Compte rendu du club littéraire du 7 mars 2025

1/Le Club de lecture a lieu tous les premiers vendredis de chaque mois de 18h30 à 20h.
Chacun vient et peut présenter un livre qu’il a lu. S’ensuit un échange. Un petit apéritif clôture la séance. La séance est animée de façon que chacun puisse avoir le temps de présenter son livre.

2/ Soirée « Un livre – Un auteur » qui a lieu tous les 3 mois environ, de 18h30 à 20h00. Un moment de partage et d’échanges pour aller à la rencontre d’un auteur et d’une de œuvres lue préalablement par tous les participants.

Comment participer à ces activités ? C’est ouvert à toutes et tous sans inscription préalable.

  • Club de lecture : Vendredi 4 janvier 2025 à 18h30
  • Un livre – un auteur : Vendredi 11 avril 2025 à18h30, nous avons choisi Camille l’Abandonnée d’André Castelli, Nü Maison d’édition. (Disponible à la Libraire la Mémoire du Monde).
  • Un livre artistiquement mis en page, illustré avec talent qui rend un hommage pathétique à Camille, talentueuse sculptrice qui mourut, abandonnée, à l’hôpital de Montfavet.
  • Une visite à Montdevergues sur les pas de Camille Claudel (CHS de Montfavet) guidée par l’auteur sera organisée dans un second temps.

Animation : Marlies / Compte-rendu : Michèle Stubbe-Robinet et Miguel Couralet

 Nous étions 12 présents à présenter, chacun, un ou plusieurs livres, dans le timing habituel.

1) Daniel nous a présenté trois œuvres de Pierre Boulle (1912-1994).

 « William Conrad », Pocket.

C’est le premier roman de l’écrivain. William Conrad est un jeune homme brillant, originaire de Pologne, qui tente de son mieux de faire évoluer son pays. Il est, en fait, « un espion dormant » à la solde des Allemands, une taupe, dont la mission est de s’infiltrer dans la haute société anglaise avant la Deuxième Guerre mondiale pour percer les méthodes d’encodage ennemies.

 Pour ses premiers pas dans la littérature, Pierre Boulle a écrit un récit d’espionnage psychologique captivant.
On retrouve ici de nombreux thèmes chers à l’auteur : la Seconde Guerre mondiale, le conflit britannique en Malaisie contre les Japonais, des personnages héroïques, originaux…
Pierre Boulle nous raconte ce récit dans un style plein d’humour, une lecture passionnante à découvrir.

Puis deux récits à connotation autobiographique :

  • « Le sacrilège malais », Pocket

C’est l’expérience professionnelle personnelle de Boulle, qu’on retrouve sous les traits d’un jeune ingénieur, Maille, très vite confronté aux méthodes de la société franco-britannique, la S.O.P.H.IA (filiale du groupe Bolloré) qui l’a embauché dans une immense plantation d’hévéas de la Malaisie : rationalisation des procédés de production, d’administration et taylorisation à outrance sont son quotidien. Il finira par démissionner.
C’est une peinture hardie et dure, réaliste, cernée par l’humour et l’ironie de l’écrivain.

C’est aussi une évocation inoubliable de la Malaisie, du monde des planteurs et des coolies.

– « Aux sources de la Rivière » Pocket

 Pierre Boulle retrace ici ses péripéties en Extrême Orient durant la Seconde Guerre mondiale. Ce récit est écrit avec talent, dans un style efficace propulsant le lecteur au cœur des tribulations de l’auteur ( navigation périlleuse, incarcération, évasion…)

Suggestion de choisir, prochainement, un roman de cet auteur natif d’Avignon pour nos soirées « un auteur, un titre ».C’est un bon écrivain, d’une lecture aisée. On vous dira prochainement…

2) Barbara : « Contes pour jeunes-filles intrépides », Praline Gay-Para, Babel

Cette conteuse, auteure, comédienne et traductrice est née au Liban en 1956.

