Animation & Compte-rendu : Michèle Stubbe-Robinet et Miguel Couralet

Choix éclectique de livres pour cette soirée : des nouveautés de la Rentrée littéraire, des premiers romans prometteurs, des auteurs reconnus, des ouvrages quelques peu oubliés remis en lumière.

Micaela : Olivier Guez – Mésopotamie (Grasset)

Micaela a insisté sur la place centrale de l’héroïne, figure courageuse, tenace et pleine de
qualités, qui traverse le récit comme un fil conducteur. Par ses observations et sa curiosité,
elle apporte des informations précieuses sur le territoire parcouru, pendant la Première guerre mondiale permettant même l’élaboration de cartes géographiques. Sa voix incarne la mémoire vivante d’un espace déchiré, mais encore riche d’humanité et de savoir.

À travers elle, Olivier Guez fait revivre une région bouleversée par les guerres, mais aussi
fondatrice de notre civilisation. Entre fresque politique et méditation poétique, il relie les
ruines du présent à la grandeur des mythes antiques. L’héroïne devie nt ainsi la passerelle entre passé et présent, entre la fragilité des peuples et la permanence de la culture. Une lecture pas toujours aisée mais dense qui permet de s’attacher à l’héroïne

Barbara : Bérengère Cournut – “De pierre et d’os” (Le Tripode)

Barbara, passionnée par cette lecture, a raconté comment le livre l’avait transportée dans le
quotidien des Inuits, au point de l’accompagner d’une musique de blizzard pour mieux en
ressentir l’ambiance. Le roman suit Uqsuralik, une jeune femme inuite qui, séparée de sa
famille après la rupture de la banquise, doit apprendre à survivre seule et à s’ouvrir à un
monde spirituel.

Ce récit d’initiation, un ethno roman, nourri de mythes et de traditions, déploie une vision
singulière d’un peuple en lien intime avec la nature. La prose poétique de Cournut restitue la beauté glacée des paysages et l’univers des esprits. On y découvre une culture qui, à travers chants, récits et rituels, donne une autre manière d’habiter le monde et de le raconter. Douze heures passées dans le Blizzard pour Barbara de la banquise mais réchauffée par cette histoire extraordinaire.

Catherine : Gregory Le Floch – “Peau d’ourse” (Seuil, Roman)

Catherine, avec enthousiasme, a présenté ce roman qu’elle verrait volontiers adapté au cinéma
tant ses descriptions sont puissantes et visuelles, avec beaucoup d’effets spéciaux. L’histoire
interroge la frontière entre normalité et anormalité, en suivant des personnages marqués par la
différence et leur rapport singulier à la nature.

Le texte, traversé par une écriture sensible, oscille entre réalisme et poésie. La nature y est
décrite comme un miroir des émotions humaines, parfois refuge, parfois menace. À travers ce
récit, Gregory Le Floch invite à s’interroger sur ce que nous appelons « normalité », et sur la
capacité de la littérature à faire surgir d’autres façons d’être au monde.

Olivier
1/ Carl Honoré – “Éloge de la lenteur” (Marabout)

Olivier a présenté ce livre avec pour éviter la répétition une ardeur communicative,
soulignant combien il l’avait marqué. L’essai propose une véritable révolution intérieure :
ralentir nos vies frénétiques, redonner du temps à la lecture, aux repas, à la marche, à l’amour.
Honoré défend une philosophie du temps retrouvé, loin des injonctions productivistes, qui
redonne une place à la qualité plutôt qu’à la vitesse.

Par des exemples concrets (éducation, travail, alimentation, loisirs), l’auteur montre que
ralentir ne signifie pas s’arrêter, mais vivre mieux. Le livre, accessible et documenté, ouvre
des pistes pratiques pour repenser notre quotidien. Olivier y a vu un appel urgent à réformer
nos rythmes de vie et à retrouver une existence plus humaine.

2/ Bruno Camby – “Éloge de la sieste” (Écologie urbaine)

Toujours Olivier qui s’est fait le défenseur de la sieste, présentée comme un art de vivre
bénéfique. Bruno Camby démontre que quelques minutes de sommeil dans la journée
permettent de gagner en énergie, en concentration et en équilibre de vie. Loin d’être une
paresse, la sieste est une manière d’écouter son corps et de le respecter.

Le livre propose un parcours ludique et informatif sur l’histoire de la sieste, ses pratiques
culturelles et ses bienfaits scientifiquement prouvés. Olivier a rappelé, avec humour et
conviction, qu’adopter ce petit rituel pouvait améliorer la qualité de nos journées et nous
rendre plus sereins.

