
La résignation est un suicide quotidien.
Honoré de Balzac, Les Illusions perdues.
Photo : Olivier Gazzano – https://photosgz.fr/albums/oiseaux

La résignation est un suicide quotidien.
Honoré de Balzac, Les Illusions perdues.
Photo : Olivier Gazzano – https://photosgz.fr/albums/oiseaux

Animation & Compte-rendu : Michèle Stubbe-Robinet et Miguel Couralet
Nous adressons à Jacky nos pensées très amicales, car nous avons appris le décès de sa maman survenu pendant le déroulement de la soirée littéraire,
Delphine : « Une bête au Paradis » de Cécile Coulon, Le Livre de Poche
Delphine a d’abord connu l’écrivaine par ses délicieux poèmes, écrits avec l’encre du terroir. Elle nous dit « C’est un talent rare ».
Ce roman, paru en 2019, qui a reçu le prix du Monde, raconte une histoire intemporelle, le destin de cinq personnes, vivant, comme dans un huis clos dans cette ferme, le Paradis, qui est loin d’être un éden : La matriarche, Émilienne a élevé ses petits enfants orphelins, Blanche et Gabriel, Louis le commis de ferme vit avec eux. Alexandre, le compagnon d’école, va être le premier amour de Blanche, une passion torride partagée, mais la vie rurale n’intéresse pas le jeune homme, alors, au grand désespoir de Blanche, il part pour la ville, avant de revenir à la ferme quelques douze ans plus tard.
Chaque court chapitre est introduit par un verbe. C’est une prose poétique, subtile, imaginative, une écriture prenante, poignante d’une vive énergie. Delphine conseille chaleureusement ce livre.
Olivier : « Le Pacte de Baphomet » de Patrick Bouchet -autoédition Platform
Avignon. Le cadavre d’un homme est découvert adossé au Palais des Papes. Son corps forme un pentagramme inversé. Des chiffres et une mystérieuse inscription sont scarifiés sur son torse. La capitaine Valentin et le Quai des Orfèvres vont se retrouver impliqués dans une sombre affaire mêlant l’Ordre du Temple et la franc-maçonnerie. Du quartier du Marais à Paris, en passant par la forêt d’Orient, l’enquête conduira les policiers jusque dans le Sud de la France à Rennes-le-Château. Un petit village de l’Aude, célèbre par son abbé Bérenger Saunière, susceptible de détenir le secret des Templiers.
Un polar « classique », plaisant à lire, qui s’appuie sur de très nombreuses recherches historiques et sur des théories ésotériques, c’est ce qui en fait son intérêt. Avignon, est, par ailleurs, peu évoqué, Olivier le déplore, et note, à regret, des fautes d’orthographe.
Barbara : « Matrices » de Céline Denjean, Pocket
Le cinquième roman de l’autrice.
En plein mois de décembre, une terrible tempête se déchaîne sur les Pyrénées. Sous la pluie battante, une jeune femme enceinte, d’origine africaine, court à perdre haleine, elle est percutée par une camionnette. Avant de mourir, elle murmure quelques mots en anglais : « Save the others ». Qui sont ces autres qu’il faudrait sauver ? Les gendarmes Louise Caumont et Violaine Menou se lancent alors dans une enquête hors-norme. Au fil de leurs investigations se dessine la piste d’un trafic extrêmement organisé.
Ici, peu de personnages sont mis en scène, la plupart d’entre eux sont particulièrement bien analysés, présentant nombre de qualités ou défauts propres à l’être humain
L’intérêt de cette lecture ne baisse jamais, elle nous tient en haleine et la thématique de ce polar « la procréation pour les couples infertiles – La GPA (gestion pour autrui) forcée » est prenante.
Une plume incisive, percutante, réaliste.
Barbara a fait la connaissance de cette autrice, originaire de Toulouse, qui a participé à la création des Louves du polar, un regroupement d’écrivaines spécialisées dans l’écriture de polars.
Denis : « Un roi sans divertissement » de Jean Giono, Folio.
Un roman découvert grâce à la rencontre de l’autrice Dominique Barberis, au cours d’une de ses conférences.
C’est du Giono dans toute sa splendeur d’écriture romanesque très noire ! Un livre qui laisse des traces.
Le titre renvoie à la phrase qui clôt le roman, que Giono emprunte aux Pensées de Pascal : un roi sans divertissement est un homme plein de misères indiquant ainsi l’interrogation moraliste de l’auteur qui veut montrer que l’homme pour sortir de son ennui existentiel par le divertissement peut aller jusqu’à la fascination du Mal.
L’action du roman se déroule dans une région que Giono connaît bien, entre les massifs alpins du Vercors et du Dévoluy. Tout se déroule sur une période d’un peu moins de cinq années, rythmées par six hivers successifs, de 1843 à 1848. Le capitaine de gendarmerie Langlois s’installe dans l’auberge d’un village isolé par la neige pour rechercher un tueur mystérieux qu’il finit par abattre. Ayant démissionné de la gendarmerie, il revient ensuite au village comme commandant de louveterie et organise une chasse au loup qui rappelle la poursuite précédente. Il veut s’installer et se marier et participe aux fêtes locales, mais effrayé de sa fascination pour la beauté du sang d’une oie sur la neige, omniprésente dans le roman malgré le cycle des saisons, il se suicide en fumant un bâton de dynamite. Denis a été emballé par cette lecture.
Frédérique : « L’immeuble Yacoubian » de El Aswany Alaa, Actes Sud
Dans le Caire des années 1990 (l’Égypte est gouvernée par Hosni Moubarak), l’Immeuble Yacoubian, construit dans les années 1930 (à l’époque une résidence luxueuse de style Art Déco pour riches) est le théâtre de destins croisés. Entre corruption, amours interdits et désirs inassouvis, les habitants de cet édifice emblématique voient leurs vies s’entremêler et se déchirer. Ce roman choral, d’une grande liberté de ton, explore les différentes strates de la société égyptienne, entre tradition et modernité, dans un contexte politique tumultueux.
L’immeuble est désormais occupé, en grande partie, par des pauvres, notamment la terrasse qui abrite de nombreuses familles.
Le roman dévoile la corruption du régime, les actes délictueux des politiciens véreux, les harcèlements des femmes, la montée de l’islamisme, l’inégalité liée au statut social, l’homophobie.
Aswany nous offre avec ce roman une vision désabusée, cynique, mais aussi pleine de compassion et de tendresse sur l’Égypte contemporaine. Les nombreux personnages sont tous représentatifs de la société égyptienne : Zaki Dessouki, 65 ans, représentante la classe dominante déchue, Taha el Chazli étudie pour réaliser son rêve être admis à l’Académie de Police. Il réussit brillamment les examens écrits mais il est refusé à l’oral, dans une scène humiliante où on lui rappelle le métier dévalorisant de son père. Il va évoluer vers un islam intégriste. Boussaïna Sayed, pour garder un emploi, doit accepter certains compromis. Hatem Rachid, l’homosexuel, Hajj Mohammed Azzam, riche homme d’affaires, stéréotype du parvenu…
Un premier roman. Un grand succès littéraire. Alaa Al Aswany, a tenu son cabinet de dentiste pendant plusieurs années dans cette résidence.
Caroline : « Le rêve de Marc Aurèle » de Frédéric Lenoir, Flammarion
Ce livre, sans complaisance mais avec émotion, raconte la vie et le code de conduite très strict de l’empereur Marc Aurèle, popularisé par le film « Gladiator », un homme à la fois sensible, inflexible, tourmenté.
Il analyse et explique comment Marc Aurèle (121-180) qui fut un souverain puissant en même temps qu’un philosophe dont les écrits sont tenus en estime, encore aujourd’hui, a pu conserver une certaine sérénité malgré maintes épreuves : guerres, trahisons, catastrophes naturelles, multiples épidémies comme le choléra, la peste bubonique, la variole, maladies endémiques, qui secouèrent son règne de vingt ans. La réponse se trouve dans la philosophie à laquelle il a été formé dans sa jeunesse et pour laquelle il éprouva une vive passion : le Stoïcisme « Agir avec justice, penser avec rectitude, accepter avec sérénité ce qui ne dépend pas de nous » « Ce n’est pas la réalité qui nous rend heureux ou malheureux, mais l’opinion ou la représentation que nous en avons ».
FrédéricLenoirrend intelligibles les maximes de l’empereur. Une lecture en écho avec notre actualité.
Daniel : Deux ouvrages d’Amin Maalouf : « Le labyrinthe des Égarés » et « Les croisades vues par les Arabes » (Livre de poche et J’ai lu).
Le labyrinthe des Égarés qui a déjà été présenté lors d’un club littéraire. Daniel revient sur ce livre pour nous livrer les idées majeures retenues et ses réflexions.
– la grande complexité de l’exposé historique qui s’appuie sur une connaissance historique, riche,
– une certaine perplexité suite à la lecture des pages 213 et 214 sur le sac du Palais d’Eté. Maalouf aurait-il évolué au point que ce texte résume l’appréhension de la civilisation occidentale ?
Et bien non ! L’écrivain qui a rédigé Les croisades vues par les Arabes reste identique à lui-même, avec nuance, certes, il ne craint pas de dire « tous ceux qui combattent l’Occident et contestent sa suprématie, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, connaissent une faillite encore plus grave que la sienne » (Le labyrinthe).
