En ce premier jour de décembre, à l’extérieur, un froid hivernal, dans la librairie, une amicale et chaleureuse ambiance avec onze fidèles participants : Béatrice, Christian, Claude, Isabelle, José, Jules, Laurence, Marlies, Michèle, Miguel et Olivier, dix livres ont été présentés.

Livres présentés

Animation : Miguel Couralet / Compte rendu : Miguel Couralet / Michèle Stubbe-Robinet

1/ Christian : « La dernière partie de cartes », Mario Rigoni Stern.

L’ultime livre de l’auteur décédé en 2008, une des meilleures ventes en Italie lors de sa parution en 2002.

Mario Rignoni Stern s’enrôle en 1938 à 17 ans, par amour de la montagne, dans les chasseurs alpins et durant la Seconde Guerre mondiale participe aux côtés des Allemands aux campagnes meurtrières en Grèce, Albanie et en Russie face à l’Armée rouge. Il se remémore sa vie de soldat, décrit le vécu d’un quotidien difficile, prend peu à peu conscience des atrocités de la guerre, de son engagement et de sa responsabilité de soldat dans une armée fasciste. Il se dessille, ses illusions s’envolent peu à peu. Il n’était rien qu’un homme qui, parmi des millions d’autres hommes, combattait très loin de chez lui dans la guerre la plus horrible que les étoiles aient vue depuis qu’elles existent. Il raconte, se raconte, avec des mots justes et sobres. Petit recueil de souvenirs poignants et sans complaisance, d’une forte portée, qui fait écho à notre sombre actualité.

2/ Olivier : « Traité d’athéologie », Michel Onfray.

Olivier qui avait annoncé lors de la dernière séance qu’il était en train de lire le livre de Michel

Onfray « Traité d’athéologie » a souhaité nous le présenter rapidement. Cet essai philosophique de 315 pages, publié en 2005 est constitué de quatre parties : (1) Athéologie (2) Monothéismes (3) Christianisme (4) Théocratie. Le très médiatique Michel Onfray, avec sa verve particulière, féroce et provocante dresse, en les déconstruisant, le portrait des religions depuis leur genèse jusqu’à nos jours. Elles sont, selon lui, génératrices d’illusions.

Olivier nous a expliqué que comme tous les livres d’Onfray l’ouvrage est bien documenté, accessible, les exemples sont nombreux. Pour Olivier c’est une « bonne » analyse qui invite et stimule chacun à la réflexion, quelques soient ses convictions.

3/ Béatrice : « L’ami arménien », Andreï Makine.

C’est l’histoire nostalgique, puissante et tragique d’une amitié adolescente entre un jeune russe orphelin (Makine, de toute évidence) et Vardan si fragile et si mature porteur de la maladie arménienne. Le narrateur est accueilli chaleureusement au sein de cette petite communauté arménienne du « bout du diable » aux confins de la Sibérie, venue du Caucase pour être plus proche et soutenir les membres de leurs familles arrêtés et incarcérés pour subversion séparatiste et antisoviétique. Il y rencontrera de merveilleuses personnes. Un livre qui ne peut laisser indifférent.

Au départ Béatrice a rencontré quelques difficultés pour s’adapter au style académique de Makine. Mais cette autofiction publiée en 2021 reste pour elle un coup de cœur par ses passages poétiques, l’émotion qui s’en dégage et cette leçon de vie magique. D’autres participants de la soirée littéraire qui avaient lu le livre ont dit leur admiration pour l’œuvre.

4/ Jules :« La Comédie d’automne », Jean Rouaud. Rentrée littéraire 2023.

Dans ce livre, une chronique douce- amer, Rouaud revient en détail avec un humour atypique et une ironie piquante sur la publication de son premier roman qui contre toute attente de son éditeur rafle en 1990 le Prix Goncourt Les Champs d’honneur. Ceci alors qu’il n’était qu’un modeste kiosquier, issu d’un milieu populaire, n’ayant rien de l’aura d’une plume germano-pratine. Pour Jean Roubaud c’est un prix prestigieux qui ne récompense pas toujours les talents scripturaux de l’auteur, mais qui est surtout une bataille économique, une compétition de pouvoir, de rivalité entre éditeurs les plus puissants. La Comédie d’automne est untémoignage intéressant, émouvant, drôle, qui relate le parcours de Rouaud qui en dit plus sur les coulisses du monde de l’Édition, qui dénonce notre société de consommation. Une belle référence pour ceux qui aiment la « vraie » littérature.