Jacky : Jean Hatzfeld – “Une saison de machettes” (Points)

Jacky a frappé l’auditoire en lisant des passages terrifiants de ce récit. Le livre donne la parole
à d’anciens tueurs du génocide rwandais, de simples paysans devenus, en l’espace de
quelques semaines, des assassins de masse. Hatzfeld recueille leurs témoignages bruts, sans
filtre, plongeant le lecteur dans l’énigme du mal collectif. (Un parallèle aussi avec l’horreur
des crimes nazis).

Ce texte bouleversant interroge les ressorts de la violence et de l’obéissance. Comment
bascule-t-on de la vie ordinaire au massacre organisé ? Par sa sobriété, le livre laisse résonner
les voix des bourreaux et met le lecteur face à l’incompréhensible. Jacky a souligné combien
cette lecture, difficile, reste indispensable pour comprendre notre temps.

Michèle :
1/ Sylvie Le Bihan – “L’ami Louis” (Denoël)

Michèle, passionnée par la figure d’Albert Camus, a présenté ce roman biographique qui
revient sur Louis Guilloux, ami intime de l’écrivain. Le récit retrace leur rencontre, leur
amitié et leurs échanges, éclairant d’un jour nouveau la personnalité des de ux écrivains, leurs
œuvres  et leurs rapports aux autres.

Au-delà du portrait d’un homme, le livre met en lumière une époque et les liens entre
littérature et histoire. Sylvie Le Bihan ressuscite un monde disparu, celui des intellectuels, des
amitiés fidèles et des dialogues profonds. Pour Michèle, ce fut une red écouverte émouvante
de Camus à travers le regard d’un proche c’est aussi un hommage à l’émission Apostrophe
qui fut présentée par Bernard Pivot.

2/ Carnet vénitien – “Liliana Magrini” (Le Promeneur, Gallimard)

 Ce petit ouvrage, écrit en français par une amie intime de Guilloux, se présente comme une
promenade dans Venise, à la fois carnet intime et guide poétique. L’autrice y dépeint la ville
qu’elle cerne d’un crayon précis. Il faut le lire si on a de l’affection pour la cité des Doges. A
travers ses ruelles, ses canaux, ses palais et ses ombres. Les fragments composent une
mosaïque sensible et nostalgique, qui fait de Venise un lieu intemporel.

À travers anecdotes, descriptions et impressions, ce carnet évoque l’art, l’histoire et la magie
de la cité des Doges. On y ressent la lenteur des pas, la lumière changeante et le charme du
quotidien. Une invitation à redécouvrir Venise autrement, entre poésie et contemplation.

Delphine :

1/ Ouvrage c ollectif – “Le retour du roi Jibril” (L’Iconoclaste)

Delphine a apprécié ce recueil choral, qui mêle récits et dialogues dans les cités
contemporaines. Neuf auteurs racontent la vie foisonnante des quartiers populaires, avec
leurs rêves, leurs codes, leurs tensions et leur créativité. Chaque texte éclaire une facette de
cette réalité multiple avec poésie et imagination.

L’ensemble compose une polyphonie vibrante, parfois drôle, parfois grave, mais toujours
authentique. La littérature devient ici un miroir de la société urbaine, loin des clichés. Pour
Delphine, ce livre montre la richesse humaine et culturelle d’espaces souvent stigmatisés.

2/ Bernard Lahire – “Savoirs en péril ” (Seuil)

Professeure elle -même, Delphine a été sensible à ce plaidoyer en faveur du savoir comme
source de joie. Bernard Lahire s’inquiète de l’affaiblissement de l’école et de la perte de goût
pour la transmission. Il rappelle que les savoirs ne sont pas des poids , mais des ressources
pour comprendre et se libérer notamment de l’évaluation qui devient souvent perverse , faisant
perdre la joie d’apprendre.

À travers une analyse sociologique fine, il insiste sur l’importance de défendre une école
exigeante, ouverte et vivante. Le livre réaffirme que la culture et la connaissance sont des
biens communs à protéger. Delphine a trouvé ce texte salutaire et motiva nt, en résonance avec
son métier.

Armony : Alexandre Lacroix – “Premières volontés” (Pocket)

Armony a impressionné par une première présentation magistrale en sept minutes, captivant
l’auditoire. Ce roman met en scène un personnage aux prises avec ses choix de vie, ses
héritages et ses contradictions. À travers son parcours, l’auteur explore la l iberté, la
responsabilité et le sens de l’existence.

L’écriture d’Alexandre Lacroix, à la fois philosophique et sensible, invite le lecteur à se
confronter à ses propres volontés. Entre réflexion et émotion, le récit interroge ce qui fonde
une vie digne et assumée. Armony a su rendre compte avec brio de cett e profondeur.