Daniel conclut donc que Maalouf est toujours le même ! Un oriental, un arabe, admirateur de la civilisation occidentale. Il ajoute en point d’orgue « arrêtons en tant que civilisation de nous détester nous-mêmes
Catherine : « Un autre m’attend ailleurs- le dernier amour de Marguerite Yourcenar » de
Christophe Bigot, Éditions La matinière.
C’est léger, pas très bien rédigé. Catherine pense que cette histoire véridique d’amour sur le tard, sans tabous vécue par une femme extrêmement cultivée et libre est un clin d’œil malicieux voulu par cette académicienne française. L’auteur de cet essai/roman a emprunté aux carnets de notes de M. Yourcenar et a inventé des dialogues pour rapporter l’aventure. Est ainsi dévoilé, sans fausse pudeur, le dernier amour, ambiguë, entre une femme sur son déclin et un homosexuel, de 46 ans, son cadet, Jerry Wilson, un jeune photographe américain, séduisant, fantasque, intrigant, peu cultivé, opportuniste et infidèle de surcroît.
En nous racontant tout cela Catherine était encore toute retournée : « comment cela est-il possible que cela ait eu lieu ! » … mais oui, tout est possible !
Geneviève: « L’Allègement des vernis » de Paul Saint Bris, Livre de Poche
Avec sa facétie habituelle, Geneviève nous présente cette lecture, Prix Orange 2023
Aurélien est directeur du département des Peintures du Louvre. La nouvelle présidente du musée, Daphné veut attirer encore plus de visiteurs, elle va donc lui imposer une mission périlleuse : la restauration de La Joconde.
À contrecœur, Aurélien part à la recherche d’un restaurateur.
Sa quête le mène en Toscane, où il trouve Gaetano, personnalité intense et libre. Face à Monna Lisa, l’Italien va confronter son propre génie à celui de Vinci, tandis que l’humanité retient son souffle…
En guise de conclusion, Geneviève fait circuler une photocopie montrant les admirateurs des chefs-d’œuvre du Louvre, c’est à la fois risible, burlesque, mais tristement réaliste. Que font les gens quand ils trouvent des banquettes en face des chefs-d’œuvre ??? ils consultent leur téléphone !
Laura : « Les enfants sont rois » de Delphine de Vigan, Gallimard
C’est un roman qui prend la forme d’une enquête sociétale passionnante et inquiétante sur le narcissisme et le voyeurisme contemporain, l’exploitation, l’exhibitionnisme des enfants stars qu’on met en scène sur les réseaux sociaux, les défilés, les photographies de mode… Deux familles, deux enfants du même âge qui ont grandi, éduqués différemment.
C’est un très bon livre qui nous pousse à nous questionner sur notre rapport aux écrans et aux vidéos que l’on regarde (télé réalité), l’instrumentalisation des enfants. Ça éclaire également sur les dessous du « métier » d’influenceur.
Un gros coup de cœur, Laura a envie de découvrir d’autres œuvres de cette écrivaine.
Michèle : « Ce rouge incandescent selon Nicolas de Staël » d’ Aurélia Cassigneul-Ojeda,
Éditions Ateliers Henry Dougier.
Tout d’abord Michèle a exprimé un grand merci à Marlies pour lui avoir proposé ce livre.
Elle ne connaissait pas cette collection « le roman d’un chef-d’œuvre » où chaque auteur se charge avec sa sensibilité, d’expliquer la genèse d’une œuvre célèbre ( Quand elle disait cela José a ramené des rayons de la librairie plusieurs ouvrages déjà parus dans la collection !)
À partir du dernier tableau, inachevé, (très grand, 3m50 sur 6m), de Nicolas de Staël le concert, Aurélia Cassigneul-Ojeda raconte la vie du peintre, d’une façon, à la fois réaliste et romanesque.
Une peinture figurative : le piano noir, la partition, le violoncelle safrané, plongés dans le rouge incandescent qui présage le drame à venir. Un rouge qui « avait envahi son esprit » alors qu’il assistait à un concert de Webern le week-end précédent.
En choisissant de commencer par présenter cette œuvre ultime, et le suicide du peintre, l’écrivaine va remonter le cours de la vie de Nicolas, et pointer tout ce qui va le blesser, l’exil, le deuil de ses parents, le veuvage, les passions destructrices, cicatrices indélébiles qui se creusent et se rouvrent au fil du temps.
Michèle a aimé le style d’Aurélia Cassigneul-Ojeda, ses mots colorés, flamboyants, vibrants, attirants, comme la peinture de Staël.
Elle a aussi apprécié que l’auteure fasse le lien entre Nicolas et Albert (Camus), qu’elle trouve des similitudes qu’elle avait pointé elle-même entre l’écrivain et le peintre : la mère, la mer, le soleil, la lumière, la Provence, Char, les femmes aimées…
Un moment de lecture tendre, fort, prenant.
Miguel : « Croix de Cendre » d’Antoine Sénanque, Grasset
Un roman qui prend la forme d’un thriller historique érudit qui se déroule en plein moyen âge où la fureur de la peste se dispute aux atrocités de l’inquisition.
Un prieur dominicain a longtemps accompagné Maitre ECKART (théologien, philosophe allemand), principal représentant du courant spirituel catholique appelé la mystique rhénane, mort probablement à Avignon). Il souhaite écrire ses mémoires à la fin de sa vie ce qui révélerait un secret qui pourrait déstabiliser l’ensemble de l’Église. L’inquisition qui a eu vent de ce projet essaye de récupérer le document. Il s’ensuit que le roman nous fait vivre le siège de CAFFA et nous entraîne dans toute l’Europe, nous fait visiter les béguinages, nous entraîne chez le pape à Avignon mais aussi dans les geôles de l’inquisition.
On assiste au conflit peu glorieux entre l’ordre des dominicains et celui des franciscains. La pensée de Maitre ECKART y est exposée et les ambitions de certains côtoient les comportements très fraternels d’autres. On y rencontre de beaux personnages attachants mais aussi de fieffés orgueilleux avides de pouvoir qui finissent parfois par être retournés. On y apprend une origine possible de la transmission de la grande peste, autre que celle qui est habituellement décrite, peste qui a fait jusqu’à 200 millions de victimes à travers le monde.
Une fresque historique passionnante enrichie de philosophie et de théologie et de vérités historiques. Le livre a été longtemps en lice pour le prix Goncourt 2024
Le choix de notre libraire José
« L’inventaire des rêves » de Chimamanda Ngozi Adichie, Gallimard
L’histoire de quatre femmes puissantes originaires de l’Afrique de l’Ouest. Quatre amies qui vivent aux États -Unis et qui passent leur vie au crible, d’aspirations en déceptions. Un formidable nouveau roman lumineux. C’est écrit avec beaucoup de finesse, le roman aborde de nombreux thèmes dont celui de la femme dans le monde actuel, les relations entre hommes et femmes, le mariage, la réussite, la maternité, les injonctions familiales et sociales.
« Uchronie » d’Emmanuel Carrère, P.O.L.
Une première édition de ce livre est parue aux éditions P.O.L en 1986 sous le titre Le Détroit de Behring. Il n’a jamais été publié en collection de poche ni connu de nouvelle édition depuis. Quarante ans plus tard, cette enquête narrative sur l’uchronie éclaire plus que jamais notre rapport complexe à l’Histoire du monde, mais également l’art de l’écrivain
Emmanuel Carrère : « Notre vie peut changer à tout moment, explique-t-il, la réalité n’est qu’un choix parmi tant d’autres. Ce qui pousse certains d’entre nous à s’intéresser aux possibilités que nous n’avons pas pu donner aux choses. »
« Entrer sans frapper » de Carlo Ossola, Belles lettres
Carlo Ossola revient sur les livres qui l’ont accompagné tout au long de sa vie. À travers ces maîtres de la littérature, de la peinture et du cinéma, il questionne les problèmes communs de notre temps, et initie le lecteur à la beauté de l’essentiel.
Venez nous rejoindre dans les soirées du club littéraire,
c’est ouvert à tous,
parlez-en autour de vous.
Il est d’étranges soirs où les fleurs ont une âme,
Où dans l’air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d’un soupir
Le cœur le plus secret aux lèvres vient mourir.
Il est d’étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Et, ces soirs-là, je vais tendre comme une femme
(Albert Samain, Il est d’étranges soirs – Recueil Au jardin de l’infante 1893 – Photo : O.Gazzano – Plage de Moreton Island / Australie (04/05/2013) : https://www.photosgz.fr/
Albert Samain, poète français, 3 avril 1958 (Lille) – 18 août 1900 (Magny-les Hameaux)


Compte rendu du club littéraire du 7 mars 2025
1/Le Club de lecture a lieu tous les premiers vendredis de chaque mois de 18h30 à 20h.
Chacun vient et peut présenter un livre qu’il a lu. S’ensuit un échange. Un petit apéritif clôture la séance. La séance est animée de façon que chacun puisse avoir le temps de présenter son livre.
2/ Soirée « Un livre – Un auteur » qui a lieu tous les 3 mois environ, de 18h30 à 20h00. Un moment de partage et d’échanges pour aller à la rencontre d’un auteur et d’une de œuvres lue préalablement par tous les participants.
Comment participer à ces activités ? C’est ouvert à toutes et tous sans inscription préalable.
Prochaines rencontres :
Animation : Marlies / Compte-rendu : Michèle Stubbe-Robinet et Miguel Couralet
Nous étions 12 présents à présenter, chacun, un ou plusieurs livres, dans le timing habituel.
1) Daniel nous a présenté trois œuvres de Pierre Boulle (1912-1994).
« William Conrad », Pocket.
C’est le premier roman de l’écrivain. William Conrad est un jeune homme brillant, originaire de Pologne, qui tente de son mieux de faire évoluer son pays. Il est, en fait, « un espion dormant » à la solde des Allemands, une taupe, dont la mission est de s’infiltrer dans la haute société anglaise avant la Deuxième Guerre mondiale pour percer les méthodes d’encodage ennemies.
Pour ses premiers pas dans la littérature, Pierre Boulle a écrit un récit d’espionnage psychologique captivant.
On retrouve ici de nombreux thèmes chers à l’auteur : la Seconde Guerre mondiale, le conflit britannique en Malaisie contre les Japonais, des personnages héroïques, originaux…
Pierre Boulle nous raconte ce récit dans un style plein d’humour, une lecture passionnante à découvrir.
Puis deux récits à connotation autobiographique :
C’est l’expérience professionnelle personnelle de Boulle, qu’on retrouve sous les traits d’un jeune ingénieur, Maille, très vite confronté aux méthodes de la société franco-britannique, la S.O.P.H.IA (filiale du groupe Bolloré) qui l’a embauché dans une immense plantation d’hévéas de la Malaisie : rationalisation des procédés de production, d’administration et taylorisation à outrance sont son quotidien. Il finira par démissionner.
C’est une peinture hardie et dure, réaliste, cernée par l’humour et l’ironie de l’écrivain.
C’est aussi une évocation inoubliable de la Malaisie, du monde des planteurs et des coolies.
– « Aux sources de la Rivière » Pocket
Pierre Boulle retrace ici ses péripéties en Extrême Orient durant la Seconde Guerre mondiale. Ce récit est écrit avec talent, dans un style efficace propulsant le lecteur au cœur des tribulations de l’auteur ( navigation périlleuse, incarcération, évasion…)
Suggestion de choisir, prochainement, un roman de cet auteur natif d’Avignon pour nos soirées « un auteur, un titre ».C’est un bon écrivain, d’une lecture aisée. On vous dira prochainement…
2) Barbara : « Contes pour jeunes-filles intrépides », Praline Gay-Para, Babel
Cette conteuse, auteure, comédienne et traductrice est née au Liban en 1956.
Ce recueil rassemble 24 contes et légendes des quatre coins du monde (Arménie, Arabie Saoudite, Chili, Corée, Écosse, Maroc, Mexique, Palestine, Portugal, Sibérie, Sicile, Soudan, Syrie, Turquie, Yemen…). Mais contrairement aux récits populaires de notre enfance, les héros sont des héroïnes jeunes ou plus âgées, princesses, paysannes, enfants, jeunes filles, épouses, grands-mères qui brillent par leur détermination pour prendre leur destin en main. Leur ingéniosité, leur indépendance, leur courage, leur audace, leur ruse sont mises en exergue.
Deux contes ont plus précisément marqués Barbara : Le bouvier et la tisserande (conte coréen) et l’échange des corvées (Écosse).
C’est une lecture originale, décapante, amusante, la morale « traditionnelle » n’est pas toujours au rendez-vous, mais pour elles, la fin justifie les moyens !
3)Agnès : « Le convoi de l’eau », Akira Yoshimura, Actes Sud
Akira Yoshimura (1927-2006) a laissé une œuvre considérable qui a marqué de son empreinte la période de l’après-guerre au Japon.
Dans ce roman une équipe est chargée de construire un barrage hydroélectrique en haute montagne, au Japon, Ce chantier entraînera la submersion du hameau et l’exil de ses habitants, une population avec laquelle les ouvriers ne se mêlent pas. Les deux camps s’observent, se regardent, les ouvriers sont fascinés par le calme, l’organisation, la persévérance et la discipline de cette communauté humaine malgré le sort qui l’attend.
Les descriptions du paysages (la forêt, l’eau, la brume, la neige, le feu…) sont lyriques, magnifiques et s’opposent aux mœurs frustes des habitants. Le roman, court, très sombre, poétique, onirique est chargé de symboles.
4) Christian : « Les règles du mikado » Erri de Luca, Gallimard.
Une rencontre qui aurait pu être banale, celle d’un horloger et d’une bohémienne à la frontière italo-slovène, mais il n’en est rien !
Le vieil horloger a pour habitude de camper en montagne en solitaire. Une nuit d’hiver, une jeune tzigane et son ours entrent dans sa tente, elle lui demande de l’abriter car elle a fui sa famille et le mariage forcé qu’on lui imposait de l’autre côté des montagnes. L’homme cache la clandestine de la police aux frontières, de son père, de son clan qui la cherchent pour la punir, peut-être même la tuer.
Ils dialogueront longuement, s’écriront, resteront amis pour toujours, même l’un loin de l’autre, mais garderont leur secret.
C’est un récit en trois parties, un conte philosophique. Conformément aux règles du Mikado, chacun jouera sa vie en veillant à ne pas ébranler celle de l’autre.
Un style sobre, un roman plein d’humanité comme tous les romans de cet auteur.
Une lecture émouvante qui colle à notre actualité mondiale pour le moins chaotique. Il y a un secret, bien sûr, mais pour le découvrir il faut lire ce roman !
5)Franck : « Un ciel si bleu », T.C Boyle, Grasset.
Nous sommes en Floride où nous faisons connaissance de Cat, une jeune-femme un peu superficielle, de Tom, son fiancé, ambassadeur de la marque Bacardi.
Cat se rêve en influenceuse et doit, pour cela, faire l’acquisition d’un n.a.c (nouvel animal de compagnie) : un python birman.
Cet achat, raconté par ce romancier américain est à lui seul une anthologie d’humour décapant.
De l’autre côté du pays, en Californie, c’est un tout autre achat qu’effectue sa mère Ottilie : de plus en plus sensible à son empreinte écologique, elle franchit un pas supplémentaire vers l’autonomie alimentaire et le recyclage des déchets en se dotant d’un réacteur à criquets. Son fils, Cooper, biologiste spécialisé dans les insectes, n’est pas étranger à ce choix. Mais alors que celui-ci accompagne sa petite amie à la recherche de tiques, il se fait piquer (maladie de Lyme ).
Ces choix spontanés émaillés de petits incidents vont entraîner une chaîne d’événements dévastatrice.
La nature s’affole, l’atmosphère devient étouffante, les incendies font rage.
Ce livre, édité en février 2024, présenté comme une dystopie écologique, prend vite une tournure pré-apocalyptique, doublée de comédie noire (Violence des incendies dévastateurs en Californie qui sévissent toujours).
Franck conclut que « Boyle n’avait probablement pas envisagé le retour à la présidence d’un homme qui non seulement considère le réchauffement climatique comme une fable mais qui participe au démantèlement des fondements de la démocratie américaine.
La réalité dépasse toujours (ou souvent ?) la fiction. »
6)Delphine : « Sa préférée », Sarah Jollien-Fardel, Livre de Poche
C’est l’histoire de l’autrice suisse qui est racontée ici.
Dans un village des montagnes valaisannes, Jeanne grandit en apprenant à éviter et à anticiper la tyrannie de son père alcoolique. Sa mère et sa sœur aînée semblent résignées tandis que les proches se taisent. La peur est là, au quotidien. Après le suicide de sa sœur, Jeanne, parviendra à s’extraire de son milieu familial, quittera sa région natale, se reconstruira, s’ouvrira aux autres, et s’autorisera à tomber amoureuse. Néanmoins, elle restera, à jamais cabossée par la violence vécue, pendant son enfance et son adolescence. Les plaies laissent toujours des cicatrices.
L’écriture est tonique, percutante, elle marque avec une grande force l’urgence de vivre ou de revivre. Un récit qui ne peut laisser indifférent.
Ce roman a reçu le Prix du roman Fnac, et le Goncourt des détenus en 2022.
7) Geneviève : « Le labyrinthe des égarés », Amin Maalouf, Grasset
Geneviève apprécie particulièrement cet auteur libano-français.
En exergue du livre, l’auteur cite cette parole si pertinente de Faulkner : « Le passé ne meurt jamais. Il ne faut même pas le croire passé. »
Un essai qui constitue une formidable révision historique et qui aide à réfléchir, à mieux comprendre la situation internationale actuelle car Amin Maalouf retrace, dans ce livre, les origines de ce nouvel (et éternel) affrontement entre l’Occident et ses adversaires, en retraçant l’itinéraire de quatre grandes nations : d’abord le Japon de l’ère Meiji (guerre russo-japonaise 1904-1905), qui fut le premier pays d’Asie à défier la suprématie des nations « blanches », et dont la modernisation accélérée fascina l’humanité entière, notamment les autres pays d’Orient, qui tous rêvèrent de l’imiter ; puis la Russie soviétique, qui constitua, pendant trois quarts de siècle, une formidable menace pour l’Occident par son système et ses valeurs, avant de s’effondrer ; ensuite la Chine, qui représente en ce vingt-et-unième siècle, par son développement économique, par son poids démographique et par l’idéologie de ses dirigeants, le principal défi à la suprématie de l’Occident ; et enfin les États-Unis, qui ont tenu tête à chacun des trois « challengers », et qui sont devenus, au fil des guerres, le chef suprême de l’Occident et la première superpuissance planétaire.
Ce soir, comme à l’accoutumée, Geneviève nous a fait la lecture d’un passage de ce livre pour nous plonger dans l’ambiance du récit.
8)Isabelle : « Houris », Kamel Daoud, Gallimard
Prix Goncourt 2024.
« Je suis la véritable trace, le plus solide des indices attestant de tout ce que nous avons vécu en dix ans en Algérie. Je cache l’histoire d’une guerre entière, inscrite sur ma peau depuis que je suis enfant ». Ce sont les paroles d’Aube au début de ce roman.
Tout le roman est articulé autour du drame vécu par cette jeune-femme, enfant, égorgée, sauvée par miracle par le sacrifice de sa sœur, au cours de la décennie noire qui a marqué l’Algérie (1992-2002). Elle en garde d’atroces séquelles, elle est muette, les cordes vocales ont été sectionnées.
Houris est l’enfant qu’elle porte dans son ventre, une fille, de toute évidence pour elle. Mais a-t-elle le droit de garder cette enfant ? Peut-on donner la vie quand on vous l’a presque arrachée
Houris est un roman terriblement réaliste, écrit avec tact et poésie.
L’auteur se montre sans pitié pour ceux qui jouent la comédie de l’intégrisme religieux.
Un récit qui souligne, en particulier, le sort scandaleux réservé aux femmes et celui plus édifiant des terroristes qui s’en sont tirés en affirmant (quel cynisme !) qu’ils n’étaient que « cuisiniers » !
L’Algérie, un pays qui a voté des lois pour punir quiconque évoque la guerre civile.
A lire absolument.
9) Catherine : « Le Bastion des larmes », Abdellah Taïa, Julliard
Un roman qui a permis à Catherine de retrouver le « vrai » Maroc, celui qu’elle a connu et qu’elle aime.
Après la mort de sa mère, Youssef, 46 ans, un professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle, revient à Salé, sa ville natale, à la demande expresse de ses sœurs, pour liquider l’héritage familial. En lui, c’est tout un passé qui ressurgit, où se mêlent inextricablement, souffrances, meurtrissures et bonheur de vivre.
Youssef est gay, un Zemel (c’est très fort comme qualificatif), un homosexuel ( ce mot à connotation colonialiste qui ne sera pas repris par l’auteur) dans un pays, qui criminalise ces personnes.
Cet intermède va lui permettre de réentendre les voix du passé, notamment celle de Najib, son ami et amant de jeunesse au destin tragique.
Le Bastion des Larmes, c’est le nom donné aux remparts de la vieille ville (située au bord de l’océan Atlantique, sur la rive droite de l’embouchure du Bouregreg, en face de la capitale nationale Rabat), à l’ombre desquels Youssef a jadis fait une promesse à Najib.
Un livre transgressif, douloureux, magnifique cruel, et réaliste.
10) Michèle : « Marseille, Porte du Sud », Albert Londre, Arléa
Nulle doute que Marseille, la cosmopolite, la multiraciale, a impressionné ce grand reporter. Six ans avant sa disparition en mer, il concrétise ce qu’il voulait faire depuis longtemps: décrire la cité phocéenne, son ambiance, et il le fait avec enthousiasme, saisissant avec émotion l’âme et les pulsions, la verve de la belle cité.
C’est un récit, ensoleillé, exotique, poétique, malheureusement les descriptions du port ne correspondent plus à la réalité économique actuelle, il a perdu de sa superbe
et même s’il reste le premier port de France, il n’a plus la prépondérance surl’échiquier européen.
Une belle lecture qui invite à en savoir plus sur ce talentueux journaliste-reporter, avec le projet de lire prochainement sa biographie.
Le choix des Libraires
Jacky :
– « Je veux regarder longtemps leurs visages », Thomas Vinau – La fosse aux ours
Un texte écrit à partir de la photographie de la colonie d’Izieu dans l’Ain qui reste tragiquement dans nos mémoires : 44 enfants âgés de 5 à 17 ans et 7 adultes ont été arrêtés par la Gestapo et déportés le 6 avril 1944. Pour ne pas les oublier…
Les mots de Thomas Vinau sont « comme un pansement de miel sur l’inacceptable. » Une prose poétique, un cri d’amour sublime et bouleversant à lire, à offrir.
– « Un chemin entre plusieurs mondes » Jérôme Garcin, plénitude.
C’est celui que suit de Christian Garcin où il tisse des liens d’un continent à l’autre, d’une époque à l’autre, entre introspection et observation. Il trouve dans ses lectures, le cinéma, les rencontres ou la contemplation de la nature les matériaux qui nourrissent sa réflexion et son carnet de route.
Jacky a apprécié certaines chroniques, d’autres moins.
Marlies : « Nives ou les cœurs volatils », Sacha Naspini, Actes Sud
Un livre qui a séduit Marlies, elle nous en parle avec enthousiasme et nous lit quelques passages épiques.
Nives, fermière toscane, a choisi de combler le vide laissé après la mort de son mari par la compagnie d’une poule, Giacomina qui la réconforte. Un soir, inquiète pour cette dernière qui se pétrifie après avoir regardé à la télé une publicité sur Dash, elle contacte par téléphone le vétérinaire, très alcoolique. L’appel d’urgence se mue alors en conversation fleuve aux allures de montagnes russes, à l’image d’une vie.
C’est cocasse, léger, mais piquant, de beaux passages sur la solitude.
Venez nous rejoindre dans les soirées du club littéraire, c’est ouvert à tous, parlez-en autour de vous.
Si vous voulez aller sur la mer, sans aucun risque de chavirer, alors, n’achetez pas un bateau : achetez une île !
Marcel Pagnol – Fanny

Baie de Morlaix – 08/2024 – Olivier Gazzano – PhotosGz.fr

Compte rendu du club littéraire du 7 février 2025
Animation : Miguel Couralet – Compte rendu : Miguel Couralet et Michèle Stubbe-Robinet
16 présents.
1/ Laurence : La lumière vacillante, Nino Haratischwili, ed Gallimard.
Très attendu après le succès de La huitième vie, ce nouveau roman confirme les talents littéraires de cette autrice géorgienne, de langue allemande.
Pour Laurence, une découverte « coup de cœur », une lecture addictive. L’histoire, dense – le livre est un gros pavé de plus de 700 pages-, se situe dans un quartier de Tbilissi, dans les années 90, au moment où l’Union soviétique s’effondre. Elle raconte l’amitié de quatre jeunes-filles, l’évolution de leur vie de femme portée par leurs idéaux . Elle permet aussi de suivre l’histoire politique, sociale, toujours tragique et cruelle de ce pays à travers leurs souvenirs. Le récit débute lors de l’inauguration d’une exposition de photos de l’une d’entre elles, artiste célèbre, absente lors de cette manifestation. Avec de nombreuses analepses, où passé et présent s’entrecroisent (quelques difficultés au début à s’y retrouver), on découvre, pour chacune d’elle, leurs parcours, on s’immerge dans leur expérience de l’amour, de l’espoir, de la déception, de la trahison, on vit la violence exacerbée de la guerre et du chaos, la misère qui sévit dans ce pays.
2/ Claude : Bristol, Jean Echenoz, Éditions de Minuit
Une fiction romanesque qui a passionné Claude. Elle met en scène Robert Bristol, un cinéaste de seconde zone.
L’histoire va alterner entre la vie burlesque des résidents de son immeuble, dans le XVIème parisien, les protagonistes du film une adaptation d’un succès populaire littéraire, le tournage mouvementé au Botswana. Le résultat sera, bien entendu déplorable. Le roman débute par la défenestration d’un homme de son immeuble, totalement nu, une chute qui laisse parfaitement indifférent Robert Bristol.
Une lecture sans prise de tête, qui offre humour, dérision, et aussi un peu de mystère.
Une écriture « cinégénique », ludique où les détails sont pléthoriques, l’hypotypose constante.
3/ Delphine : Ajouter de la vie aux jours, Anne-Dauphine Julliand, Éditions les Arènes.
C’est l’histoire vraie d’une mère de quatre enfants, trois sont décédés (maladie génétique et suicide).
Comment vivre après de tels deuils , une telle souffrance inextinguible ? Transformer la douleur en résilience. Il faut écrire, en se faisant violence, écrire pour ceux qui sont en vie, pour tous les siens, les autres, ceux qui vivent, ceux qui sont partis mais avec lesquels elle maintient des liens, elle écrit pour la vie, en étant attentive aux autres, un leitmotiv universel. Le style est intéressant, même si au début de la lecture, Delphine a été mitigée – trop d’égo ? Les chapitres sont courts, le récit est particulièrement émouvant pour tous les parents confrontés à de tels drames. Un beau témoignage, une lecture inoubliable.
4/ Jacky : Du givre sur les épaules, Lorenzo Mediano, Editions Zulma
Paru en 1998, réédité récemment, Du givre sur les épaules est un court roman sous forme de fable. L’action se situe au cœur des années 20, il y a un siècle à peine, dans les Pyrénées espagnoles, près de la frontière française. C’est une photographie d’un pays, resté à l’époque médiévale, avec ses riches, très riches propriétaires terriens, ses pauvres, ses paysans quasi illettrés, le poids du clergé…
C’est une version espagnole de Roméo et Juliette. Un article paru dans un journal local déclenche la colère des habitants, il y a beaucoup d’erreurs dans ce qui est rapporté, il faut donc écrire au journal pour rectifier ce texte. L’instituteur est alors chargé de recueillir auprès des villageois la vérité, chacun aura la sienne, chargée d’imposture, de contre-vérité, de mensonge. Avec ce roman, l’auteur nous fait part de sa vision, la fin prochaine d’une société patriarcale, où les inégalités sont trop manifestes, où il est quasi impossible de s’élever socialement. Jacky a adoré !
5/ Barbara : Dans le pays des Miroirs, Liv Strömquist, Éditions Rackham
Un roman graphique engagé et féministe dans lequel l’autrice suédoise analyse l’idéal contemporain de la beauté féminine : celle de la jeune femme, celle de la femme vieillissante. Affranchie des diktats de la société, elle peut alors s’épanouir avec d’autres critères, d’autres enjeux.
C’est une enquête psycho-sociale instructive, bien argumentée, s’appuyant sur une très riche bibliographie.
Les dessins ont surpris Barbara dans un premier temps, ils sont, en fait, le support à l’écriture foisonnante. Ils sont là aussi pour choquer et interpeller et souligner le propos. Barbara se promet de lire les autres œuvres de cette autrice.
6/ Geneviève : Cabinet de curiosités sociales, Gérard Bronner, Ed PUF
Ici, contrairement aux cabinets de curiosités en vogue à la Renaissance, il n’est pas question d’observer les choses rares, singulières, extraordinaires et complexes comme les rouages d’un automate ou le plumage coloré d’un oiseau empaillé. Les objets exhibés dans cette vitrine virtuelle relèvent de notre vie quotidienne.
Cet essai de Gérard Bronner est très instructif, il met en lumière les diverses croyances collectives, les idéologies fallacieuses, afin d’en extirper la part d’irrationnel.
Les sujets sont variés mais Geneviève a choisi de nous fait lecture d’un extrait dédié à la justice, avec un clin d’œil à Talleyrand.
C’est spirituel, drôle, pertinent.
7/ Simone : Quat’saisons, Antoine Blondin, Ed Folio
Avec jubilation, Simone nous présente ce recueil de 12 nouvelles, découpées en quatre chapitres, un par saison, complété dans sa réédition par 6 nouvelles complémentaires.
Ce livre a été récompensé par le Prix Goncourt de la nouvelle en 1975.
Simone a particulièrement apprécié , dans la nouvelle édition, « la petite reine » qui renvoie avec exultation et cocasserie à La Princesse de Clèves.
Une lecture piquante, délirante , pleine d’humour sous-jacent, à la hussarde, comme a été la vie de son auteur. Simone très en verve a su faire vivre tout cela en 6 mn !
8/ Catherine : Mesopotamia , Olivier Guez, Ed Grasset
Après la lecture de La Disparition de Josef Mengele, Prix Renaudot 2017,Catherine a souhaité découvrir ce roman. C’est un livre qui nous fait connaître, une héroïne inconnue, Gertrude Bell, fille d’un très riche industriel anglais, totalement dévouée à l’impérialisme britannique, aventurière, archéologue, intrigante, espionne, parlant l’arabe et le persan, une héroïne idéaliste, volontaire et tragique qui va évoluer, au lendemain de la Première guerre mondiale, après l’effondrement de l’empire ottoman, dans une contrée mythique entre Tigre et Euphrate, ce qui deviendra le Moyen Orient. C’est une vaste fresque politico-historique passionnante.
9/ Frédérique : Le commissaire dans la truffière, Pierre Magnan, Ed Folio
Troisième volume de cet écrivain régionaliste, ami de Giono. Sans doute, le meilleur de la série Commissaire Laviolette
Une nouvelle mission pour ce commissaire attachant. Il lui faut résoudre le mystère de la disparition de hippies installés dans le joli village de Banon, dans les Alpes de Haute Provence. Il doit collaborer avec la truie Roselyne, la reine du cavage.
Un polar de terroir plein d’humour (noir bien sûr). la description du pays, de ses habitants est joliment restituée, illustrée par des mots du terroirs, par l’évocation réaliste de coutumes locales millénaires et par une étude de caractères qui inclut autant l’histoire culturelle du pays que la psychologie des personnages.
10/ Céline : Mon mari, Maud Ventura, Ed L’Iconoclaste
C’est l’histoire d’une femme la quarantaine , mariée depuis plus de quinze ans, deux enfants, professeure d’anglais, avec une vie, en apparence, parfaite. Pourtant, elle a un problème : elle est amoureuse de son mari, comme aux premiers jours, une passion indéfectible, fusionnelle, obsédante, maladive. Cette épouse se met à épier chacun des gestes de son époux comme autant de signes de désamour. Du lundi au dimanche, elle note méthodiquement ses « fautes », les peines à lui infliger, les pièges à lui tendre. Elle regrette même d’être mère, cela est, pense -t-elle, au détriment de son mari.
Les chapitres se déclinent en jours de la semaine. L’écriture n’est pas particulièrement élaborée, mais ce roman, un premier pour l’autrice, assez dérangeant, fait réfléchir. Pour Céline, l’épilogue est intéressant et vaut, pour lui-même la lecture.
11/ Michèle : Comme un charme, Stéphane Crémer, Ed Denoël.
Stéphane est né le 7 avril 1954. C’est un enfant non désiré, conçu avant le mariage de ses parents. A sa naissance, son père a 30 ans, il fait partie de la promotion 52 du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, sa mère 24 ans est aussi comédienne issue du conservatoire.
En 60 courts chapitres, Stéphane qui vient d’avoir 52 ans, livre ses souvenirs, des fragments d’émotion liés à son enfance solitaire, les relations difficiles entretenues avec son père, un acteur de talent, sa mère, une comédienne fantasque et solaire , ses grands-parents franco-belges, sa grand- mère qui l’a vraiment aimé.
Il raconte, avec lucidité, des anecdotes qui l’on marqué, avec une sorte d’humour mélancolique, souvent doux-amer, voire assassin. Dans ce méli-mélo d’évocations percutantes, il y a des blessures douloureuses, liées à l’abandon du père absorbé par sa carrière, de la mère occupée par ses aventures extra conjugales. il y a aussi des réminiscences de bonheur, d’émerveillement.
Les parents divorcent (1964), le père se remarie. Il ne connaît pour famille que celle recomposée avec sa deuxième épouse.
Cependant, a de petits détails, on perçoit que les parents de Stéphane, » l’ont aimé », à leur façon.
Pourtant, Stéphane n’est pas un cas isolé, de nombreux enfants de comédiens , ou de parents divorcés peuvent aussi souffrir de l’absence de leurs parents . En fait, la valeur de ce petit livre, c’est qu’il dit la souffrance de Stéphane qui peut être celle de tout enfant privé d’amour parental.
Avez-vous deviné qui sont les parents de Stéphane ?
Son père :Bruno Crémer, , un excellent acteur qui a pourtant, pour Stéphane, raté son rôle de père,
Sa mère, Chantal Courrier ,1930-1995 , ancienne comédienne du Conservatoire, devenue antiquaire.
12/ Miguel par manque de temps n’a pas pu présenter Croix de Cendre, François Sénanque – Ed Grasset. Ce sera pour la prochaine fois !
Le choix des Libraires
13/ José signale de nombreuses rééditions en livre de poche.
Le Tchékiste , Vladimir Zasoubrine, Christian Bourgeois Éditeur,
ZAZOUBRINE est un écrivain russe né en 1895. Ce livre a été écrit en 1922 sous Lénine, interdit de publication , il est publié finalement en 1989.
C’est une fiction très réaliste. Dans une grande ville sibérienne, à la fin de la guerre civile, un responsable de la Tchéka, police du régime bolchevique, accomplit son
« travail » de bourreau. C’est la terreur rouge. Pour servir la Révolution, il participe à l’atroce procédure quotidienne des interrogatoires, des procès sommaires, de l’extermination des bourgeois, intellectuels, toute personne supposée être déviationniste, une boucherie au nom de la Révolution.
14/ Le prisonnier du désert, Olivier Dubois, Ed Michel Lafon
Avril 2021, Olivier Dubois, correspondant au Mali pour le magazine Le Point et le quotidien Libération, est enlevé à Gao, dans le nord du Mali. Il passera 711 jours aux mains d’un groupe terroriste affilié à Al-Qaïda.
Libéré en mars 2023, il brise aujourd’hui un an de silence et nous raconte comment, prisonnier dans l’une des régions les plus sensibles du monde, il a survécu à la seule force de son mental. En fuyant l’inactivité qui le ronge et consignant par écrit tout ce qu’il observe. Une façon pour lui de résister à l’effroi de savoir chaque jour sa vie menacée. Au-delà du récit d’une captivité, il nous livre le fruit d’une enquête de l’intérieur sur les cellules jihadistes, une incursion dans l’une de ces organisations qui déstabilisent le monde.