5/ Isabelle : « Le 4ème mur », Sorj Chalandon

Ce roman auto fictionnel retrace des évènements que S.Chalandon n’a pas pu écrire en tant que reporter quand il couvrait la guerre du Liban et qu’il traduit longtemps après sous forme de roman. C’est une histoire qui raconte l’amitié entre Georges, (Sorj)metteur en scène et Samuel, un grec pacifiste, atteint d’un cancer. Ce qui va les lie c’est l’amour du théâtre. Ils doivent adapter pour une seule représentation Antigone de Jean Anouilh. Une trêve fragile, chimérique lors d’une journée à Beyrouth meurtrie en pleine guerre du Liban, en 1982, avec des comédiens issus de chaque camp belligérant impliqué dans le conflit.

C’est un livre qui révèle un peu plus la complexité du conflit israélo-palestinien, de toutes les guerres d’ailleurs. C’est une ode à la fraternité, à l’espoir, au désespoir aussi et à l’amour.

Le titre ? Le « quatrième mur » est un terme qui désigne, au théâtre, le « mur » invisible que construit inconsciemment l’acteur qui joue entre la scène et le public, et qui le protège. L’’acteur brise ainsi le quatrième mur et l’illusion théâtrale lorsqu’il s’adresse au public.

6/ Claude : « Ouragans tropicaux », Leonardo Padura.

 L.Padura est un journaliste, scénariste et écrivain devenu citoyen espagnol, vivant à Cuba, lieu de vie qui lui est indispensable pour pouvoir écrire.

L’histoire se passe en 2016. La Havane reçoit le président Barack Obama, les Rolling Stones et accessoirement… un défilé Chanel. C’est beaucoup d’un coup pourla capitale surexcitée qui va être prise d’assaut par les touristes.Mario Conde, personnage récurrent d’autres romans de Padura (dix enquêtes !) est un flic à la retraite, sceptique et ironique. Il pense que, comme tous les ouragans tropicaux qui traversent périodiquement l’île, ce déferlement va s’en aller sans que rien n’ait changé, juste quelques « poussières dans le vent ». Pourtant, la police débordée par ces évènements va faire appel à ses compétences pour qu’il participe à la résolution d’un meurtre, celui d’un haut fonctionnaire œuvrant dans le monde de la culture, un des « salopards » des plus corrompus du pays. Parallèlement Condé a entrepris d’écrire sur les évènements survenus en l’an 1910, année de la comète Halley et sur Alberto Yarini, un fils de bonne famille tenancier de bordel prêt à devenir président de la toute nouvelle République de Cuba. Les liens, les similitudes entre passé et présent se croisent, s’entrecroisent, et comme sur un miroir se réfléchissent. Tout renvoie à l’histoire complexe de Cuba. C’est un vrai roman policier, complexe, plein d’humour et de mélancolie.

7/ Marlies : « Ce que je sais de toi », Eric Chacour.

 Le Caire, années 1980. Tarek, jeune médecin, vient de reprendre le cabinet médical de son père, médecin. Il a un destin tout tracé.

 Il partage son existence entre un métier prenant et passionnant et le quotidien familial où se côtoient une discrète femme aimante, une matriarche autoritaire follement éprise de la France, une sœur confidente et la domestique, gardienne des secrets familiaux. L’ouverture par Tarek d’un dispensaire dans le quartier défavorisé du Moqattam lui offre une bouffée d’oxygène et une reconnexion nécessaire au sens de son travail. Jusqu’au jour où une surprenante amitié naît entre lui et un habitant du lieu, Ali, qu’il va prendre sous son aile. Un vent de liberté ne tarde pas à ébranler les certitudes de Tarek et bouleverse sa vie.

La critique littéraire est dithyrambique, : écriture subtile, sensible, pudique, éblouissante…, les ventes confirment et confirmeront largement ces appréciations. Le bandeau du livre indique que c’est « Un premier roman impressionnant de maîtrise et d’émotion ». Pour Augustin Trapenard (La Grande Librairie) c’est une révélation. Ce que confirme Marlies.