Une autre Michèle :

1/ Léonor de Récondo – “Marcher dans tes pas” (L’Iconoclaste)

Michèle (2) a été marquée par ce roman qui croise histoire intime et mémoire collective. Le
livre raconte l’exil, la guerre et la quête d’identité d’une femme espagnole qui cherche à
retrouver ses racines et à comprendre son passé.

La prose délicate de Léonor de Récondo donne chair à une mémoire douloureuse, tout en
célébrant la force de la transmission. C’est un récit de filiation et de survie, où se mêlent
douleur et espoir. Pour Michèle, ce texte résonne comme un témoignage univer sel sur la
mémoire des peuples déplacés.

2/ Agnès Desarthe – “L’oreille absolue” (L’Olivier)

Ce roman explore le monde de la musique à travers une héroïne dotée d’une oreille absolue.
Sa perception singulière des sons structure son rapport au monde, à la création et aux autres.
Agnès Desarthe déploie un style sensible qui fait entendre au lecteur l’univers musical.
Le livre devient aussi une réflexion sur l’art et sur la difficulté de vivre avec une différence.
Entre virtuosité et fragilité, le personnage principal illustre la tension entre don exceptionnel
et solitude intérieure.

Miguel : Alain -Fournier – “Le Grand Meaulnes” (Livre de poche)

Miguel a relu ce roman mythique, qui l’avait tant marqué adolescent. L’histoire suit Augustin
Meaulnes et son ami François Seurel, fils du directeur d’école, narrateur du récit. Leur vie
bascule lorsque Meaulnes découvre par hasard un mystérieux domaine et rencontre Yvonne de
Galais, incarnation d’un amour absolu. Ce roman raconte l’élan de la jeunesse, la force des
promesses et la quête d’un idéal insaisissable.

Mais Le Grand Meaulnes n’est pas seulement une aventure sentimentale : c’est aussi un
tableau de la France d’avant 1913, avec ses villages, son école, ses traditions et son mode de  
vie. Le style poétique et mélancolique d’Alain Fournier capte l’essence d’une époque et d’une
adolescence, entre enchantement et désillusion. Pour Miguel, ce livre reste un repère, à la fois
différent aujourd’hui mais toujours fondateur.

Marlies

1/ Luis Sepúlveda – “Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur” (Suites)

Marlies a raconté avec humour cette fable animalière. Le livre suit une famille d’escargots qui
cherche à comprendre pourquoi ils sont lents. À travers leur quête, Sepúlveda livre une
réflexion poétique sur le temps, la patience et la différence.
C’est une parabole accessible à tous, qui invite à valoriser la lenteur comme une richesse.
Marlies a su transmettre la tendresse et l’amusement que ce petit conte a suscités au sein du
groupe.

2/ Laurent Vidal – “Les hommes lents” (Champs Flammarion)

Cet essai propose une réflexion originale sur la lenteur comme dimension de l’histoire
humaine. Laurent Vidal montre que les « hommes lents » ont toujours existé : pèlerins,
colporteurs, marins… et qu’ils portent une autre manière d’habiter le temps.
En croisant anthropologie, histoire et sociologie, l’auteur plaide pour une réhabilitation de la
lenteur comme valeur sociale et politique. Le livre rejoint ainsi, par un autre chemin, les
réflexions contemporaines sur nos rythmes de vie.

Le choix de notre libraire José

 1/ Maïa Thiriet – “Sans Eden” (Emmanuelle Collas)

José a présenté ce roman comme un thriller haletant. Le récit plonge le lecteur dans une
intrigue sombre, où se croisent violence, secrets et manipulations. L’écriture nerveuse
maintient une tension continue, portée par des personnages ambigus.
Au-delà de l’intrigue policière, le livre explore la fragilité humaine et la difficulté de se
défaire des traumas. José a souligné l’efficacité du récit et son intensité dramatique.


2/ Anouar Benmalek – “Irina, un opéra russe” (Emmanuelle Collas)

Ce roman captivant joue avec les boucles du temps et les destins croisés. Anouar Benmalek
mêle histoire et fiction, drame intime et fresque collective. Le récit, ample et foisonnant, fait
voyager le lecteur dans une Russie tourmentée.
À travers le personnage d’Irina, l’auteur interroge la mémoire, l’amour et la fatalité. La
structure narrative, proche de l’opéra, alterne intensité dramatique et moments lyriques. Un
texte ambitieux et envoûtant.

Soirée Lectures Partagées du 3 octobre 2025