15/ Marlies : Admirer, Joëlle Zask , Ed Premier Parallèle
La philosophe Joëlle Zask se penche sur cette capacité à être ébloui par le talent d’autrui , source d’épanouissement et de créativité . En effet, selon l’autrice, l’admirateur cherche à comprendre ce qui le frappe, et donc à observer, puis à étudier. Le sentiment qu’il éprouve, loin de le paralyser, le met en mouvement. Et si ce qu’il admire le dépasse, son ego n’en est pas rabaissé, au contraire, puisqu’il devient agent de son propre désir de savoir.
La littérature donne l’impression d’un calme qui paraît acquis avant un combat intérieur et semble ne rien devoir à la force de l’âme.
Jean Grenier – Les îles – L’Inde imaginaire

Barrage de Grangent, Loire (10/08/2024) – Olivier Gazzano – PhotosGz.fr

Compte rendu du club littéraire du 10 janvier 2025
Animation : Miguel Couralet – Compte rendu : Miguel Couralet et Michèle Stubbe-Robinet
11 livres présentés.
1/ Delphine : « Eden »- Auður Ava Ólafsdóttir – Ed Zulma
Alba rentre d’un colloque de linguistes à l’étranger. Passionnée par les langues minoritaires et par la puissance évocatrice des mots, elle est aussi relectrice-correctrice. Le manuscrit d’un jeune poète l’attend, un ancien étudiant avec lequel elle a eu une aventure. En atterrissant à Reykjavík, elle s’interroge sur tous ses voyages dans les coins les plus reculés du monde. Combien d’arbres lui faudrait-il planter chaque année pour compenser son empreinte carbone ? Des langues sont en voie d’extinction, mais en Islande les arbres ont déjà disparu.
Sur un coup de tête elle achète un terrain de sable noir et de lave, au fin fond de l’Islande aride et désertique, avec une maison délabrée. Rien n’est censé pousser là, mais Alba décide de passer à l’action. Elle change de vie, quitte la ville et les cercles littéraires pour planter des bouleaux, cultiver un potager. Elle se lie aux villageois et accueille Danyel, un jeune réfugié.
Ode à la langue islandaise et au retour à la nature, Éden est un roman plein de fraîcheur, tout en simplicité et en délicatesse.
Delphine grande passionnée des langues nous a avoué qu’elle avait décidé d’apprendre l’Islandais suite à la lecture de ce livre….Nous vérifierons cette résolution de début d’année !!
2/ Daniel : « A 4 voix » – Tagore – Ed Gallimard
Dans « À quatre voix » (Chaturanga, 1916), classique de la littérature bengalie, nous avons là fascinante méditation sur la foi et le cheminement spirituel, mais aussi une histoire d’un amour, ceci déployant tout le souffle du grand écrivain indien, Prix Nobel en 1913.
Ce fut l’occasion pour Daniel ne rappeler l’importance de la famille TAGORE dans la construction de l’Inde moderne. Passionnant.
3/ Geneviève « Je selfie donc je suis » – Elsa Godart– Ed Albin Michel
Dans ses présentations successives au fil des soirée du club littéraire Geneviève interroge nos manières de vivre ( Geneviève est médecin). La dernière fois il s’agissait de l’histoire de la propreté corporelle. Ce soir elle nous a suggéré le lire « L’intime- de la chambre aux réseaux sociaux » Chez Gallimard.
Ce soir elle a présenté un livre sur les Selfies.
Je selfie donc je suis. Au bout de ma perche, au bord d’une falaise, devant la Joconde ou les chutes du Niagara, auprès de mon acteur préféré… Et sur les clichés que je poste aussitôt sur le net, c’est : moi, et moi, et moi…Crise de narcissisme aigu ? Symptôme d’un égoïsme surdimensionné ? Jeu quelque peu névrotique avec son image ? L’autrice, en philosophe et en psychanalyste, y voit l’indice d’une modification radicale de notre perception du temps et de l’espace. Et surtout de notre rapport à la pensée et au langage au profit de la toute-puissance du virtuel et de l’image. Dans une société totalement bouleversée par le numérique, le selfie est le signe d’une crise d’identité.Que va-t-il ressortir de ce « stade du selfie » qui exprime les doutes existentiels d’un sujet en mal-être ? L’autrice nous incite à nous poser la question et, plus particulièrement, celle de notre rapport au virtuel.
Quand Geneviève explique tout cela elle est à fond !! Nous avons donc fini la soirée en faisant un selfie entre tous les participants !!
4/ Barbara : « Le berger de l’avent » – Gunnar Gunnarsson – Ed Zulma
Un magnifique roman qui a enthousiasmé Barbara.
Comme chaque année début décembre ( tout le temps de l’avent !),Benedikt se met en chemin avec ses deux fidèles compagnons, son chien Léo et son bélier Roc, avant que l’hiver ne s’abatte pour de bon sur les terres d’Islande.
Ce qui compte avant tout pour ces trois arpenteurs au cœur simple, ce sont les moutons égarés qu’il faut ramener au bercail pour Noël. Ils avancent, toujours plus loin, de refuge en abri de fortune, dans ce royaume de neige où la terre et le ciel se confondent, avec pour seuls guides quelques rochers et les étoiles. En égaux ils partagent la couche et les vivres. Mais cette année, le blizzard furieux les prend en embuscade.
5/ Miguel : « Grégory »- Pat Pernat Christophe Gaultier avec Jean Marie Villemin. Ed les Arènes.
Miguel avait déjà présenté l’excellent livre de Laurence LACOUR lors de la soirée littéraire consacrée aux livres de droit et de justice en Juin 2023 pendant la quinzaine anniversaire de la Maison de la Justice et du Droit d’Avignon ( « Le Bûcher des innocents » – Laurence Lacour ED Les arènes).
Les éditions Les Arènes publient maintenant un roman graphique intitulé Grégory . Ce qui rend ce projet d’autant plus poignant, c’est la collaboration directe de Jean-Marie Villemin, le père de l’enfant. Il a rédigé la préface et a participé activement à sa réalisation aux côtés de Pat Perna, le scénariste, pendant deux ans.
Ce livre de 130 pages se concentre sur le point de vue de Jean-Marie, notamment lors de son procès en 1985 pour le meurtre de son cousin Bernard Laroche, qu’il a toujours soupçonné d’être l’assassin de son fils. Cet ouvrage ne se limite pas à un simple témoignage ; il cherche à capturer la profondeur de cette tragédie à travers un récit intime et visuellement saisissant. Les dessins mettent en avant l’expressivité des personnages . On y voit défiler tous les protagonistes de l’affaire : les membres de la famille, le juge Lambert, les Gendarmes, les journalistes….
La BD est construite sur une solide documentation et est complétée par les témoignages du père de l’enfant.
Miguel conseille vivement cette BD pour qui veut toujours mieux approcher cette histoire qui a bouleversé la France et qui continue à le faire. Une suite est annoncée….
6/ Jacky : « Un Safary arctique et autres racontars ». Jorn RIEL- Ed Babel
Jacky a présenté de façon jubilatoire ce petit livre qu’il faut vite se procurer.
De même que Francisco Coloane a sillonné la Terre de Feu en se frottant à tous les métiers, le Danois Jorn Riel s’embarque dans les années 50 pour le nord-est du Groënland. De ce long séjour dans ces déserts arctiques naîtront une vingtaine de livres. Les personnages principaux sont toujours les mêmes trappeurs : Valfred, Mad Madsen, William le Noir… Tout à la fois hâbleurs ou mutiques, farceurs ou philosophes, ils meublent la solitude de la nuit polaire en sirotant un épouvantable tord-boyaux et en idéalisant un être cruellement absent de ces rudes contrées : la femme.
Drôles, insolites et pleines de tendresse, ces histoires ont aussi une valeur ethnologique incontestable. Un hymne au Grand Nord, chaleureux à faire fondre la banquise. «
Les coups de cœur de nos libraires :
7/ Marlies : « Qui tu aimes jamais ne perdras » – Nathalie Bauer – Ed Philippe Rey
Marlies nous a appris sa technique pour savoir si elle lirait un livre : elle lit la dernière page ! Et si cela lui plait elle fonce ! c’est ce qu’elle fit pour cet ouvrage…
Le livre présenté ce soir se découpe en 6 épisodes . Chaque chapitre est un journal intime.
Se peut-il que l’amour s’achève avec la mort ? Persuadés qu’il est au contraire infini, les deux amants Chloé et Corvus font le serment, au Ier siècle, de se retrouver dans la succession d’existences que tout individu, veulent-ils croire, est amené à vivre. Mais sauront-ils se reconnaître sous des apparences différentes, tandis que le hasard les réunit du Moyen Âge jusqu’au XXe siècle, dans la bibliothèque d’un couvent dominicain ; au cœur du quartier juif d’Amsterdam ; parmi les forêts des environs de Nijni Novgorod ; sur la lande du Wessex ; ou encore à proximité du front au cours de la Première Guerre mondiale ?
Ce voyage à travers les siècles, qui emporte le lecteur, est aussi un puissant hommage à l’amour tantôt charnel, tantôt spirituel, ou encore fraternel, que connaissent les deux personnages principaux de rencontre en rencontre. Tout en abordant sur le mode romanesque le thème de la transmigration des âmes, Qui tu aimes jamais ne perdras offre, au fil de ces histoires qui n’en forment qu’une, à la fois des variations stylistiques inattendues et un vibrant éloge de la littérature, du rêve et du pouvoir de l’imagination.