8/ Michèle : « Cyrano de Bergerac », Edmond Rostand

Michèle très en forme nous exprime un billet d’humeur très drôle et très animé autour de sa relecture de Cyrano de Bergerac. Nous citons intégralement :

« On peut avoir des pulsions alimentaires irréfragables, liées souvent à une carence spécifique, qu’elles soient déficiences en vitamines, en nutriment minéral, ou autres. Il m’est arrivé récemment après être restée plusieurs jours sans rien pouvoir avaler, d’avoir eu la même sensation avec le besoin de lire plus substantiellement. Une grande envie de me nourrir de belle littérature classique, de vocabulaire riche, de figures de style élégantes et fleuries, de tournures appétissantes… (Candide, Noces ou Cyrano?)

Ce fut Cyrano aux auxèses abondantes, aux métaphores subtiles, aux néologismes joyeux. Je me suis une fois de plus intéressée d’un peu plus près au tableau social de cette France du XVII ème, à la Guerre de Trente ans, au siège d’Arras (acte 4), et surtout au personnage éponyme qui a inspiré ce héros de théâtre, Savinien de Bergerac. Celui-ci n’avait rien de Gascon, poète, polémiste, philosophe, homme d’armes. Je me suis intéressée aussi au Trio amoureux formé par Roxanne, Christian et Cyrano en notant, ce que je n’avais jamais perçu avant, un possible duo amoureux entre Christian et Cyrano.

J’ai pensé après coup, mon estomac rétif revenant enfin à la raison, que cette lecture fut aussi inspirée par une fringale trouvant sa source au souvenir des succulents mets cuisinés avec tant de poésie par Ragueneau : roinsoles, tartelettes amandines, darioles, et bien autres gourmandises salées ou sucrées alléchantes, tout autant que les rafraîchissements appétants proposés au premier acte à l ’Hôtel de Bourgogne : eau de framboise, aigre de cèdre, citronnée… »

9/ Miguel : « J’accuse l’URSSAF… ! », Philippe Pascal

Dans ce livre, l’auteur, qui fut inspecteur à l’URSSAF de Vaucluse, secrétaire du CODAF ( comité opérationnel anti-fraude départemental) raconte ces sept longues années de procédures, de doutes, de menaces, d’humiliation, d’agressions, physiques et verbales, de combat épuisant, de résistance contre sa hiérarchie alors qu’il ne faisait que son métier celui d’instruire une affaire de travail « au noir » au cœur de laquelle était impliqué un notable vauclusien qui s’était vu notifier un redressement important lié à du travail dissimulé. Il raconte en détail la genèse de cette histoire, les trahisons vécues mais aussi les appuis amicaux qui l’aidèrent à tenir bon malgré cette terrible épreuve, celle « du pot de terre contre le pot de fer » Pourtant en citant Albert Camus « Et vivre, ce n’est pas se résigner, Noces » Philippe Pascal confirme que malgré cette terrible épreuve, il a pu et su faire son « métier d’homme » (toujours Camus qu’il affectionne), avec conviction, en gardant, quoiqu’il en coûte la tête haute. Un témoignage édifiant et émouvant.

10/ José : « Love, Histoire d’un sentiment », Barbara H. Rosenwein

« L’histoire de l’amour, comme l’amour lui-même, ne cesse d’obéir à un processus de mutation, de fabrication et de réélaboration de nouveaux fantasmes. B. H. R. »

Barbara Rosenwein, historienne médiéviste américaine, explore et retrace l’histoire passionnante des différentes représentations que les hommes et les femmes ont pu se faire des relations amoureuses au cours de l’histoire de l’Occident. Cinq chapitres qui traitent du même sujet, sous des angles très différents.

 L’ambition de l’autrice est de « comprendre comment nous pensons l’amour aujourd’hui et comment il était pensé dans le passé », en restituant non pas tant ce que les amoureux ont pu dire de leur propre état, que « les fictions qui servent si souvent d’échafaudage aux fantasmes amoureux que nous élaborons et auxquels nous nous accrochons ».

Dans le premier chapitre, Barbara Rosenwein explore la fantaisie de l’amour comme accord parfait de cœur et d’esprit, l’amour comme « recherche de l’âme sœur ». Le deuxième chapitre est consacré à la transcendance amoureuse. Le troisième chapitre aborde l’amour comme obligation et non plus comme liberté. Les quatrième et le cinquième chapitres traitent des formes obsessionnelles et instables de l’amour. 

José a exposé tout cela avec passion donnant envie de lire ce beau livre de 300 pages, abondamment illustré… peut être à retrouver, prochainement au pied du sapin !

Faites connaître autour de vous ces soirées de la librairie

La Mémoire du Monde.

C’est ouvert à tous !

Lectures Partagées – Décembre 2023

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *