plus intéressée d’un peu plus près au tableau social de cette France du XVII ème, à la Guerre de Trente ans, au siège d’Arras (acte 4), et surtout au personnage éponyme qui a inspiré ce héros de théâtre, Savinien de Bergerac. Celui-ci n’avait rien de Gascon, poète, polémiste, philosophe, homme d’armes. Je me suis intéressée aussi au Trio amoureux formé par Roxanne, Christian et Cyrano en notant, ce que je n’avais jamais perçu avant, un possible duo amoureux entre Christian et Cyrano.

J’ai pensé après coup, mon estomac rétif revenant enfin à la raison, que cette lecture fut aussi inspirée par une fringale trouvant sa source au souvenir des succulents mets cuisinés avec tant de poésie par Ragueneau : roinsoles, tartelettes amandines, darioles, et bien autres gourmandises salées ou sucrées alléchantes, tout autant que les rafraîchissements appétants proposés au premier acte à l ’Hôtel de Bourgogne : eau de framboise, aigre de cèdre, citronnée… »

9/ Miguel : « J’accuse l’URSSAF… ! », Philippe Pascal

Dans ce livre, l’auteur, qui fut inspecteur à l’URSSAF de Vaucluse, secrétaire du CODAF ( comité opérationnel anti-fraude départemental) raconte ces sept longues années de procédures, de doutes, de menaces, d’humiliation, d’agressions, physiques et verbales, de combat épuisant, de résistance contre sa hiérarchie alors qu’il ne faisait que son métier celui d’instruire une affaire de travail « au noir » au cœur de laquelle était impliqué un notable vauclusien qui s’était vu notifier un redressement important lié à du travail dissimulé. Il raconte en détail la genèse de cette histoire, les trahisons vécues mais aussi les appuis amicaux qui l’aidèrent à tenir bon malgré cette terrible épreuve, celle « du pot de terre contre le pot de fer » Pourtant en citant Albert Camus « Et vivre, ce n’est pas se résigner, Noces » Philippe Pascal confirme que malgré cette terrible épreuve, il a pu et su faire son « métier d’homme » (toujours Camus qu’il affectionne), avec conviction, en gardant, quoiqu’il en coûte la tête haute. Un témoignage édifiant et émouvant.

10/ José : « Love, Histoire d’un sentiment », Barbara H. Rosenwein

« L’histoire de l’amour, comme l’amour lui-même, ne cesse d’obéir à un processus de mutation, de fabrication et de réélaboration de nouveaux fantasmes. B. H. R. »

Barbara Rosenwein, historienne médiéviste américaine, explore et retrace l’histoire passionnante des différentes représentations que les hommes et les femmes ont pu se faire des relations amoureuses au cours de l’histoire de l’Occident. Cinq chapitres qui traitent du même sujet, sous des angles très différents.

 L’ambition de l’autrice est de « comprendre comment nous pensons l’amour aujourd’hui et comment il était pensé dans le passé », en restituant non pas tant ce que les amoureux ont pu dire de leur propre état, que « les fictions qui servent si souvent d’échafaudage aux fantasmes amoureux que nous élaborons et auxquels nous nous accrochons ».

Dans le premier chapitre, Barbara Rosenwein explore la fantaisie de l’amour comme accord parfait de cœur et d’esprit, l’amour comme « recherche de l’âme sœur ». Le deuxième chapitre est consacré à la transcendance amoureuse. Le troisième chapitre aborde l’amour comme obligation et non plus comme liberté. Les quatrième et le cinquième chapitres traitent des formes obsessionnelles et instables de l’amour. 

José a exposé tout cela avec passion donnant envie de lire ce beau livre de 300 pages, abondamment illustré… peut être à retrouver, prochainement au pied du sapin !

Faites connaître autour de vous ces soirées de la librairie

La Mémoire du Monde.

C’est ouvert à tous !

Février 2024

Dans le silence humide et tiède, sous la lumière couleur d’étain, au chuchotement de la pluie, le battement confidentiel de la pendule fabriquait patiemment nos minutes communes, et je sentais profondément la douceur de nous taire ensemble.

Marcel Pagnol, Les temps des secrets, Ed.Pastorelly, 1960

Australia – Morning in the Blue Montains (12/05/2013) – PhotosGz.fr

Lectures Partagées – 3 novembre 2023

Déjà la quatorzième soirée !

Et quatorze personnes au départ, avec des arrivées quelques minutes après le début (petit retard fort pardonnable, le temps n’était pas de la partie !), nous nous sommes retrouvés à seize !