8/ José : « Le voleur d’art » Michael Finkel- Ed Marchialy
Un gentleman-cambrioleur agit avec habileté et classe, sans jamais recourir à la violence, guidé par un certain sens de l’honneur. Pendant huit ans, Stéphane Breitwieser, originaire de Mulhouse, a commis avec sa
compagne près de 250 vols dans des musées français, suisses et belges, en plein jour, au nez et à la barbe des gardiens et des visiteurs.
Leurs attributs : un grand manteau et un couteau suisse. Entre 1995 et 2001, la valeur totale de leurs larcins a été estimée à plusieurs millions d’euros. Alors comment les Bonnie et Clyde des musées ont-ils réussi ces vols en série sans se faire prendre pendant si longtemps ? Il leur aura fallu beaucoup de sang-froid, pas mal de créativité et une bonne dose de passion.
« Un magnifique livre » dixit José !
9/ José : « Sommes- nous devenus criminels – vie du Maréchal Paulus »- Lionel DUROY- Ed Mialet Barrault
Servir et obéir. C’est ainsi que les militaires légitiment le droit de tuer impunément. Mais doit-on obéir quand l’ordre reçu est immoral ? Aujourd’hui, les généraux russes sont confrontés à ce dilemme. Doivent-ils continuer d’obéir à Poutine ?
Cette interrogation a conduit Lionel Duroy à s’intéresser au destin du maréchal Friedrich Paulus, commandant de la VIe armée allemande à Stalingrad et, à ce titre, comptable de la mort de milliers d’hommes. Pourquoi a-t-il continué d’obéir à Hitler, pour lequel il n’avait plus aucun respect, avant d’appeler à le renverser ?
10/ José : « Le jardin sur la mer » – Mercé Réodorera- Ed Zulma
Dans ce livre tout en finesse et délicatesse mettant la nature au-devant de toutes choses on entre dans le cerveau du jardinier qui observe. Il raconte le jardin sur la mer, le jeune couple, beau et fortuné, leurs amis toujours plus nombreux, les baignades et les promenades à cheval, une vie d’insouciance et d’oisiveté sous les yeux de l’indomptable cuisinière et de toute une maisonnée. Survient un nouveau voisin, fortune faite en Amérique avec lui surgit la menace d’un passé enfoui.
Un drame décrit dans un luxe de détails et de non-dits….
11/ José : « Tous passaient sans espoir » – Jean Rollin – Ed P.O.L
Le titre du livre est emprunté à un vers d’un célèbre poème d’Alfred de Vigny (Le Cor) évoquant la Chanson de Roland et le passage des armées de Charlemagne par les cols pyrénéens.
C’est ce franchissement des Pyrénées que raconte Jean Rollin pendant la guerre de 39-45. Résistants, juifs, aviateurs, réfractaires au STO passaient les montagnes pour gagner l’Espagne. Jean Rollin les réunit tous pour en faire un récit très captivant.
« Il n’y a pas de honte à préférer le bonheur »
Albert Camus, La Peste, 1947, Ed.Gallimard
Photo : Olivier Gazzano – Loudenvielle, Hautes-Pyrénées / PhotosGz.fr


Compte rendu du club littéraire du 6 décembre 2024
Animation : Miguel Couralet – Compte rendu : Miguel Couralet et les participants
16 participants : des fidèles du club-lecture et des nouveaux venus.
13 livres présentés.
1/ Claude : L’Italien Arturo Pérez Riverte – Gallimard
Pendant les années 1942-43, des plongeurs de combat italiens, au cours de leurs raids, à Gibraltar et dans la baie d’Algésiras, coulèrent ou endommagèrent plusieurs navires alliés. A partir de ce fait historique Arturo Pérez-Reverte (l’un des plus grands écrivains espagnols contemporains, scénariste, ancien correspondant de guerre) raconte cet épisode et décrit une passion amoureuse qui en découle.
Elena, libraire d’Algésiras, jeune veuve, voit son destin chamboulé par le hasard. Lors d’une promenade sur la plage avec son chien Argos, elle découvre un homme blessé, ramené par la mer. En lui sauvant la vie, elle se retrouve impliquée dans des opérations militaires qui se jouent sous ses yeux, car cet homme, Teseo Lombardo, un italien, fait partie d’un groupe de plongeurs qui s’infiltrent par la mer dans le port de Gibraltar, emplacement stratégique pour les Alliés, pour déposer des charges explosives sous les bateaux ennemis. Elena décide de participer aux raids de sabotage. Elle franchira la frontière jusqu’à Gibraltar, où le danger l’attend.
Beau et fort roman d’amour, de mer, de guerre qui évoque par certains côtés les récits d’Homère. Un livre qui nous maintient en haleine. C’est aussi le récit de l’enquête menée par un journaliste d’investigation qui reconstitue, au gré des témoignages recueillis auprès des survivants, cet épisode oublié par les historiens.
2/ Évelyne : « Blizzard » – Marie Vingtgras – Edition de l’Olivier
Blizzard est un roman choral, le premier roman de l’autrice, original et fort réussi.
Tour à tour, chacun des personnages donne son point de vue : Benedict, Cole, Freeman et Bess s’expriment alors qu’un enfant, « le petit » vient de disparaître, il a lâché la main de la personne qui l’accompagnait tandis qu’une violente tempête de blizzard fait rage en Alaska. Chacun des courts chapitres est consacré à l’un de ces personnages qui émet son point de vue, son ressenti, ses secrets, son passé, ainsi, chacun, tour à tour, se dévoile… et cette rédaction fait progresser l’intrigue.
L’écriture simple, le récit bien rythmé conviennent à l’histoire qui raconte toutes ces vies cabossées, cette course effrénée pour tenter de retrouver et de sauver l’enfant égaré dans la tourmente. On est saisi par la température glaciale du décor et par le froid psychologique ressenti, par le suspens : retrouver vivant le petit, égaré dans la tourmente mortelle.
3/ Olivier : « Lire tue » – Philippe Nicolas – Cohen et Cohen
A lire sans modération !
Pourquoi avoir emprunté ce livre intitulé Lire Tue à la bibliothèque municipale ?
Pourquoi avoir ôté le cellophane formant l’ultime protection contre cet objet dangereux ?
Pourquoi avoir poursuivi cette lecture malgré l’avertissement de la première page : « Lisez plus avant vous êtes mort... » ? Cet avertissement sonne comme une menace… Il faut s’enfermer chez soi pour le lire. Un petit livre, un bel exercice de style, addictif, jouissif, astucieux, amusant, mordant, dangereux en un mot (oui, beaucoup de qualificatifs !) qui confronte le lecteur à sa propre manière de lire, à l’importance que l’on donne aux détails. D’autres présents dans la soirée ont lu le livre. Ils ont adoré.
Olivier a aussi évoqué le livre : « La taille de nos seins » – Agnès Jaoui, Editions Grasset
Beau livre, tendre, cocasse, intime, joliment illustré à offrir à une adolescente.
4/ Isabelle : « Jour de Ressac » – Marylis de Kerangal- Gallimard. (Compte rendu rédigé par Isabelle)
Cette lecture a offert à Isabelle une promenade littéraire mémorielle. « Ce roman m’a été offert parce que l’intrigue se situe dans la ville du Havre, ma ville de naissance.
La narratrice est doubleuse de voix au cinéma. Un matin, elle reçoit un coup de téléphone du commissariat du Havre lui annonçant que le corps d’un homme a été retrouvé sur les galets de la plage du Havre, il avait dans la main un ticket de cinéma sur lequel était noté son N° de téléphone.
Au-delà de la surprise, la voilà projetée dans un espace-temps oublié de son ancienne vie.
Au gré de ses souvenirs, c’est l’occasion d’une déambulation dans cette ville portuaire avec sa Porte Océane, l’Église Saint Joseph et la digue qui protège l’avant-port, se rappelant : « le jour où la mer avait été visible depuis la gare, le jour où on l’avait réellement discernée depuis le bout des rails, telle une strate plus sombre à la base du ciel, c’est au matin du 7 septembre 1944, une fois la ville aplatie, laminée, rasée par les Alliés » et reconstruite selon les plans d’Auguste PERRET dans une architecture austère qui se voulait moderne.
Elle va vivre un véritable « jour de ressac ».
Un ressac émotionnel, va et vient continu entre passé et présent auquel s’ajoutera au cours de cette journée un véritable ressac, le retour brutal d’une énorme vague qui se fracasse sur la digue et l’envoie valdinguer. »
Isabelle ne nous a pas tout dit car il faut aller au bout du livre pour découvrir la chute.
5/ Geneviève : « Le Propre et le Sale » – Georges Vignarello – Editions du Seuil
Une étude historico-sociale de la propreté où l’eau et la toilette tiennent un rôle capital, qui explique et analyse les conditions et les croyances de l’hygiène du Moyen Age à aujourd’hui.
Des conseils, quelques fois douteux qui évoquent pour Geneviève, cette période fatidique du Covid où tout et n’importe quoi était dit en matière de conseil et de prévention.
Geneviève nous fait lecture d’un passage savoureux concernant un bain pris par Sully, éminent conseiller du roi Henri IV. La scène se passe en 1610. Le roi apprend que son compagnon d’arme vient de prendre un bain, il serait donc contagieux, il ne faut donc pas courir le risque de sortir pour être plus exposé car la crasse était censée protéger la peau des microbe (il aurait dû d’ailleurs rester cloîtré toute l’année, car c’est celle de son assassinat !)