Ce recueil rassemble 24 contes et légendes des quatre coins du monde (Arménie, Arabie Saoudite, Chili, Corée, Écosse, Maroc, Mexique, Palestine, Portugal, Sibérie, Sicile, Soudan, Syrie, Turquie, Yemen…). Mais contrairement aux récits populaires de notre enfance, les héros sont des héroïnes jeunes ou plus âgées, princesses, paysannes, enfants, jeunes filles, épouses, grands-mères qui brillent par leur détermination pour prendre leur destin en main. Leur ingéniosité, leur indépendance, leur courage, leur audace, leur ruse sont mises en exergue.

Deux contes ont plus précisément marqués Barbara : Le bouvier et la tisserande (conte coréen) et l’échange des corvées (Écosse).
C’est une lecture originale, décapante, amusante, la morale « traditionnelle » n’est pas toujours au rendez-vous, mais pour elles, la fin justifie les moyens !

3)Agnès : « Le convoi de l’eau », Akira Yoshimura, Actes Sud

Akira Yoshimura (1927-2006) a laissé une œuvre considérable qui a marqué de son empreinte la période de l’après-guerre au Japon.

Dans ce roman une équipe est chargée de construire un barrage hydroélectrique en haute montagne, au Japon, Ce chantier entraînera la submersion du hameau et l’exil de ses habitants, une population avec laquelle les ouvriers ne se mêlent pas. Les deux camps s’observent, se regardent, les ouvriers sont fascinés par le calme, l’organisation, la persévérance et la discipline de cette communauté humaine malgré le sort qui l’attend.
Les descriptions du paysages (la forêt, l’eau, la brume, la neige, le feu…) sont lyriques, magnifiques et s’opposent aux mœurs frustes des habitants. Le roman, court, très sombre, poétique, onirique est chargé de symboles.

4) Christian : « Les règles du mikado » Erri de Luca, Gallimard.

Une rencontre qui aurait pu être banale, celle d’un horloger et d’une bohémienne à la frontière italo-slovène, mais il n’en est rien !

Le vieil horloger a pour habitude de camper en montagne en solitaire. Une nuit d’hiver, une jeune tzigane et son ours entrent dans sa tente, elle lui demande de l’abriter car elle a fui sa famille et le mariage forcé qu’on lui imposait de l’autre côté des montagnes. L’homme cache la clandestine de la police aux frontières, de son père, de son clan qui la cherchent pour la punir, peut-être même la tuer.

Ils dialogueront longuement, s’écriront, resteront amis pour toujours, même l’un loin de l’autre, mais garderont leur secret.

C’est un récit en trois parties, un conte philosophique. Conformément aux règles du Mikado, chacun jouera sa vie en veillant à ne pas ébranler celle de l’autre.

Un style sobre, un roman plein d’humanité comme tous les romans de cet auteur.

Une lecture émouvante qui colle à notre actualité mondiale pour le moins chaotique. Il y a un secret, bien sûr, mais pour le découvrir il faut lire ce roman !

5)Franck : « Un ciel si bleu », T.C Boyle, Grasset.

Nous sommes en Floride où nous faisons connaissance de Cat, une jeune-femme un peu superficielle, de Tom, son fiancé, ambassadeur de la marque Bacardi.

Cat se rêve en influenceuse et doit, pour cela, faire l’acquisition d’un n.a.c (nouvel animal de compagnie) : un python birman.
Cet achat, raconté par ce romancier américain est à lui seul une anthologie d’humour décapant.

 De l’autre côté du pays, en Californie, c’est un tout autre achat qu’effectue sa mère Ottilie : de plus en plus sensible à son empreinte écologique, elle franchit un pas supplémentaire vers l’autonomie alimentaire et le recyclage des déchets en se dotant d’un réacteur à criquets. Son fils, Cooper, biologiste spécialisé dans les insectes, n’est pas étranger à ce choix. Mais alors que celui-ci accompagne sa petite amie à la recherche de tiques, il se fait piquer (maladie de Lyme ).
Ces choix spontanés émaillés de petits incidents vont entraîner une chaîne d’événements dévastatrice.
La nature s’affole, l’atmosphère devient étouffante, les incendies font rage.

Ce livre, édité en février 2024, présenté comme une dystopie écologique, prend vite une tournure pré-apocalyptique, doublée de comédie noire (Violence des incendies dévastateurs en Californie qui sévissent toujours).

Franck conclut que « Boyle n’avait probablement pas envisagé le retour à la présidence d’un homme qui non seulement considère le réchauffement climatique comme une fable mais qui participe au démantèlement des fondements de la démocratie américaine.
La réalité dépasse toujours (ou souvent ?) la fiction. »

6)Delphine : « Sa préférée », Sarah Jollien-Fardel, Livre de Poche

C’est l’histoire de l’autrice suisse qui est racontée ici.

Dans un village des montagnes valaisannes, Jeanne grandit en apprenant à éviter et à anticiper la tyrannie de son père alcoolique. Sa mère et sa sœur aînée semblent résignées tandis que les proches se taisent. La peur est là, au quotidien. Après le suicide de sa sœur, Jeanne, parviendra à s’extraire de son milieu familial, quittera sa région natale, se reconstruira, s’ouvrira aux autres, et s’autorisera à tomber amoureuse. Néanmoins, elle restera, à jamais cabossée par la violence vécue, pendant son enfance et son adolescence. Les plaies laissent toujours des cicatrices.

L’écriture est tonique, percutante, elle marque avec une grande force l’urgence de vivre ou de revivre. Un récit qui ne peut laisser indifférent.

Ce roman a reçu le Prix du roman Fnac, et le Goncourt des détenus en 2022.

7) Geneviève : « Le labyrinthe des égarés », Amin Maalouf, Grasset

Geneviève apprécie particulièrement cet auteur libano-français.

En exergue du livre, l’auteur cite cette parole si pertinente de Faulkner : « Le passé ne meurt jamais. Il ne faut même pas le croire passé. »

 Un essai qui constitue une formidable révision historique et qui aide à réfléchir, à mieux comprendre la situation internationale actuelle car Amin Maalouf retrace, dans ce livre, les origines de ce nouvel (et éternel) affrontement entre l’Occident et ses adversaires, en retraçant l’itinéraire de quatre grandes nations : d’abord le Japon de l’ère Meiji (guerre russo-japonaise 1904-1905), qui fut le premier pays d’Asie à défier la suprématie des nations « blanches », et dont la modernisation accélérée fascina l’humanité entière, notamment les autres pays d’Orient, qui tous rêvèrent de l’imiter ; puis la Russie soviétique, qui constitua, pendant trois quarts de siècle, une formidable menace pour l’Occident par son système et ses valeurs, avant de s’effondrer ; ensuite la Chine, qui représente en ce vingt-et-unième siècle, par son développement économique, par son poids démographique et par l’idéologie de ses dirigeants, le principal défi à la suprématie de l’Occident ; et enfin les États-Unis, qui ont tenu tête à chacun des trois « challengers », et qui sont devenus, au fil des guerres, le chef suprême de l’Occident et la première superpuissance planétaire.

 Ce soir, comme à l’accoutumée, Geneviève nous a fait la lecture d’un passage de ce livre pour nous plonger dans l’ambiance du récit.

8)Isabelle : « Houris », Kamel Daoud, Gallimard

Prix Goncourt 2024.

« Je suis la véritable trace, le plus solide des indices attestant de tout ce que nous avons vécu en dix ans en Algérie. Je cache l’histoire d’une guerre entière, inscrite sur ma peau depuis que je suis enfant ». Ce sont les paroles d’Aube au début de ce roman.

Tout le roman est articulé autour du drame vécu par cette jeune-femme, enfant, égorgée, sauvée par miracle par le sacrifice de sa sœur, au cours de la décennie noire qui a marqué l’Algérie (1992-2002). Elle en garde d’atroces séquelles, elle est muette, les cordes vocales ont été sectionnées.

Houris est l’enfant qu’elle porte dans son ventre, une fille, de toute évidence pour elle. Mais a-t-elle le droit de garder cette enfant ? Peut-on donner la vie quand on vous l’a presque arrachée

Houris est un roman terriblement réaliste, écrit avec tact et poésie.
L’auteur se montre sans pitié pour ceux qui jouent la comédie de l’intégrisme religieux.

Un récit qui souligne, en particulier, le sort scandaleux réservé aux femmes et celui plus édifiant des terroristes qui s’en sont tirés en affirmant (quel cynisme !) qu’ils n’étaient que « cuisiniers » !

L’Algérie, un pays qui a voté des lois pour punir quiconque évoque la guerre civile.

A lire absolument.

9) Catherine : « Le Bastion des larmes », Abdellah Taïa, Julliard

Un roman qui a permis à Catherine de retrouver le « vrai » Maroc, celui qu’elle a connu et qu’elle aime.

Après la mort de sa mère, Youssef, 46 ans, un professeur marocain exilé en France depuis un quart de siècle, revient à Salé, sa ville natale, à la demande expresse de ses sœurs, pour liquider l’héritage familial. En lui, c’est tout un passé qui ressurgit, où se mêlent inextricablement, souffrances, meurtrissures et bonheur de vivre.
Youssef est gay, un Zemel (c’est très fort comme qualificatif), un homosexuel ( ce mot à connotation colonialiste qui ne sera pas repris par l’auteur) dans un pays, qui criminalise ces personnes.
 Cet intermède va lui permettre de réentendre les voix du passé, notamment celle de Najib, son ami et amant de jeunesse au destin tragique.

Le Bastion des Larmes, c’est le nom donné aux remparts de la vieille ville (située au bord de l’océan Atlantique, sur la rive droite de l’embouchure du Bouregreg, en face de la capitale nationale Rabat), à l’ombre desquels Youssef a jadis fait une promesse à Najib.

Un livre transgressif, douloureux, magnifique cruel, et réaliste.

10) Michèle : « Marseille, Porte du Sud », Albert Londre, Arléa

 Nulle doute que Marseille, la cosmopolite, la multiraciale, a impressionné ce grand reporter. Six ans avant sa disparition en mer, il concrétise ce qu’il voulait faire depuis longtemps: décrire la cité phocéenne, son ambiance, et il le fait avec enthousiasme, saisissant avec émotion l’âme et les pulsions, la verve de la belle cité.
C’est un récit, ensoleillé, exotique, poétique, malheureusement les descriptions du port ne correspondent plus à la réalité économique actuelle, il a perdu de sa superbe
et même s’il reste le premier port de France, il n’a plus la prépondérance surl’échiquier européen.
Une belle lecture qui invite à en savoir plus sur ce talentueux journaliste-reporter, avec le projet de lire prochainement sa biographie.
 

Jacky :

– « Je veux regarder longtemps leurs visages », Thomas Vinau – La fosse aux ours

Un texte écrit à partir de la photographie de la colonie d’Izieu dans l’Ain qui reste tragiquement dans nos mémoires : 44 enfants âgés de 5 à 17 ans et 7 adultes ont été arrêtés par la Gestapo et déportés le 6 avril 1944. Pour ne pas les oublier…

 Les mots de Thomas Vinau sont « comme un pansement de miel sur l’inacceptable. » Une prose poétique, un cri d’amour sublime et bouleversant à lire, à offrir.

– « Un chemin entre plusieurs mondes » Jérôme Garcin, plénitude.

 C’est celui que suit de Christian Garcin où il tisse des liens d’un continent à l’autre, d’une époque à l’autre, entre introspection et observation. Il trouve dans ses lectures, le cinéma, les rencontres ou la contemplation de la nature les matériaux qui nourrissent sa réflexion et son carnet de route.

Jacky a apprécié certaines chroniques, d’autres moins.

Marlies : « Nives ou les cœurs volatils », Sacha Naspini, Actes Sud

Un livre qui a séduit Marlies, elle nous en parle avec enthousiasme et nous lit quelques passages épiques.

Nives, fermière toscane, a choisi de combler le vide laissé après la mort de son mari par la compagnie d’une poule, Giacomina qui la réconforte. Un soir, inquiète pour cette dernière qui se pétrifie après avoir regardé à la télé une publicité sur Dash, elle contacte par téléphone le vétérinaire, très alcoolique. L’appel d’urgence se mue alors en conversation fleuve aux allures de montagnes russes, à l’image d’une vie.

C’est cocasse, léger, mais piquant, de beaux passages sur la solitude.

Lectures partagées du 7 mars 2025

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