Livres présentés

Animation : Miguel Couralet / Compte rendu : Miguel Couralet / Michèle Stubbe-Robinet

Frédérique : Le temps des gens ordinaires – Christophe Guilluy – Champs actuel

Elle nous a présenté un essai dont l’auteur est chercheur, géographe et inventeur du concept « de France périphérique »

Il s’agit d’une analyse en trois parties pour traiter de l’accès à la culture par le prisme de la territorialité. Dans cette géographie périurbaine, 60 % de la population y réside, leur lien avec la culture n’est pas évident, cela crée des inégalités voir une vraie marginalisation. Cependant, ceux qui sont nommés les déplorables, qui appartiennent à la classe populaire, par le biais, notamment des cinéastes, musiciens (rappeurs), auteurs…, deviennent des « héros ». L’attachement à leur territoire, leur solidarité, permettent de relever le challenge, de regagner le terrain de la culture, celle dite populaire, de s’affranchir de la domination des élites culturelles, de passer de l’ombre à la lumière.

Cet ouvrage a le mérite de mettre en évidence les vraies questions sur l’évolution de nos sociétés, il nous faire réfléchir, nous donne des clés pour mieux comprendre et décrypter ces problématiques politiques, sociales, culturelles et les enjeux que cela représente.

Isabelle : Nous l’Europe – Laurent Gaudé – Actes Sud

Un auteur qu’affectionne particulièrement Isabelle.

Le choix de ce livre, ce soir, résulte de la situation mondiale dramatique actuelle. Il nous est donné de réfléchir sur les leçons de l’histoire. Seulement 182 pages mais quelle puissance et quelle passion contiennent-elles !

C’est un poème en prose, une source ardente d’inspiration pour vivre et survivre, pour continuer à croire en l’avenir, en une Europe vraiment humaniste. Chaque phrase est à méditer.

Ce texte, magnifique, a fait l’objet d’une adaptation au Festival d’Avignon 2019.

Isabelle, pour conclure cite Christian Bobin : « J’attends d’un poème qu’il me tranche la gorge et me ressuscite ». C’est le mérite de cet ouvrage à la poésie à la fois turbulente et fragile.

Jules : Alpinistes de Staline – Cédric Gras – Stock Prix Albert Londres

Ce livre raconte l’épopée héroïque des frère Abalakovy, deux alpinistes russes qui traversent avec bien des aléas, l’époque de Staline.

Après avoir compulsé les archives russes, l’auteur a découvert que cette fratrie avait été victime des terribles purges staliniennes alors qu’ils n’avaient aucune intention de nuire au régime. Passionné par cette découverte, il décide de raconter leur histoire.

 Orphelins, nés en Sibérie, ils pratiquent très tôt l’escalade, avant de devenir, parmi les tous premiers en URSS, des alpinistes aguerris pour la gloire de leur pays. Entre Caucase et Asie centrale, ils multiplient les expéditions jusqu’à gravir, dans les années 1930, les vertigineux pic Staline et de Lénine, au nom du pouvoir. Malgré cela ils furent victimes comme tant d’autres du climat de délation et de dénonciation qui pour un oui et pour un non vous vouait à la punition.

C’est fort bien rédigé, cela se lit à la fois comme un roman d’aventure et un policier.

Giana : les quatre romans d’Elena Ferrante – Folio

Giana a été passionnée par cette suite littéraire. Elle rappelle que l’auteur (re) est toujours à ce jour sans identité précise. Ce qui a plu à Giana dans cette saga ce sont les thèmes développés : l’amitié entre femmes, qui peut dégénérer en haine, les paysages sublimes de Naples, ville ancrée dans les romans, la violence des sentiments, la solidarité, les souvenirs de jeunesse, que l’on garde éternellement.

Quatre tomes, une histoire inachevée. Elle attend le 5ème

Béatrice : La fête des mères – Richard Morgiève – Joëlle Losfeld éditions

Béatrice a entrepris la lecture de ce livre après une interview de l’auteur par Pierre Lescure (La 5). Elle a été impressionnée par le personnage créé par Richard Morgiève. Il n’y a pas d’éternité pour l’amour mais des romans pour le raconter.

Un livre réécrit qui prend rang pour être primé par un des Prix de la rentrée littéraire.

Une famille aisée, un père banquier, absent, (à sa décharge il fut prisonnier dans un camp de concentration), une mère particulière qui éduque ses quatre enfants avec des principes d’un autre temps : ne pas se laver à l’eau chaude, rester avec un creux à l’estomac car manger à sa faim n’est pas bon… La fratrie, à la fois se déteste et s’aime. C’est l’un des enfants qui raconte, Jacques Bauchot.
C’est un roman triste, poignant où l’humour affleure souvent, plein de poésie, d’émotions, où la recherche des mots prend une grande valeur, un style époustouflant, pour Béatrice, un livre culte, un des meilleurs livres lus depuis longtemps.

Olivier, deux livres présentés :

L’amour – François Bégaudeau – Gallimard

Un petit roman qui raconte la vie d’un couple, le quotidien de celui de Jeanne et Jacques. 

Olivier nous confie : « j’ai lu ce petit livre, 80 pages, d’un bout à l’autre, sans pause. Je me suis retrouvé, et chacun peut s’y retrouver, dans cette lecture.

C’est plaisant à lire, même jouissif, c’est écrit sans chapitre, sans transition, mais on s’adapte très vite et on se prend au jeu de cette écriture. Il le recommande chaudement.

        Tout le ciel bleu – Melissa Da Costa – Livre de Poche

Olivier nous parle de ce livre très différent de plus de 800 pages qui raconte le voyage, le dernier d’un jeune homme avant qu’il ne sombre dans les tourments d’Alzheimer. Il passe une petite annonce pour trouver le compagnon ou la compagne de cette ultime aventure. Ce sera une femme…

La lecture est agréable, plein d’humanité, un feel- good qui permet l’évasion.

Olivier nous dit lire en ce moment le Traité d’athéologie de Michel Onfray, peut-être une prochaine présentation ?

Natalia :Sarah, Susanne et l’écrivain – Eric Reinhardt – Gallimard

Sarah a confié l’histoire de sa vie à un écrivain qu’elle admire, afin qu’il en fasse un roman. Dans le livre Sarah devient Suzanne. Un jeu de miroir.

 Suzanne ne se sent plus aimée comme autrefois. Chaque soir, son mari se retire dans sa cave, qu’y fait-il ? Il reste y de plus en plus longtemps, pour finir par ne plus regagner l’appartement, la laissant seule avec leurs enfants. Dans le même temps, elle s’aperçoit qu’il possède soixante-quinze pour cent de parts dans leur domicile conjugal. Elle demande à son époux de discuter sur leur situation lors d’un déjeuner dans un restaurant. Elle lui déclare vouloir faire un break. Ce sera le début d’un enchaînement d’évènements imprévisibles, bouleversants, vertigineux. L’écriture est puissante, magistrale. En lice pour le Goncourt 2023.

Daniel : Alamut – Vladimir Bartolr – Editions Založba Modra Ptica

Daniel a lu ce livre publié, pour la première fois, en 1938, il y a quelques années, il en garde un vif souvenir. Depuis il en reprend des passages ou se documente à propos.

C’est un roman d’aventure, basé sur des faits historiques qui se déroulent dans les montagnes, au nord de l’Iran dans la forteresse inexpugnable d’Alamut. Les Haschichins (étymologie probable du mot Assassin), mènent une lutte religieuse effrénée contre leurs voisins religieux, le sultan de Turquie, seldjoukid. Un des intérêts de cette lecture est la mise en évidence des techniques de manipulations (notamment celles de se sacrifier), qui font tristement écho à l’actualité du Proche Orient, Iran, Irak… Finalement, hélas, une lecture atemporelle.

Solange : La disparition de Joseph Mengele – Olivier Guez – Livre de Poche, Prix Renaudot

Venue pour la première fois au club littéraire, Solange nous a présenté avec conviction l’intérêt qu’elle eut à lire ce livre.

Un roman historique très documenté qui nous entraîne à la poursuite du sinistre médecin criminel Joseph Mengele surnommé l’ange de la mort. Le récit se déroule de 1949 quand commence véritablement sa longue cavale jusqu’à sa mort en 1979 sur une plage du Mexique, une errance sans répit, soutenue par sa famille, les SS, le président argentin Juan Péron et de nombreux réseaux. Cette traque décrite sous forme de roman qui se lit comme un roman policier reste une chronique de l’inhumanité qui est glaçante.

Michèle : J’ai capturé Eichmann – Rafael Eitan – Nouveau Monde

Un livre commencé avant les douloureux évènements vécus par Israël et Gaza et achevé le 7 octobre, terrible jour où le Proche Orient va se trouver sous les feux d’une actualité dramatique.

Le titre laissait à penser que la capture d’Eichmann L’homme de la Solution finale serait plus détaillée. En fait il y a juste une vingtaine de pages sur ce fait.