Pour mettre en exergue ses propos, Geneviève évoque les Romains qui attachaient la plus grande importance à la qualité de l’eau qu’ils buvaient et dans laquelle ils se baignaient régulièrement. Ceci les a amenés à construire aqueducs, thermes, système de canalisation perfectionné, égouts, latrines…
Livre dense, instructif, bien documenté.
6/ Franck : « Leçons » – Ian McEwan – NRF Gallimard (Compte rendu rédigé par Franck)
Un gros « pavé » de 600 pages qui raconte l’histoire de la vie et les désillusions de l’aspirant poète, l’antihéros Roland Baines. C’est un roman ambitieux.
Au début du roman, Roland Baines, apprenti poète, se retrouve seul avec son fils âgé de 6 ans. Sa femme a décidé de consacrer sa vie à l’écriture et pour cela abandonne sa famille.
Miroir inversé de ces histoires où des femmes seules avec enfant doivent lutter dans des conditions économiques difficiles, c’est ici la vie de Rolandet ses désillusions que nous allons retrouver tout au long de ce roman d’une incroyable richesse.
Il y a d’abord ces étranges leçons de piano au pensionnat où Roland devient le jouet sexuel de sa professeure, Miriam Cornell qu’il retrouvera 40 ans plus tard. Il ne manquera pas alors de rappeler à cette femme le trauma que lui a occasionné ces leçons toutes particulières dans sa future vie sentimentale.
Ensuite, alors que sa femme, devenue une auteure allemande de premier plan, réapparaît en filigrane dans le roman et, d’une certaine manière, le clôturera, Roland nous emmène dans tous les travers de sa vie, ses petits boulots pour subsister, pianiste de bar, poète de slogans publicitaires, jusqu’à son mariage avec Daphné, son dernier amour, la mort de celle-ci et ce moment assez fou où, rejoint au bord d’une rivière par l’ex de Daphné, les deux vieillards règlent à coup de poing le privilège de répandre les cendres de celle-ci.
Cette scène tragi-comique comme beaucoup d’autres dans le livre écrivent l’histoire d’une vie faite de petits riens, mais, et c’est là grand talent de Ian Mac Ewan, toujours inscrite dans la Grande Histoire qui agit en toile de fond indispensable de cette véritable fresque de la société britannique de ces soixante dernières années avec ses baby-boomers.
Ian Mac Ewan n’a certainement pas de Leçons de vie à donner à quiconque, mais nous rappelle, avec son incroyable talent, toutes celles que nous pouvons retirer de nos propres existences et comment nous y trouvons notre compte… ou pas.
7/ Catherine : « Des mille et une façons de quitter la Moldavie » – Vladimir Lortchenkov -Pocket.
Livre édité en 2006, traduit en français en 2014. Intéressant de le relire, dans le contexte actuel.
Il est rédigé sous forme de sketchs où l’absurde déjanté et caustique est poussé au paroxysme. Il raconte le rêve des habitants d’un petit village moldave, Larga – la Moldavie un des pays les plus pauvres d’Europe – les habitants n’ont qu’un rêve, un besoin impérieux, vital, celui d’aller vivre en Italie, l’Eldorado où il fait bon vivre et où chacun connaît la prospérité. Tous les moyens, stratagèmes, subterfuges sont bons pour tenter d’accéder à ce paradis, et l’imagination de certains est flamboyante ! Toutes ces tentatives avortent, mais la détermination de chacun reste vive.
Pourtant l’Italie, par l’écrivain, est tour à tour diabolisée, mystifiée, stigmatisée.
8/ Daniel : « Rue de la Sardine » –John Steinbeck- Folio
Steinbeck est né en Californie, pas très loin du quartier de Monterey, pauvre, sale, puant, malfamé où se déroule cette histoire, une fresque sociale rocambolesque qui dépeint et explore avec ironie la vie quotidienne ordinaire de la société américaine au cours des années de la grande Dépression.
Le quotidien de ce quartier est rythmé par l’industrie de la pêche à la sardine et sa conserverie. Une communauté y vit malgré les conditions de vie difficiles dans la bonne entente.
Les descriptions sont luxuriantes, réalistes, les situations absurdes, souvent, terribles, mais toujours teintées d’humour noir et d’humanisme, sans misérabilisme.
Il faut relire Steinbeck, il est toujours d’actualité !
C’est un des romans emblématiques de cet auteur. Le picaresque espagnol est à l’honneur.
C’est lors d’une exécution capitale que Ramiro, le héros, un bâtard, se raconte. Brillant, insolent, philosophe, « potentiellement amoureux de toutes les femmes » et doué pour tous les métiers, il a vécu, de couvent en prison, de maison close en cirque ambulant, une série d’aventures et de rencontres qui rappellent de près le propre parcours de Sender.
10/ Michèle : « Oradour sur-Glane » – Nicolas Bernard – Tallandier/Ministère des Armées.
Michèle a été marquée par un événement récent ; Elle raconte : « Lors d’une conférence j’ai été confrontée à un auditeur et j’ai été sidérée par ses divers propos interpellatifs et négationnistes parmi lesquels, je cite : « Oradour -sur-Glane, n’est pas le terrifiant massacre qu’on raconte et la Division SS Das Reich n’y était pour rien ». Aussi dès que j’ai vu dans notre chère librairie le récent ouvrage de Nicolas Bernard Oradour sur-Glane 10 juin 1944, Histoire d’un massacre dans l’Europe nazie, je l’ai acheté, pour mieux analyser les nombreux détails de ce drame, confortés par de nouveaux documents mis à disposition par les archives de l’Armée ».
Ce début juin, quatre jours après le débarquement des Alliés en Normandie, cette petite bourgade située près de Limoges va être livrée au pillage, entièrement brûlée et rayée de la carte – 643 victimes sont dénombrées dont 222 femmes, 147 écoliers âgés de 6 à 14 ans, 68 enfants de moins de 6 ans.
Ce même jour, en Grèce à Distomo, la 4ème division SS subit le même sort : 218 victimes dont 53 enfants de moins de 16 ans. (La date du 10 juin semble être fatidique dans l’éradication de villages)
Depuis les ruines du village martyr constituent l’un des symboles les plus poignants de la barbarie nazie. Qui est à l’origine de cette horreur, pour quels motifs, pourquoi les principaux responsables ont-ils échappé à la Justice après la fin du conflit ? Et surtout pourquoi ce carnage a-t-il d’avantage frappé les esprits que bien d’autres atrocités ?
Ce livre répond complètement à ces questions et met en exergue l’histoire même du Troisième Reich, de ses stratégies de domination et clarifie les causes de ces drames.
Ici, tout est affaire d’apologie et de représentations : les nazis ont voulu faire d’Oradour un symbole de leur tout puissance meurtrière.
Pour les négationnistes, éradiquer le souvenir d’Oradour revient à éliminer un symbole de la barbarie hitlérienne. S’y mêle aussi une accusation xénophobe, à savoir que les maquis étaient aussi constitués d’Espagnols républicains qui, selon eux, pillèrent, violèrent et massacrèrent dans la région de Limoges. L’allusion s’inspire de la propagande vichyste, ciblant ces réfugiés ayant fui la guerre civile d’Espagne. Pourtant dans ce village 19 femmes et enfants espagnols seront assassinés le 10 juin 44.
Denise Bardet institutrice qui périra dans l’église d’Oradour écrivait dans ses carnets : « le signe de l’amitié c’est de dire la vérité et de l’entendre. »
Le choix de nos libraires :
11/ Marlies :Deux livres qui pourront faire d’excellents petits cadeaux pour Noël.
« Journal d’Edward, Hamster nihiliste (1990-1990) » – Myriam et Elia Ezra – Flammarion.
C’est le journal intime d’un hamster philosophe incompris, à la brève existence qui s’interroge sur le sens de la vie. C’est hilarant, mais les réflexions d’Edward sont aussi un état d’esprit.
« L’Étoile de Mo Aventures forestières » – Yeonju Choi -Hélium – Actes Sud
Un roman pour les jeunes enfants, (que les adultes aimant particulièrement les chats pourront aussi apprécier) joliment illustré, délicatement présenté, qui raconte l’histoire du chat Mo qui part à la recherche d’une étoile, il trouvera au bout de son périple un ami particulier.
12/ José : « L’alphabet du silence » – Delphine Minoui- Collection Proche
La Mémoire du Monde accueillera cette écrivaine-journaliste le 12 décembre.
Ce livre est sélectionné pour le Prix littéraire des lycéens et apprentis de la Région Paca.
C’est l’histoire, inspirée de faits réels, d’un couple de jeunes intellectuels aux prises avec le pouvoir en Turquie suite à la simple signature d’une pétition qui mènera le mari et père en prison.
De la même autrice José rappelle aussi l’admirable livre « Badjens » qui évoque la réalité du quotidien des femmes iraniennes, fliquées jusqu’à en mourir, leur besoin de rébellion, leur cri de liberté.
13/ Miguel : « Grégory » – Pat Pernat Christophe Gaultier avec Jean Marie Villemin. Editions les Arènes.
Une Bd sur l’affaire Grégory qui sera présentée, faute de temps lors de la prochaine séance.
Venez nous rejoindre dans les soirées du club littéraire, c’est ouvert à tous, parlez-en autour de vous.