C’est l’autobiographie de Rafi Eitan (1926 -2019), ancien maître espion au service du Mossad qui se raconte avec un peu trop de fatuité et qui présente quelques longueurs.

Ce qui reste intéressant dans ce livre c’est l’exposé des diverses institutions israélites, noms fréquemment cités par les médias ces jours-ci :

le Aman : direction du renseignement militaire israélien.

le Mossad : chargé du renseignement extérieur et des opérations spéciales en dehors des frontières de l’État d’Israël. 

Shin Bet : service de renseignement intérieur israélien.

 Aujourd’hui décédé, l’auteur livre son opinion sur le devenir de son pays, pour comprendre ce qui est possible, ce qui ne l’est pas, ce qui est nécessaire pour garantir qu’Israël reste un état juif démocratique…

Marlies : Triste Tigre – Neige Sinno – P.O.L

Un livre qui dit encore l’inceste, en très bonne position pour le prochain Goncourt.
 Un grand texte, un récit puissant, terrible (comme à chacune de ces révélations) que Neige Sinno a mûri pendant une vingtaine d’années, le temps de trouver le ton juste pour parler des viols subis pendant sept ans, de 7 à 14 ans.

Miguel : Le défi de JérusalemEric-Emmanuel Schmitt – Albin Michel

Eric Emmanuel Schmitt raconte, de façon très personnelle, le pèlerinage qu’il a fait récemment en terre Sainte à la demande du Vatican. Il se livre beaucoup dans ce live où il raconte sa découverte des lieux où, selon les évangiles, Jésus a vécu. (Bethléem, Nazareth, Césarée, le lac de Tibériade, le Mont Tabor, Béthanie, le mont des oliviers, le cénacle, Emmaüs, Jérusalem…). Il décrit les ambiances, les rencontres toujours hautes en couleur, les émotions et les interrogations. Il nous fait part de son propre cheminement depuis la scène mystique qu’il a décrite dans son livre « La nuit de feu », qui a été suivie d’une soif d’étudier pendant des milliers d’heures des livres qui traitent du christianisme et de religion jusqu’à ce moment du pèlerinage qui le bouleverse dans sa foi alors qu’il est au Saint Sépulcre à Jérusalem.

Il décrit les tensions fortes entre les 3 religions qui devraient être pensées comme des fratries. Nous voyons avec les événements dramatiques actuels que ce « défi de Jérusalem » n’est pas prêt d’être relevé.

De tout cela il en a donc écrit un livre qui n’est pas un sommet de littérature mais qui donne à réfléchir. Il a rencontré le Pape François pour en parler et celui-ci a écrit une postface très émouvante qui recadre bien l’expérience vécue, sans doute le moment le plus fort du livre.

Un auteur, un livre : Romain Gary La promesse de l’aube

Compte rendu de la soirée du 12 octobre 2023  

Un livre- Un auteur

« LA PROMESSE DE L’AUBE »

De ROMAIN GARY

Animation : Miguel Couralet, Compte rendu : Miguel Couralet, Michèle Robinet.


Nous étions douze  présents  lors de cette soirée ( Béatrice, Christian, François, Joëlle, Jacky, José,  Laurence, Marlies, Michele, Miguel, Robert et  Roseline)  pour partager notre lecture de « La Promesse de L’Aube ».


Comme à chaque fois depuis que nous vivons ces soirées de partage littéraire  nous avons assisté à de très beaux échanges permettant à chacun( e) de dire ce qu’il a aimé dans le livre , ce qu’il en a compris ou ce qui l’a questionné s’enrichissant ainsi des apports des autres.

Tout a été passé en revue : la signification du  titre, le genre littéraire, les différents personnages, les lieux décrits, les thématiques …

Nous avons revisité tout le roman haut en couleurs fait de scènes émouvantes, parfois drôles (et même très drôles), de rencontres avec en  trame de fond la relation si particulière de Romain Gary avec sa mère omniprésente et si souvent intrusive mais tellement vivante. 

Nous avons suivi Romain Gary tentant de réaliser les ambitions démesurées portées sur lui par sa mère. Nous l’avons accompagné dans ses relations multiples avec les femmes le plus souvent inspiratrices, initiatrices, protectrices, consolatrices mais qu’il quittait si facilement après en avoir décrit de beaux portraits.

Nous avons été avec lui enfant, étudiant, militaire, gravement malade, amoureux, à l’agonie, roublard, envahi par sa mère, courageux, menteur, dépressif, courageux, intrépide, solitaire  …

Nous avons discuté sur la nature de ce magnifique livre plein d’anecdotes truculentes : Une autobiographie fictionnelle,  un mélange de faits réels,  d’aventures  inventées ou revisitées, enjolivées,  en trois parties.  Une vie enchâssée entre deux phrases si courtes : « C’est fini » qui introduit le récit et à la toute fin : « j’ai vécu » qui clôt la narration.

Chacun y est allé de lire des citations piquées ça et là avec certainement la plus forte et émouvante  qui donne l’explication du titre et en même temps décrit le fil de vie de Romain Gary :

« Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu’à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce  ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné ».

Et celle là encore

« Je continue à me voir dans toutes les créatures vivantes et maltraitées et je suis devenu entièrement inapte aux combats fratricides ».

Chacun aura compris que cette soirée fut passionnante et nous ne pouvons qu’inviter ceux qui n’ont pas lu «  La promesse de l’aube » de prendre le temps de s’y plonger, de tenir bon car des fois c’est un peu long et de retrouve la page d’après une force de vie incroyable.

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Pour aller un peu plus loin nous conseillons de lire :

« Un certain Monsieur Piekielny » de François-Henri Désérable (Folio)

François-Henri Désérable, lorsqu’il voyage,  ne se sépare pas de son livre fétiche « La Promesse de l’aube ». Aussi, quand  il se retrouve à errer dans les rues de Vilnius et  qu’il tombe, par le plus grand des hasards sur la fameuse rue Grande-Pohulanka  et qu’il trouve apposée sur la maison du N° 18 une plaque commémorative indiquant qu’à cet endroit vécut Romain Gary, il se souvient de la promesse que son voisin Monsieur Piekielny, un petit monsieur,  lui a demandé de lui faire  «  Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno habitait M. Piekielny ».

Toute sa vie romain Gary , quand il rencontrait les grands de ce monde ( La reine Elisabeth, Le Général de Gaulle et tant d’autres encore) il leur parlait de Monsieur Piekielny !

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    Prochaines rencontres des soirées littéraires :  
Le club lecture : 3 novembre 2023 à 18h30 (chacun vient parler d’un livre qu’il a lu).
Un Livre un Auteur :  Une écrivaine contemporaine.   « L’amour est une île » (Babel) De Claudie Gallay – 19 janvier 2024 18h30    

Lectures Partagées – 6 octobre 2023

Pour cette reprise, nous étions quinze : Bernadette, Christian, Claire, Claude, Denis, Évelyne, Jacky, Jules, José, Laurent, Marlies, deux Michèle, Miguel et Nicole.

Nous avons été heureux d’accueillir de nouveaux participants.

Dix livres ont été présentés.

Livres présentés

Animation : Miguel Couralet / Compte rendu : Miguel Couralet / Michèle Stubbe-Robinet

Denis : Le Club des incorrigibles optimistes, Jean-Michel Guenassia – Albin Michel

C’est avec un grand enthousiasme que Denis a présenté le livre qu’il a dévoré. Un livre qu’il a prêté moult fois, toujours apprécié. Un roman qui parle de « nous », c’est à dire, les participants de cette soirée, du moins les plus âgés d’entre nous !

 Le jeune Michel, scolarisé au lycée Henri IV à Paris, raconte ce qui se trame dans l’arrière-salle d’un café parisien qu’il fréquente. On y rencontre Kessel, Sartre et bien d’autres jouant aux échecs. Avec eux , des Russes, des Roumains, des Polonais, des Tchèques…qui sont passés à l’ouest, pour fuir les exactions du régime communiste et la privation de liberté… Des exilés, des déracinés qui malgré leur tragédie, leur précarité, les nombreuses difficultés qu’ils vivent au quotidien, restent, « d’indécrottables » optimistes.
Une fiction foisonnante où la petite histoire se mêle à l’Histoire, drôle, plaisante, qui fait revivre avec nostalgie ces années sixties et son ambiance : baby-foot, Rock’n Roll…

Jules : Mr Vertigo, Paul Auster – Babel  

Le Cadre : l’Amérique, fin des années 20.

Walt, orphelin mal aimé, est vendu par son oncle, un être malfaisant, à Maître Yehudi. Il confie au jeune enfant qu’il lui apprendra à voler. Il tiendra effectivement sa promesse. Au prix d’efforts incessants, d’un impitoyable apprentissage, Walt, ainsi, deviendra célèbre par ses lévitations.
L’intrigue qui met en scène de nombreux personnages, où les péripéties sont multiples, où les évènements s’enchaînent fougueusement, permet de faire revivre les mythes et l’Histoire des décennies 20/30 dans une Amérique portée par la violence, la haine, le racisme, dans un climat de prohibition.
 Une histoire magique, un conte à la fois étrange et terriblement captivant. 

C’est du très grand Auster. Du coup Jules a entrepris de relire tout Paul Auster !

Micaela : Marie d’en haut, Agnès Leding – J’ai lu

Premier roman de cette autrice féconde qui connaît, dès cette parution, un beau succès, non démenti à ce jour 

L’histoire d’un trio d’âmes esseulées à la vie cabossée : Marie, trentenaire, une agricultrice installée en montagne, au caractère bien trempé, Olivier, le gendarme, Antoine, l’ami fidèle, et la petite fille de Marie qui amène beaucoup d’humanité au récit. Des personnages attachants et touchants.

Un “feelgood” (un livre qui fait du bien !) qui parle d’amour, d’amitié, de solidarité mais aussi de solitude et de maladie le tout en riant beaucoup tout au long du livre.

Une écriture séduisante, tendre, poétique, pudique, émouvante. Une belle leçon de vie.

Laurence : Connemara, Nicolas Mathieu – Actes Sud 

Hélène, mère de famille, originaire des Vosges, a réussi sa vie professionnelle, en s’arrachant à sa condition, c’est maintenant une transfuge sociale. Elle vit une crise existentielle, au mitant de sa vie.

Elle revient sur les lieux de son enfance et revoit Christophe, ancien beau gosse, qui n’a jamais quitté son bled, un bon vivant, simple.

Ces deux quadragénaires vont se rencontrer une nouvelle fois. Ils vont avoir une liaison. Pourront-ils réussir cette histoire alors que beaucoup de choses les opposent ?

Ce qui a plu à Laurence c’est l’écriture émouvante de l’auteur, les flash-back (analepses) entre deux époques, c’est le portrait social hyperréaliste et cynique de la France, ses écarts, ses fractures sociales.
Connemara, c’est la référence à la France qui fredonne à l’époque la chanson de Michel Sardou qu’on entend en boucle dans tous les milieux sociaux et qui fait socle commun.

Évelyne : Impossible, Erri De Luca – Folio Gallimard

Évelyne est une fan de cet écrivain. Ce roman est court mais dense.

L’événement central et dramatique se fonde sur un accident d’alpinisme dans les Dolomites. Un alpiniste gravit la montagne. Il est suivi plus loin par un autre, ils ne se connaissent pas (apparemment !).

Le premier fait une chute et se tue. Le second arrive tente de le secourir et appelle les secours. IL sera suspecté de cette mort qui donne lieu à une enquête.

Le récit prend la forme d’un interrogatoire, un dialogue, une joute verbale entre un jeune magistrat, qui prétend déjà savoir tout de l’affaire, alors qu’il a une vision partielle de la situation (il ne connaît pas la montagne, ses dangers, il ne connaît qu’indirectement la lutte révolutionnaire dont le souvenir resurgit, il ne connaît pas la vie …) et le prévenu beaucoup plus âgé. On apprend que la victime (un repenti) avait dénoncé lors des années de plomb en Italie celui-là même qui est maintenant auditionné car ils militaient ensemble au sein d’un groupuscule révolutionnaire. Dénoncé l’homme a fait de la prison. Dans ce roman, De Luca reste fidèle à tous les grands thèmes qui lui sont chers : justice, liberté, combat politique, amour, montagne.

Claude :  Suite inoubliable, Akira Mizubayashi – Gallimard

Claude, en préambule, nous fait écouter quelques notes de la suite N° 1 pour violoncelle de Bach car ce roman est imprégné de cette magnifique musique et en reprend la progression émotionnelle. 

L’histoire se déroule en deux époques.

Un jeune japonais, musicien prodige, est envoyé en France pour se perfectionner, il va rencontrer Pablo Casals qui lui donnera des cours. Lauréat d’un concours à Lausanne, il a le privilège de se voir remettre en prêt pour 5 ans un Gofriller (l’équivalent du Stradivarius pour le violon). En 1945, il doit retourner dans son pays, puis il est envoyé au front. En partant il confie son prestigieux instrument à Hortense une luthière française installée au Japon avec qui il a une liaison, un enfant naîtra de cette relation. Lui, ne reviendra pas.

Plus tard, ce glorieux violoncelle, revenu en France, sera confié à une jeune luthière pour y subir une restauration. Elle découvrira au cœur de l’instrument une lettre et s’attachera à mettre à jour son secret…

C’est un roman rythmé, émouvant, qui fait vibrer, qui dénonce le totalitarisme, les traumatismes des guerres, la musique rédemptrice.

Jacky : Les Dragons, Jérôme Colin – Allary Éditions

Jérôme, un adolescent révolté, se heurte à des problèmes récurrents : drogue, alcool, exclusion scolaire. Il est interné, en Belgique, dans un centre psychiatrique pour jeunes.

Il intègre les Dragons, un groupe de jeunes portés par un mal être violent, qui se mutilent, tentent de se suicider. Il tombe bientôt amoureux d’une jeune-fille, plus âgée que lui, Colette, lectrice assidue, qui va amener Jérôme à lire aussi. Il va découvrir le poids et le choc des mots, la littérature qui permet la liberté, l’évasion. Ils rêvent de s’évader, de s’ouvrir à une autre vie, mais Colette n’a qu’une seule obsession : mourir.

C’est un récit bien écrit empathique, basé sur des faits réels, c’est poignant, percutant.

Michèle Une Brève rencontre, Félicité Herzog – Stock

C’est une biographie romancée dans laquelle l’écrivaine, fille du célèbre alpiniste, raconte l’enfance, l’adolescence et l’éclosion d’une jeune femme, Marie Pierre, la mère de l’écrivaine. Une jeune fille intelligente, cultivée qui transgresse les règles de sa famille au patronyme à particule : Cosse Brissac.

Un des intérêts du roman, c’est la description d’une société divisée dans la France occupée par les Allemands. Ce sont aussi les personnages qui peuplent le récit, le tout Paris de la collaboration qui est invité de façon fastueuse dans les salons des Cosse Brissac. On y retrouve des collaborateurs notoires : Paul Morand, Pierre Drieu de la Rochelle, Josée Laval, Chanel, Arletty, Sacha Guitry…

L’épilogue du récit c’est la rencontre, le coup de foudre et l’idylle, l’union des contraires entre Marie Pierre et Simon Nora (frère de Pierre), deux jeunes de milieux sociaux différents, de religions différentes (catholique /Juive) et de formes d’engagements au départ opposées (collaboration/résistance).

Le livre nous parle de la Libération du pays, bien sûr avec toutes les vicissitudes qui vont suivre mais aussi de la libération d’une jeune fille singulière, intrépide, attachante, bravache, qui n’hésite pas à renoncer à son héritage par amour.

Ce récit a été couronné en 2023 par le prix Simone Veil.

Marlies : Comment supporter sa liberté, Chantal Thomas – Rivages  

Ce livre a été compagnon de son été. Il déclame l’appétit d’être libre. Le livre lui a fait penser aux livres de Kundera. Les hommes ont et expriment le besoin de liberté qu’ils semblent pouvoir vivre plus facilement que les femmes. Pour les femmes c’est plus compliqué. Marlies a imagé les propos de Chantal Thomas en citant des situations où la femme ne peut pas marcher librement sans être accostée, interpellée. Pour l’homme il parait incongru qu’une femme soit seule au cinéma ou aime entrer seule dans un bar sans créer des réactions masculines encombrantes auxquelles il faut porter des parades : « Etes-vous libre ? oui et permettez-moi de le rester »

Un petit essai « philosophique » stimulant, d’une lecture aisée qui dit qu’il faut apprendre à être libre, à savourer sa liberté, en saisissant, au vol toutes les occasions, en trouvant les activités libératrices, notamment en sortant de chez soi, en se promenant, en se donnant du temps libre, en sachant dire non, en s’échappant de sa condition.

Un livre subtil qui manifestement a enchanté Marlies.


José : Veiller sur elle Jean-Baptiste Andrea – L’Iconoclaste

Le roman s’ouvre dans une abbaye où les moines veillent un agonisant.

Mimo, l’orphelin, est confié à un sculpteur peu talentueux. Pourtant, lui deviendra un artiste de génie. Il va rencontrer Viola, héritière d’une prestigieuse famille italienne. Tous deux sont nés au début du XXème siècle. A défaut d’amour, c ’est une amitié indéfectible qui va les réunir sans qu’ils puissent vivre cette fusion côte à côte. Ils ne pourront cependant pas vivre longtemps loin de l’autre. Une émulation réciproque les portera. 

Ce récit romanesque à l’écriture flamboyante retrace la vie de ces deux âmes sœurs confrontées aux tourments et soubresauts de leur époque : première guerre mondiale, montée du fascisme, condition de la femme… C’est un souffle épique qui rappelle l’œuvre de Dickens.

Le centenaire de la naissance de René GIRARD à AVIGNON

De nombreux évènements nationaux mais aussi avignonnais marqueront le centième anniversaire de la naissance de René Girard.

Qui était René Girard ? :

René Girard, est né à Avignon le 25 décembre 1923, ancien élève de l’Ecole des Chartes, a fait toute sa carrière universitaire aux Etats Unis comme professeur de littérature comparée. Il a été élu à l’Académie Française en décembre 2005. 

Il est l’inventeur de la théorie mimétique qui, à partir de la découverte du caractère mimétique du désir, a jeté les bases d’une nouvelle anthropologie. Il se définit lui-même comme un anthropologue de la violence et du religieux. Ses premiers livres majeurs : « Mensonge romantique et vérité romanesque » puis « La violence et le sacré ».

Sa pensé a eu un rayonnement considérable tant en France qu’à l’étranger.

Dans « Des Choses cachées depuis la fondation du monde » (1978) il expose l’ensemble de sa pensée, y compris, pour la première fois, le rôle central qu’ont pour lui les textes bibliques. Ses ouvrages ultérieurs approfondiront les thèmes essentiels de sa recherche en faisant une lecture anthropologique de l’Ancien et du Nouveau Testaments (« Le Bouc émissaire », « La Route antique des hommes pervers », « Je vois Satan tomber comme l’éclair », etc.) mais aussi du théâtre de Shakespeare en 1990 (« Les Feux de l’envie »).

En 2007, René Girard ouvre une quatrième étape de son travail, avec « Achever Clausewitz » : il y démontre que la théorie mimétique peut devenir une clé décisive pour interpréter les phénomènes de la violence contemporaine

Des événements pour fêter l’anniversaire :

La famille de René Girard et ses amis ont souhaité fêter grandement cet anniversaire. Pour promouvoir sa pensée la société des amis de René Girard  a été créée ( https://sajrenegirard.fr) qui va porter les événements dont nous donnons ici quelques indications :

  • 16 décembre 2023 inhumation des cendres de René Girard au cimetière Saint-Véran suivie d’une messe à Saint-Agricol présidée par Monseigneur Fonlupt
  • 17 décembre 2023 Concert dans le Grand Tinel du Palais des Papes
  • En 2023, 4 Séminaires sur la pensée de René Girard :
    • 16 septembre à la bibliothèque Ceccano
    • 29 septembre à l’Hôtel du département
    • 10 novembre à l’Eglise Saint Agricol
    • 17 novembre à la Librairie la Mémoire du Monde
  • En 2024, 4 séminaires organisés en partenariat avec le diocèse d’Avignon

Notre association Partages Culturels en Provence s’associe totalement à ces événements si importants pour la pensée contemporaine en les faisant largement connaître. Une collaboration est d’ailleurs envisagée sur un plus long terme pour favoriser et enrichir les thèmes de réflexion qui sont portés par les deux associations.

Pour plus de renseignements sur les événements autour de René Girard aller sur le site : https://sajrenegirard.fr

Pour approfondir la pensée de René Girard aller aussi sur le site de l’association Recherches mimétiques https://www.rene-girard.fr. On retrouve aussi sur internet de très nombreuses conférences et interviews de René Girard.

Conseils de lecture :

René Girard : «  Des choses cachées depuis la fondation du monde » ( Livre de poche)

Bernard Perret : «  Penser la foi Chrétienne après René Girard » ( Format poche)

A paraître le 13/9/23 Une importante biographie :  « René Girard » de Benoit Chantre – Grasset

Camille Claudel à l’honneur à Hammamet

Tout au long du mois d’octobre 2023, plus particulièrement le dix-neuf, l’hôpital de Mondevergues d’Avignon-Montfavet commémorera les 80 ans du décès de Camille Claudel. L’ensemble des ateliers d’art-thérapie y participent (danse, théâtre, arts plastiques, écriture).

La conférence donnée à Hammamet par Michèle, dans la belle demeure de Jean-Paul, Dar Zina, le vendredi 23 juin s’inscrit dans ce programme. Une vingtaine de personnes, très attentives se sont intéressées à cet exposé reprenant la biographie, l’œuvre, l’enfermement de cette talentueuse sculptrice qui connut une triste destinée.

Après la conférence, tous se sont retrouvés autour de rafraichissements et d’un savoureux goûter, moment convivial de partage qui a permis de poursuivre les discussions sur cette artiste qui a passionnée nos invités.

Nous remercions Jean-Paul et Amine pour leur accueil.

Tous restent dans l’attente de nouvelles animations présentées par Partages Culturels.